Les partis islamistes qui gravitent sur la scène politique n’ont aucun complexe pour s’allier à leurs adversaires politiques du passé
Sept partis islamistes s’impliquent dans la présidentielle. Trois partis, le MSP, Ennahdha et le FJD, appellent au boycott, trois autres partis soutiennent Benflis, alors que le TAJ de Amar Ghoul roule pour Bouteflika.
La grande nouveauté de cette élection présidentielle, c’est la décomposition de la classe politique. Pour la première fois, depuis l’instauration de l’élection présidentielle pluraliste, il n’y aura aucun candidat du courant islamiste. Sept partis islamistes s’impliquent dans la présidentielle. Trois partis, le MSP, Ennahdha, et le FJD appellent au boycott, trois autres partis soutiennent Benflis, alors que le TAJ de Amar Ghoul roule pour Bouteflika. Trois partis islamistes soutiennent Benflis et deux partis islamistes, Ennahda et le MSP, se sont étrangement alliés à l’ennemi d’hier, le RCD pour boycotter l’élection présidentielle.
Cette relation contre nature des partis islamistes avec le clan démocrate et laïc et le soutien apporté à un ancien chef de gouvernement, Ali Benflis, considéré dans le passé comme adversaire politique lorsqu’il dirigeait le FLN et il avait raflé la majorité de l’Assemblée en 2002.
Aujourd’hui, ces partis islamistes qui gravitent sur la scène politique n’ont aucun complexe pour s’allier à leurs adversaires politiques du passé et se séparer avec les alliés d’hier. En dépit de la différence politique dans les idéaux et le programme, les partis islamistes ont cassé le tabou de fréquenter les démocrates et les libéraux et envisagent aujourd’hui avec eux des actions communes. C’est essentiellement dans cette nouvelle composition et distribution de la mosaïque politique, que le laïc Mohcine Belabès du RCD a décidé de s’allier avec les islamistes radicaux, Abderrezak Makri du MSP et Mohamed Douibi d’Ennahada pour une action commune, le boycott de la présidentielle 2014.
L’objectif avoué de cette action, c’est essentiellement de barrer la route au candidat du système, Abdelaziz Bouteflika. Mais leur appel au boycott risque de ne pas être écouté, alors que les chefs des trois partis proposent une conférence de débat national «qui associera tous les acteurs politiques pour dépasser la situation politique du pays et assurer la stabilité et l’avenir des générations futures». Cette nouvelle composition politique regroupant le MSP, le RCD et Ennahda, s’est élargie au FJD de Abdallah Djaballah, à Soufiane Djillali de Jil Jadid et Ahmed Benbitour. Une première rencontre s’est tenue jeudi dernier, sanctionnée par un communiqué où les trois partis islamistes, deux partis démocrates et l’ancien chef de gouvernement Benbitour sont tombés d’accord pour coordonner leurs actions dans le but de faire entendre la voix de celles et ceux qui refusent de prendre part à «un scrutin fermé et discrédité chaque jour.»
Si trois partis ont choisi le boycott, trois autres mouvements issus du courant islamiste ont choisi le soutien du candidat Benflis. Ainsi le mouvement Islah de Djahid Younsi, le FAN de Djamel Benabdesslam et le Front du changement ont apporté leur soutien au candidat Ali Benflis, considérant que c’est le candidat approprié pour le changement. En réalité, le dénominateur commun entre ces six partis issus du courant islamiste c’est affaiblir le candidat Abdelaziz Bouteflika qui, lui, est soutenu par un seul parti islamiste, le TAJ de Amar Ghoul, dissident du MSP. Ce dernier s’est même imposé comme l’homme de confiance de Bouteflika et pourrait rallier à sa cause la majorité de l’électorat indécis de l’ex-FIS et du MSP. Le parti de Nahnah qui s’était classé deuxième lors de la présidentielle de 1995, surclassant le candidat Saïd Sadi, arrivé troisième et dépassant largement le candidat Noureddine Boukrouh, (digne héritier de l’idéologie du penseur et islamologue Malek Bennabi), possédait un électorat non négligeable.
Presque 20 ans après cet épisode, ce sont les lieutenants respectifs de Nahnah, Saïd Sadi, Boukrouh, à savoir Makri, Mohcine Belabès et Soufiane Djillali qui s’allient dans un nouveau combat politique. Le MSP qui avait soutenu le candidat Bouteflika en 2009, dans le cadre d’une alliance présidentielle éphémère, se retrouve aujourd’hui dans une situation inédite de boycott de l’élection présidentielle.
Plus que jamais, l’électorat du MSP, ainsi que celui de l’ex-parti dissous, sont éparpillés entre participation et boycott. Enfin, reste à savoir quel sera l’avenir de ces alliances politiques entre islamistes, démocrates et libéraux au lendemain du 17 avril.