Dans l’entretien qu’il nous a accordé, le ministre revient sur la dynamique qu’il a insufflée au secteur de l’agriculture et évoque les perspectives futures, à l’image de l’exportation.
L’Expression: M.le ministre, vous menez des actions profondes dans toutes les filières du secteur, celles du lait et de la pomme de terre ont connu de réelles avancées, quels sont les prochaines étapes et quels en sont les objectifs?
Sid Ahmed Ferroukhi: Pour ne rester que sur celles-là, il faut rappeler que nous avons mis en place une vraie dynamique pour arriver à faire converger toutes les actions dans le même sens. Sur la pomme de terre nous sommes arrivés à une étape où il est surtout question de gérer le surplus de production, il s’agit de 22.000 hectares plantés au demeurant, pour un objectif de 70.000 hectares, une augmentation de stockage de la pomme de terre fraîche, de 60.000 tonnes. C’est à ce niveau qu’il est indispensable de maîtriser les excédents pour permettre aux agriculteurs de maintenir un niveau de commercialisation en harmonie avec le prix référentiel. Nous travaillons dans ce sens sans relâche, et les défis sont clairs, il s’agit d’inciter toutes les wilayas concernées à produire, transformer et exporter, pour cela il est indispensable d’effectuer un travail d’évaluation de stock précis.

De leur côté ces wilayas doivent s’organiser pour optimiser ces actions, il faut dépasser cette optique où c’est l’Etat qui prend en charge toutes les étapes du développement. Nous devons également réduire l’importation de la semence «A», et cela à travers la mise à niveau des établissements de multiplication de semence, notre objectif à l’horizon 2019 est d’en finir avec cette importation.
Il y va de même pour la poudre de lait, sur une importation de 35.000 tonnes/an, nous nous sommes fixé l’objectif de 0 importation de poudre de lait pour les produits dérivés d’ici 2019, il s’agit de 25 milliards de dinars d’investissement dans les différents segments de la filière, pour la production de fourrage soutenus par les crédits bonifiés. Ce sont là les grandes lignes de nos actions qui vont nous permettre au même titre que les autres secteurs de contribuer à l’essor économique du pays.
Certains agriculteurs semblent se décourager devant les invendus, n’y a-t-il pas risque qu’ils abandonnent?
Ils ne devraient pas. Nous faisons le maximum pour arriver à élaguer tous les obstacles qui font que les surplus de production, notamment en pomme de terre engendrent des baisses insupportables des prix, mais c’est une première étape de maîtrise de la disponibilité. Il n’ y a pas si longtemps, nous souffrions de pénurie, aujourd’hui nous sommes dans une phase de maîtrise des surproductions, et dans ce sens l’exportation représente une vraie soupape de décompression.
A propos d’exportation justement, quelles sont les filières les plus proches de cet objectif?
Il s’agit de faire converger toutes les actions vers le même résultat, autrement dit l’exportation. Nous sommes dans une phase où, au moment de la production, il faut viser l’exportation. Pour ce faire, un travail profond d’évaluation et de quantification doit être effectué. C’est ce qui déterminera les bases de la production, de la transformation et de la mécanisation. En parallèle, nous travaillons pour accompagner ces efforts administrativement, cela se traduit par les facilitations telles que la délivrance des certificats phytosanitaires, l’accès au foncier et l’accès aux crédits. D’un autre côté nous avons déjà commencé l’exportation de la pomme de terre vers les pays du Golfe et la Russie, et l’écho est hautement positif. C’est vrai que ce n’est qu’un début, mais cela peut se généraliser sur toutes les filières, surtout que nous prêtons une grande attention à la labellisation des produits. Ceci étant, il est question avant tout d’assurer les besoins nationaux.
Par ailleurs, le réflexe d’exporter prend une place prépondérante dans la nouvelle stratégie économique, basée sur la rationalisation des dépenses, la réduction de la facture d’importation et le développement de l’activité de l’exportation. Cette dernière intervient également dans la maîtrise des stocks et des surplus, et permettra d’arriver à une stabilité des prix en vue de permettre aux différents acteurs de tirer profit de cette synergie et survivre. C’est également l’opportunité de pénétrer les marchés étrangers, nous travaillons pour introduire cette dynamique au sein de toutes les filières. D’autant plus que l’agriculture saharienne permet de produire à longueur d’année et d’avoir des récoltes précoces par rapport à celles du Nord, ce qui est un grand atout commercial
Vous avez été un peu partout dans le sud du pays. Quel constat faites-vous de votre rencontre avec les agriculteurs et les éleveurs de ces régions?
J’ai été agréablement surpris, les choses commencent à bouger. On se rend compte que les agriculteurs s’organisent et font beaucoup d’efforts pour faire émerger une agriculture saharienne durable, mais ils rencontrent beaucoup d’obstacles. Pour y remédier une action profonde sur trois axes est plus que nécessaire. D’abord, c’est très important de préserver ce qui a été réalisé en matière de développement et d’investissement pour relancer l’activité agricole, pour confirmer une continuité et une régularité nécessaires pour asseoir la stratégie que le secteur s’efforce de mettre en place. Nous accordons un intérêt particulier à la jeunesse. Nous avons commencé par mettre à leur disposition cinq périmètres d’investissement, renouvelables chaque année, des facilitations pour les crédits et le foncier, à cela s’ajoutera la formation qui permettra aux jeunes agriculteurs d’assurer la relève et de confirmer l’investissement continu. Ce dernier représente notre troisième axe, il est impératif que cette wilaya draine les investisseurs, se place dans la concurrence, et construise son attractivité.
Quelle est la politique du secteur pour lutter contre la bureaucratie et la corruption?
Evidemment, nous luttons contre la bureaucratie et la corruption. Seulement, c’est assez délicat, dans le sens où en même temps notre but est de drainer les investisseurs vers l’agriculture. Il s’agit d’arriver à un savant dosage entre l’action répressive et l’encouragement à l’investissement. Mais je reste persuadé que tout ce travail va aboutir à un équilibre réel, c’est le défi à relever.
Vous faites partie de cette nouvelle génération de ministres qui ont plus de facilités à communiquer et aller vers les citoyens, est-ce une nouvelle ère de gestion politique?
Vous savez, tout le monde fait cela aujourd’hui, pour moi c’est tout à fait normal. Comment voulez-vous être compétent et efficace, si vous n’êtes pas conscient de la réalité sociale et des préoccupations profondes des citoyens, notamment les acteurs du secteur? Oui, c’est une façon d’être plus à l’écoute et de créer une réelle relation de collaboration. Ceci étant, la conjoncture l’impose, nous sommes en face de grands défis et enjeux économiques, et nous n’avons pas droit à l’erreur. Donc, se rapprocher des professionnels du secteur, comprendre et déterminer les failles en vue d’apporter conjointement les solutions, ne peut passer que par la proximité, l’écoute et le dialogue. Les sociétés comme les économies ne se construisent pas toutes seules.