« Si j’étais voilée, je n’aurais pas eu cette carrière » : Léna Mahfouf brise le silence

« Si j’étais voilée, je n’aurais pas eu cette carrière » : Léna Mahfouf brise le silence

C’est à Cannes, lors du prestigieux gala Chopard en marge du Festival, que Léna Mahfouf — alias Léna Situations — a osé ce que certains considèrent encore en France comme un acte politique : porter une robe blanche ample accompagnée d’un foulard discret dans les cheveux. En Algérie ou dans d’autres pays musulmans, ce choix stylistique serait banal, voire élégant. Mais sur la Croisette, il est devenu un symbole de « menace islamiste » pour une élite politique française aux nerfs à vif.

Deborah Abisror-De Liem, cadre du parti macroniste Renaissance, a comparé cette tenue à un acte d’« entrisme », invoquant une soi-disant infiltration par les codes vestimentaires. La référence aux Frères musulmans a été immédiate, choquante et révélatrice d’un climat malsain l’apparence d’une femme musulmane devient objet de suspicion.

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Une réponse digne et lucide

Léna Mahfouf, influenceuse franco-algérienne auprès de 5 millions d’abonnés, n’est pas restée silencieuse. Sur Instagram, elle a dénoncé l’absurdité de cette attaque :

« Pendant ce Festival de Cannes, j’ai appris que selon certains, j’avais rejoint les Frères musulmans. Une pensée à nos mères qui ont marché pour que nous puissions CHOISIR nos vêtements. »

Son message a résonné bien au-delà de la mode. Il a mis en lumière une réalité que vivent quotidiennement des milliers de femmes musulmanes : jugées, stigmatisées, caricaturées — simplement pour avoir fait un choix vestimentaire en accord avec leur culture ou leur foi.

« Je suis une version maghrébine acceptée »

Quelques heures après cette polémique, Léna Mahfouf a accordé un entretien à Élise Lucet dans l’émission Dérush. Elle y dénonce avec franchise l’hypocrisie de l’ouverture à la diversité dans les milieux du luxe et de la publicité :

« Je peux me retrouver dans une campagne sans faire un 32 et sans être une blonde aux yeux bleus… Mais je suis une version maghrébine acceptée. »

Et de poursuivre :

« Je pense vraiment que si j’étais une femme voilée, je n’aurais pas eu les mêmes opportunités que j’ai aujourd’hui. »

Cette déclaration sonne comme un coup de poing. Car elle révèle ce que beaucoup pensent tout bas : l’inclusion en France est souvent conditionnelle. La diversité est tolérée tant qu’elle ne trouble pas l’ordre esthétique dominant, tant qu’elle ne porte pas de signes trop visibles de religiosité.

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Léna Mahfouf reconnaît avec humilité son parcours exceptionnel. Issue d’une double culture, femme, entrepreneuse, elle a su s’imposer malgré les barrières. Mais elle sait aussi que sa réussite est en partie liée au fait qu’elle reste « acceptable » pour le système médiatique français — parce qu’elle ne porte pas le voile, parce qu’elle incarne une diversité esthétiquement et culturellement « digérable ».

Le vrai visage de la liberté

Cette affaire n’est pas simplement une polémique de plus sur la tenue d’une influenceuse. Elle met à nu le double discours occidental sur la liberté : on vante le droit de se dénuder, mais on attaque celles qui choisissent de se couvrir. On célèbre la diversité tant qu’elle reste silencieuse sur ses origines ou ses croyances.

En définitive, Léna Mahfouf a levé le voile — non pas sur ses cheveux, mais sur les contradictions profondes d’une société qui prône l’émancipation tout en la conditionnant à l’effacement des identités musulmanes.