Si El-Hachemi Assad, SG du HCA, hier au forum de “Liberté” “Tamazight est l’affaire de toutes les institutions”

Si El-Hachemi Assad, SG du HCA, hier au forum de “Liberté”  “Tamazight est l’affaire de toutes les institutions”

M. Assad a relevé des incohérences dans les décisions prises par le ministère de l’Éducation nationale concernant tamazight, mais qui sont inappliquées sur le terrain.

Invité au Forum de Liberté à l’occasion de la célébration du double anniversaire du Printemps amazigh et du Printemps noir, Si El-Hachemi Assad, secrétaire général du Haut-Commissariat à l’amazighité (HCA), a présenté un bilan sur l’évolution de l’enseignement de tamazight en Algérie. Tout en plaidant pour une meilleure prise en charge de cet enseignement, le SG du HCA a précisé que cette question “ne relève pas uniquement de son institution”, mais “elle concerne plusieurs institutions de l’État”. “Tamazight n’est pas l’apanage du HCA”, a-t-il ajouté, avant d’appeler les autres institutions, notamment l’éducation nationale et la recherche scientifique “à assumer leur responsabilité”. Introduit à l’école en 1995, un acquis arraché de haute lutte, l’enseignement de tamazight reste, deux décennies après, prisonnier de considérations politiciennes et idéologiques. Il demeure le maillon faible de l’école algérienne, malgré les efforts consentis.

M. Assad a donc présenté un bilan qu’il qualifie de positif, si seulement on se réfère à l’inexistence de cet enseignement auparavant. “Des pas sont accomplis et des avancées sont enregistrées”, a-t-il reconnu, soulignant que “beaucoup reste à faire et à parfaire”. Dans la foulée, l’invité de Liberté a évoqué les embûches dressées devant cet enseignement par des Directions de l’éducation. Pour lui, “il est inconcevable qu’un DE décide de passer outre une décision de sa tutelle”. M. Assad a relevé, in extenso, des incohérences dans les décisions prises par le ministère de l’Éducation nationale concernant tamazight mais qui sont inappliquées sur le terrain. Il a énuméré les circulaires du ministère de tutelle que les DE n’appliquent pas. Il a cité à titre d’exemple la circulaire n°426 du 24 mai 2007 concernant l’obligation de poursuivre le cursus de tamazight une fois l’inscription faite. Sur ce point, il a relevé les faits qui ont rendu cet enseignement “décousu”. “On ne peut enseigner cette matière dans un palier, l’arrêter dans un autre et le reprendre après”, a-t-il expliqué, plaidant pour l’élaboration d’un texte stipulant le caractère obligatoire de son enseignement dans le même palier et d’un palier à un autre là où la matière est enseignée.

Tous les intervenants dans le domaine de l’amazighité pointent du doigt le caractère facultatif de son enseignement. Fruit d’un manque de volonté politique pour assurer sa promotion, estiment certains, tandis que d’autres y voient “une volonté politique” qui tend à circonscrire cet enseignement et l’affaiblir. Ceci dit, le déni a pris une autre forme. Pour celle-là, c’est de casser de manière “pédagogique” tamazight. Entre les uns et les autres, le HCA, qui refuse d’assumer toute mission politique, plaide “pour une généralisation graduelle et planifiée de tamazight”. Si El-Hachemi Assad explique que c’est une manière de reposer la problématique de l’enseignement de la langue. Après un bilan qui s’impose pour identifier les obstacles, le HCA préconise de rester dans son schéma “de technocrate de l’amazighité”.

Une généralisation graduelle

Pour cette généralisation, le HCA propose 3 équations qui permettront d’aborder la problématique avec “sérénité”. Il s’agit, d’abord, “de revoir à la hausse les postes budgétaires à affecter pour tamazight”. Mais le bémol concerne aussi le nombre de postes, le problème de la résidence et la formation. M. Assad a fait savoir que dans le dernier placard publicitaire du ministère de l’Éducation, tamazight n’a eu droit qu’à 205 postes pour les trois paliers, répartis sur 104 PES/3 400 postes ouverts, 44 PEM/6 850 postes ouverts et 57 PEP/9 012 postes ouverts. C’est à dire que tamazight n’a récolté que 205 postes sur 19 262 annoncés par le ministère de tutelle. Cette manière de reléguer tamazight à un plan inférieur par des résistances qui s’opposent à sa promotion s’explique par cette attitude tendant à la maintenir au rang de parent pauvre de l’enseignement. “Le concours d’accès aux corps de PEP, de PEM et de PES montre, regrette le SG du HCA, que la place accordée à tamazight reste insignifiante au moment où l’on parle de sa généralisation graduelle”, ajoutant que le nombre de postes octroyés pour tamazight ne traduit pas sur le terrain l’engagement pris pour accompagner l’enseignement de tamazight. Le HCA constate aussi que des villes comme Alger, Oum El-Bouaghi et Khenchela n’ont pas eu de postes pour les enseignants de tamazight. La seconde concerne la graphie. Le HCA plaide pour “une polygraphie” comme choix stratégique “jusqu’à nouvel ordre”.

Cette histoire de graphie pour la transcription de cette langue a fait réagir, non pas les spécialistes de la question, mais les politiques. Chacun y va de sa proposition. Entre les spécialistes qui optent pour le latin, certains plaident pour le tifinagh, une catégorie, animée par une envie de toujours soumettre cette langue millénaire, propose le caractère arabe. Ceux qui ont fait de tamazight leur spécialité, comme les enseignants des trois départements de langue et culture amazighes de Tizi Ouzou, Béjaïa et Bouira plaident tous pour le caractère latin. Alors que les tenants de la décision politique veulent fausser le débat en introduisant, via les adeptes de l’arabo-islamité exclusive de l’Algérie, une autre donne concernant le caractère arabe. Pour mieux s’y prendre, le HCA opte pour les trois graphies, pour “une période de transition”. Si El-Hachemi Assad veut que le débat sur la graphie ne soit pas “idéologique ou politique”, affirmant que le latin est le choix de son institution et que le voie est libre pour les autres afin de transcrire comme bon leur semble durant la période transitoire, au terme de laquelle un choix finira par s’imposer “pour une graphie donnée dans un lieu donné”. M. Assad ne veut pas “s’aventurer” dans le débat politique. Son rôle, et notamment sa fonction veulent qu’il ne transgresse pas la règle. Il assure que “son discours est pragmatique” et que son institution “jalouse de ses attributs” est dans l’action. La mission qu’il définit pour le HCA “est de travailler avec les autres institutions, (Éducation nationale, Recherche scientifique et Communication) pour faire avancer les choses”.

À propos de l’officialisation de tamazight, le SG du HCA, qui plaide comme tout autre militant de la cause, explique, comme tout le monde le sait, que “cette question ne relève pas de ses prérogatives”, mais son rôle étant de préparer le terrain et les conditions pour cette “éventualité”. Si El-Hachemi Assad qui était venu avec une importante délégation, composée de cadres de son institution, des collaborateurs et des consultants, a présenté plusieurs projets dans le domaine. Entre colloques, séminaires et activités sur le terrain, il a évoqué une version amazighe de l’APS, qu’il a conclue avec le ministre de la Communication. Des cours d’alphabétisation, des sondages et le lancement de la coédition, le chantier de l’amazighité est toujours à ses débuts. Si le HCA résiste à toutes les critiques — il est rattaché à la présidence de la République —, l’objectif de ses responsables est de traduire sur le terrain un engagement de plusieurs générations de militants. Loin du rôle pédagogique et académique de cette institution mise sur pied après une année blanche pour les écoliers de Kabylie en 1994, la connotation politique de son combat la place au-devant de la scène. Il a accompagné les appels et les manifestations exigeant la reconnaissance de tamazight dans la future loi fondamentale.

M.M.