Réservé et habituellement très peu loquace, mais quand Sidi Said adresse sa harangue de syndicaliste, c’est que le feu est dans la demeure.
Alerte, vif et surtout remonté, le patron de la Centrale syndicale, Abdelmadjid Sidi Saïd, surgit en pompier et dit basta aux guéguerres, aux tiraillements et aux chamailleries inutiles en ces moments cruciaux que traverse le pays. «Basta aux conflits!», a-t-il lancé hier, lors de l’installation des groupes publics des transports (terrestre, marchandises, services portuaires) au Cercle de l’armée à Alger, en présence du ministre de l’Industrie et des Mines, Abdessalem Bouchouareb et du ministre des Transports Boudjema Talai. Réservé et habituellement très peu loquace, mais quand Sidi Said adresse sa harangue de syndicaliste, c’est que le feu est dans la demeure.
Depuis ces deux derniers mois les scènes politique et sociale ont connu des déballages inattendus qui vont jusqu’à mettre en péril même la cohésion sociale. Des généraux s’entre-déchirent, des hommes politiques se tirent dans les pattes et même d’anciens révolutionnaires étalent leurs anciennes querelles. «Les révélations», servies à satiété, en guise de «scoops» médiatiques ont pollué le débat public au point d’occulter des questions autrement plus sensibles et plus déterminantes pour l’avenir du pays.
Pour Abdelmadjid Sidi Saïd, «l’ennemi est ailleurs» et avec nos querelles nous lui prêtons le flanc. Le patron de l’Ugta tente de sauver l’essentiel et pour lui l’essentiel ce sont les travailleurs à qui il veut épargner ces polémiques stériles.
«Arrêtons ces querelles entre travailleurs, entre ministres ou entre responsables», conseille-t-il avant de montrer la voie: «Le vrai problème, la vraie question est de redonner un autre souffle à l’économie nationale.» Puis il avertit: «Si nous, nous ne travaillons pas ensemble et en collectivité, nous risquons de revivre les crises financières du passé.»
L’Algérie est en passe de revivre la crise sociale, économique et son corollaire politique au même titre que celle de la fin des années 1980. Il ne s’agit pas de paroles d’opposant excité ni d’étude de scientifique déconnecté de la réalité, mais c’est l’Ugta qui le dit et avec force. Sur un ton grave Sidi Saïd rappellera, déçu, les moments de gloire de notre économie. Et puisqu’il était dans une rencontre
qui concernait le transport, le syndicaliste note avec amertume qu’ «en termes de transports maritimes, l’Algérie était parmi les meilleures en Afrique. Nous nous retrouvons aujourd’hui dans des situations dramatiques».
Sidi Saïd balaie l’assistance du regard et s’interroge sur cette camisole de force qui nous enveloppe et fait de nous un pays incapable de devenir un hub maritime pour aller conquérir le grand marché de l’Afrique.
«Pourtant, les Africains sont demandeurs de la production nationale algérienne, ils en raffolent même», regrette-t-il.
Le même topo, les mêmes regrets et la même situation d’incapacité ont été vécus dans le secteur du transport aérien.
Dans ce domaine aussi, «nous étions à un certain moment parmi les meilleurs, ce qui n’est plus le cas». Tranchant et direct, Sidi Saïd assène sur un air de défi: «Je dis devant vous et devant le P-DG de la compagnie nationale Air Algérie, si demain nous amputons la compagnie des vols à destination de la France (Paris, Lyon et Marseille), 60% des recettes d’Air Algérie disparaîtront». Il ajoute que «c’est l’avenir des salariés qui est en jeu». Le secrétaire général de l’Ugta regrette surtout le fait de se livrer avec cette facilité pieds et poings liés aux recettes d’une seule destination. «La stabilité est à venir avec l’installation des nouveaux groupes de transports», augure-t-il. Il est rare que Sidi Saïd soit aussi «agressif» et acéré. Est-ce la conjoncture économique qui est sérieusement menacée? Cette intervention annonce-t-elle de grands changements en préparation? Surtout que nous sommes à la veille d’un remaniement ministériel et de formulation de plusieurs lois organiques.