Sidi Saïd : «Nous risquons de nous retrouver dans une situation très critique»

Sidi Saïd : «Nous risquons de nous retrouver dans une situation très critique»

ugta-2_849618_679x417.jpg«Le prix du pétrole a atteint les limites du seuil de la gravité, nous risquons de nous retrouver dans une situation très critique », a déclaré le secrétaire général de l’UGTA à partir de M’Sila.

Abdelmadjid Sidi Saïd a décidé- de prendre son bâton de pèlerin pour aller prospecter «les niches» de la production nationale à travers l’ensemble du territoire nationale. Hier, il a fait escale à M’Sila où il a visité deux usines privées, l’une de fabrication de semi-remorques et la seconde de système de canalisations PRV. Présent sur les lieux, le président de la CIPA (Confédération des industries et patronat algérien) a reconnu que «l’UGTA a fait beaucoup pour nous, elle a mené une bataille de près de deux ans en faveur de la protection de la production nationale malgré la persistance de certaines entreprises publiques à importer. » M’Henni a noté que le produit de l’usine est fabriqué avec un taux d’intégration de près de 65% et « la production couvre entre 20 et 25% des besoins du marché local, nous employons 200 personnes. » Sidi Saïd interroge alors « vous n’êtes pas les seuls sur le marché algérien, réunis, est-ce que vous pouvez couvrir la totalité des besoins nationaux ? » M’Henni acquiesce. « Est-ce que le même produit fini est importé ? demande Sidi Saïd. « Oui, notre concurrent, c’est la Tunisie, » répondent les responsables de l’usine. «Non seulement, il est importé mais il l’est à zéro % de taxes de douanes, alors que nous, nous importons les matières premières avec des taxes de 30%, on paie la TVA, les droits de douanes, c’est injuste, » dit M’Henni. « Faites-moi un dossier complet sur l’ensemble des intervenants dans ce domaine, si vous arrivez à couvrir jusqu’à 70% des besoins nationaux, ce n’est pas grave que les 30% restants soient couverts par l’importation, » fait savoir le SG de l’UGTA.

«LES LICENCES POUR DISCIPLINER LES IMPORTATIONS»

Sidi Saïd explique ainsi que « la licence d’importation n’est pas un frein, mais elle est pour réglementer et discipliner les importations ; en plus, ce sont les gens du métier qui doivent le faire, il faut contingenter les marchandises à importer pour pouvoir sortir progressivement de ce cercle vicieux. » Le président de la CIPA l’informe que « nous voulons faire une extension du projet pour un coût de 170 milliards et créer 650 potes d’emplois pour une production bien plus importante. » Mais, réclame le responsable de ACI « nous n’avons pas obtenu de foncier pour le faire, nous avons 22 produits homologués mais nous n’en fabriquons que 4 parce qu’on n’a pas pu agrandir l’usine. » Le wali de M’Sila rétorque «pas de problème, je vous donne le terrain mais il faut que vous arrêtiez de fabriquer les anciennes remorques avec deux roues, ça abîme les routes, leur revêtement nous coûte les yeux de la tête. » Mohamed Bousmah conseille alors « utilisez les nouvelles technologies comme dans le monde, ça nous évitera de voir nos routes abîmées. » M’Henni rectifie « l’extension nous permettra de moderniser nos équipements, le ministère de la Défense nationale nous a déjà remis un certificat de conformité à ce que nous produisons. » Le SG de l’UGTA tente de recentrer le débat et exhorte les producteurs nationaux à faire de « M’Sila, un pôle de production de la remorque, en plus de sa vocation agricole. » Il estime ainsi que « M’Sila sera connue par sa remorque, vous pouvez l’appeler la belle M’silia, c’est beau n’est-ce pas ?!? » Il reprend le slogan écrit sur une large banderole à l’entrée de l’usine « ensemble, relevons le défi de remplacer l’importation par la production nationale. »

«C’EST UNE CONCURRENCE DELOYALE»

La deuxième halte de Sidi Said a été chez «Maghreb Pipe industries » fabricant de systèmes de canalisations AEP et autres transferts et employant 300 personnes. Le gérant appelle avec insistance à « mettre un terme à l’importation de produits similaires, le secteur de l’eau continue de donner des cahiers des charges exigeant leur importation, c’est une concurrence déloyale. » Il rappelle qu’ « en 2013, lorsqu’il a visité notre usine, le 1er ministre nous a demandé de faire l’extension et même de construire une deuxième usine mais avec ce genre de pratiques, on n’est pas encouragé à le faire. » Le SG de l’UGTA prend la parole et lance « la protection de l’économie nationale doit marquer une date historique comme celle du 1er novembre 54, ça a été notre guerre de libération nationale, on a eu notre indépendance, aujourd’hui aussi, on doit être ferme, parce que c’est la bataille pour l’indépendance économique, il faut sauver notre économie nationale. » Sidi Saïd souligne qu’ «il n’y a pas un pays qui a construit son économie avec l’importation, le prix du pétrole a atteint le seuil de la gravité, nous risquons de nous trouver dans une situation très critique. » Il estime alors que « la bataille de la production nationale est une obligation morale pour nous tous, d’ici 5 ans, il faut qu’on ait renversé la vapeur en sa faveur, il ne faut plus que l’Algérie soit un marché pour les produits occidentaux et nous, nous ne savons pas ce que c’est le protectionnisme de notre production. » Il explique que « la production nationale, c’est la clé de le création d’emplois, de la protection du pouvoir d’achat, de la modernité de nos entreprises…. »

«ARRETONS DE NOUS INSULTER LES UNS LES AUTRES !»

Sidi Saïd hausse le ton pour affirmer « si on ne comprend pas ça aujourd’hui, que nous devons nous occuper sérieusement et avec conviction de la production nationale pour en faire un instrument de développement durable, nous pouvons nous trouver dans des situations très graves. » Il est convaincu qu’ « il y en a beaucoup qui font tout pour nous mettre au service des pays étrangers, il faut qu’on devienne les moudjahidine et même les martyrs de l’économie nationale, sinon, nos horizons seront noirs. » Il interroge « on va où en important les carottes et les navets ? Est-il normal qu’on importe pour plus de 60 milliards de dollars ? » Il fait savoir qu’ « il y a 6 nationalités qui ont des autorisations pour importer n’importe quoi, les étrangers nous ramènent à manger, ça ne se passe qu’en Algérie, même pas au cinéma !» Le SG de l’UGTA est persuadé qu’ «on est devenus des vauriens, on s’insulte les uns les autres alors que le nouveau colonialisme détruit les pays, il faut arrêter !» Il rassure en dernier «il faut se mettre dans une position optimiste et nous dire on peut !» Il déclare «lancer un appel aux Algériens pour ne pas rater le coche et relever le défi de la production et la consommation nationales.» L’après-midi, Sidi Saïd l’a consacré au groupe Benhamadi de Bordj Bou Arreridj qui gère plus d’une quinzaine de filiales dont la plus connue Condor Electronics et un nouveau centre médical de médecine du travail. Le groupe emploie, selon son premier manager, 12 000 salariés «dont 8000 à Bordj;» Ses produits autres que l’électronique, les panneaux solaires pour lesquels il affirme « ne pas trouver de marché. Il produit aussi la charpente métallique, les panneaux sandwichs, des panneaux frigorifiques, et autres «bobines galvanisées.»

«NOUS SOMMES EN TRAIN DE RECUPERER LE FONCIER NON EXPLOITE»

L’usine est, affirme son patron « la première en Afrique du nord. » Son extension est déjà entamée sur une superficie importante avec des équipements modernes. Sur place, des chefs d’entreprises privées ont voulu conclure des marchés. « Un échange de bons procédés, » dit l’un d’entre eux. « C’est une coopération triptyque, entre l’Etat régulateur en la personne du wali, le public et le privé ou le privé-privé, » relève Sidi Saïd.

Il rappelle que « les walis doivent devenir des acteurs économiques facilitateurs de l’acte d’investir, je le leur demande solennellement, » dit-il. « Nous avons été déchargés de certaines de nos prérogatives au profit de celle de nous occuper de l’économie nationale et de l’entreprise, » nous dit le wali de BBA. Abdessamiia Saïdoune a pris les patrons de court pour leur lancer « je mets à votre disposition un pôle industriel qui arrivera jusqu’aux frontières de Bouira». L’offre était adressée aux chefs d’entreprises membres de la CIPA. « Le problème c’est la bureaucratie, » lâche Abdelaziz M’Henni, leur président. « Les choses ont changé, c’est fini. Je sortirai avec vous pour visiter le terrain dont je vous parle, » rassure le wali. Saïdoune nous fait savoir que « nous sommes en train d’annuler des autorisations d’octroi du foncier aux investisseurs qui ne l’ont pas exploité, nous appliquons les décisions du gouvernement. » Sa déclaration d’intention d’accorder le foncier aux membres de la CIPA, entrepreneurs de la région, pour en faire un pôle industriel, en cache une assez importante, celle, dit-il « de créer des emplois et de prendre en charge la main d’œuvre locale. » Il propose d’ailleurs aux entrepreneurs concernés de prendre le terrain «et viabilisez-le vous-même pour faire vite. »

Notons que le SG de l’UGTA a rendu visite à de grosses usines en compagnie des membres de l’union syndicale de wilaya. Mais aucune entreprise n’avait son syndicat. Les travailleurs que nous avons croisés le revendiquent bien.