Plus de 400 éditeurs participeront à la prochaine édition du SILA qui se tiendra du 28 octobre au 6 novembre. Or, 80 % de ces éditeurs exposeront des livres religieux, a-t-on appris de sources proches du commissariat du SILA.
Ces livres dont le contenu « religieusement incorrect » laissent d’ores et déjà pantois les observateurs de la scène culturelle qui s’étonnent de la passivité des pouvoirs publics devant le raz-de-marée des opus religieux en Algérie.
Chaque année des romans et des essais sont censurés en Algérie parce qu’ils ont osé franchir des lignes rouges. C’est un fait. Mais, chaque année, le Salon international du livre d’Alger (SILA) propose des milliers de livres religieux propageant des idées qui pourraient offenser tout bon musulman modéré. Mais ces ouvrages là sont rarement censurés. Sont-ils moins dangereux ?
Personne n’a voulu nous répondre du côté du commissariat du SILA car le contrôle des livres exposés revient tout d’abord à une commission du ministère la Culture. Une commission dont on ne connaît toujours pas les règles de fonctionnement ni les critères précis sur lesquels elle se base pour censurer tel livre ou tel roman.
Quoi qu’il en soit, il semble apparent que le livre religieux bénéficie d’un traitement de faveur sinon comment expliquer sa forte présence au SILA. Pour sauver la face, des responsables au Commissariat du SILA, tentent de justifier le fort succès du livre religieux par la puissante demande des lecteurs. Ces derniers dévorent ces livres et se soucient très peu du reste des ouvrages.
Certes, il y a une part de vérité dans ce constat. Mais comment expliquer alors qu’un livre religieux en cuir et avec une qualité de papier inégalée coûte à peine les 400 DA ! Tous les imprimeurs s’accordent à dire que la réalisation de ces ouvrages ne saurait être inférieure au 2000 DA pour chaque exemplaire.
Et pourtant, au SILA, ils sont vendus au rabais, et quelques fois mêmes offerts gratuitement. N’y a-t-il pas anguille sous roche ? Certainement oui car le tabou pèse encore dans le milieu des éditeurs dont personne « ne veut briser le silence pour dénoncer ouvertement ces subventions saoudiennes qui irriguent de nombreux exposants moyen-orientaux et leurs représentants Algériens », nous explique sous l’anonymat un exposant habitué du SILA et de ses rouages.
Un sujet tellement tabou qu’il est devenu une menace pour toute personne qui s’aventurerait à en parler car pour louer tout un espace dans un salon et solder ensuite des livres dont le coût de fabrication est réellement onéreux, cela nous peut que sous-tendre un travail sous terrain dont les visées culturelles ne sont pas évidentes à prouver.
Mais peu importe en Algérie, les polémiques nous ont toujours détournées de l’essentiel. Et pour cause, emporté par la vague de protestations, et d’approbations aussi, qu’a suscitée l’interdiction de la participation des éditeurs égyptiens, le SILA 2010 n’a jusqu’à alors rarement fait parler de lui pour son contenu et la vocation exacte de sa prochaine édition.
Et pourtant, il s‘agit là du point central sur lequel devront se focaliser tous les observateurs de la scène culturelle. Un Salon International du Livre est un évènement beaucoup plus prestigieux qu’une polémique de « salon » ont tenté, en vain, de clamer certains esprits révoltés.
A moins d’un mois de la tenue de ce salon, personne ne sait encore quel sera le thème central, ni quel sera le programme de l’animation culturelle et ni quels seront les axes de l’organisation du seul évènement livresque d’envergure internationale en Algérie !
Alors, certes, quelques confidences nous ont confiées que Pascal Boniface, Georges Corm, Patrick Poivre d’Arvor seront conviés à animer des conférences sous le chapiteau du complexe Olympique du 5 Juillet. Mais tous ces personnages prestigieux verront-ils l’autre facette du SILA, celle que connaissent si bien les Algériens ? Pas si sûr…
Abderrahmane Semmar