Les partenaires du gouvernement ont signé un communiqué commun qui marque l’entrée en vigueur du front intérieur. En affichant une pleine satisfaction des dispositions contenues dans la loi de finances complémentaire 2015, syndicat et patronat confirment l’union sacrée pour le redressement économique du pays.
La loi de finances complémentaire 2015 fait l’unanimité autour d’elle, au sens où les dispositions qu’elle contient ont tendance à satisfaire tous les acteurs de la scène économique.
La dépénalisation de l’acte de gestion, la suppression effective de l’article 87 bis du Code du travail, le soutien à la production nationale et la «bancarisation» de l’argent du circuit parallèle constituent autant de mesures phares qui arrangent les patrons, les bas salaires, le syndicat et les gestionnaires des entreprises publiques. Ceci explique largement le communiqué cosigné par l’Ugta et l’ensemble des organisations patronales, rendu public hier. En effet, le caractère «historique» de la LFC a amené des acteurs, objectivement adversaires à parapher pour la première fois un communiqué commun où l’on sent une réelle satisfaction quant à la portée des mesures contenues dans le texte de loi, tant au plan social qu’économique.
Le premier acteur de la scène socioéconomique à ne pas cacher sa joie est bien entendu le patron de la Centrale syndicale, Abdelmadjid Sidi Saïd. En effet, le secrétaire général de l’Ugta voit dans cette loi beaucoup de ses combats aboutir. La suppression du 87 bis, la dépénalisation de l’acte de gestion et le soutien à la production nationale, ont été des sujets d’âpres batailles menées par les cadres du syndicat membre de la tripartite. Initiateur de ce cadre de dialogue permanent entre le gouvernement et ses partenaires sociaux, Abdelmadjid Sidi Saïd en a fait une tribune pour défendre l’intérêt des travailleurs, mais pas seulement. En fait, l’intérêt des travailleurs est un objectif final et pour y parvenir, il était nécessaire de défendre la production nationale, de combattre l’économie informelle et de lutter contre le système de l’import-import qui a détruit des pans entiers de l’économie du pays.
Bien avant que les premiers signes de la chute des prix du pétrole n’apparaissent, Sidi Saïd était déjà au front. Lors des tripartites et ailleurs, le secrétaire général du l’Ugta disait à qui voulait l’entendre, toute l’urgence de défendre l’entreprise algérienne qu’elle soit publique ou privée. Il insistait fortement sur le retour du crédit à la consommation pour la production nationale et attirait l’attention systématiquement des pouvoirs publics sur l’impératif de la dépénalisation de l’acte de gestion. Sur le dossier de l’informel, Sidi Saïd a tiré la sonnette d’alarme avant tout le monde. avec le regretté Abdelhak Benhamouda, il avait fait campagne contre l’argent sale qui finançait à l’époque le terrorisme. Même après la victoire de l’Algérie contre les hordes barbares du GIA et du Gspc, il a continué à réclamer une lutte efficace de toutes les composantes de l’Etat pour en finir avec l’économie de bazard.
Conscient que cette économie est l’un des stigmates de la pensée rétrograde de l’ex-FIS qui avait élevé le commerce informel au rang d’activité économique, le patron de la Centrale syndicale n’a eu de cesse de demander des actions énergiques de l’Etat contre des pseudo-commerçants qui ont largement contribué à déstructurer l’économie du pays au point où l’informel pèse quelque 50% de cette économie.
Le communiqué, tout aussi «historique» que la LFC, traduit l’entente parfaite entre Sidi Saïd et les patrons sur des questions qui engagent l’avenir immédiat du pays, mais exprime également le couronnement de plusieurs années d’efforts entrepris par tous les acteurs sociaux et économiques.
L’Algérie dispose d’une marge de trois années pour mettre sur place les bases d’une économie productrice et moderne avec un secteur informel marginal et une dynamique à même de produire de l’emploi, sans avoir à compter sur les investissements publics. Cela ne sera sans doute pas facile à avoir, même si l’Algérie est condamnée à se détourner définitivement de la rente pétrolière pour espérer construire un tissu industriel digne de ce nom. C’est cela l’objectif final que poursuit Sidi Saïd, rejoint par les patrons qui, eux aussi, ont compris tout l’intérêt de composer avec les représentants des travailleurs pour construire une économie digne de ce nom.
Le communiqué commun permet donc de faire cette lecture qui consiste à constater que dans l’adversité, les Algériens peuvent trouver les moyens de s’entendre, sauf qu’il existe certainement des cercles qui voudront tirer profit de la situation, sans prendre en compte l’intérêt de la nation. Ceux-là ont déjà sévi dans les rouages de l’administration qui a sorti au fil des années certaines décisions incompréhensibles. Celles-ci ont permis des dérives inexcusables, à l’image du phénomène de la surfacturation et aux transferts illégaux de capitaux. L’Algérie n’est certainement pas sortie de l’auberge malgré le caractère «historique» de la LFC et du communiqué commun. Il reste encore beaucoup d’embûches à dépasser et pour ce faire, le patron de l’Ugta affiche sa disponibilité à poursuivre son combat pour la défense de la production nationale.