Chose promise, chose due.
Le projet se concrétise enfin.
Les couloirs de la prison où résonnent encore aujourd’hui les râles d’agonie de nos martyrs morts sous la torture, seront bientôt accessibles au commun des citoyens. Ceux-ci pourront les emprunter et s’y recueillir à la mémoire de nos valeureux combattants de la liberté.
Poser ses pas sur ceux de Zabana, de Abdelkader Farradj, et des 222 Algériens, dont l’écho de la voix résonne encore dans chaque recoin de ce lieu de supplice. Regarder et entendre ces murs dont chaque pierre vibre, aujourd’hui encore, sous le son de «Tahia El Djazaïr». Ce sera bientôt, et enfin, possible et à la portée de tout un chacun. Le ministre de la Justice et garde des Sceaux, Tayeb Louh s’y est engagé.
Et c’est depuis Tipaza hier, qu’il en a fait part. Même si le projet de transformer ces murs, témoins des exactions coloniales, en musée a, depuis plusieurs décennies déjà, été avancé, avec les résultats qu’on connaît, la Direction générale des établissements pénitentiaires semble déterminée à aller jusqu’au bout du projet.
«La prison de Serkadji sera fermée dans 2 ou 3 mois, après le parachèvement de la réalisation d’un autre pénitencier dans la ville de Koléa (Tipaza)», a indiqué le ministre, en marge de la cérémonie d’installation de la présidente et du procureur général de la nouvelle Cour de justice de Tipaza. Il a ajouté qu’il s’agit là d’un «objectif stratégique, lié à la mémoire nationale et à l’histoire de l’Algérie, qui nécessite que les autorités publiques mettent tout en œuvre, en vue de sa transformation en un musée, dans les plus brefs délais».
M. Louh a fait part, en ce sens, de «demandes quotidiennes émanant de réalisateurs et cinéastes pour faire des prises de vue, ou filmer au niveau de la prison de Serkadji», qui demeure, a t-il souligné, «parmi les sites témoins des atrocités des crimes du colonialisme».
Il a insisté, auprès des autorités de la wilaya de Tipaza et du directeur général de l’administration pénitentiaire, en vue d’accélérer la cadence des travaux de réalisation du pénitencier de Koléa, par la «mobilisation de tous les moyens matériels et humains nécessaires».
Cette prison, construite entre 1849 ou 1852, appelée «Prison civile» par les Français puis Barberousse et Serkadji, porte ce nom pour avoir été mitoyenne à Dar Serkadji, maison du Vinaigrier : fabricant et marchand de vinaigre en raison de l’existence dans un bâtiment attenant d’un entrepôt de vinaigre. C’est dans sa cour principale, au matin du 19 juin 1956, que le couperet de la guillotine est tombé sur Mohamed Ben Zabana, un ouvrier soudeur de 30 ans.
Qui mieux que son bourreau, Meyssonnier, pouvait mieux décrire l’état d’esprit du héros à ses derniers instants ? Il rapportera bien plus tard, évoquant ce matin d’été : «Il s’est dirigé à l’échafaud avec un courage qui m’a effrayé.»
L.S