«LES SENTIERS DE L’HONNEUR»DE MESSAOUD OULAMARA : La guerre d’Algérie en direct de Kabylie

«LES SENTIERS DE L’HONNEUR»DE MESSAOUD OULAMARA : La guerre d’Algérie en direct de Kabylie

De la création du PPA jusqu’à l’indépendance et même au-delà, la guerre de Libération nationale est racontée de bout en bout, avec toutes les précisions nécessaires, par le combattant de l’ALN, le regretté Messaoud Oulamara, dans son précieux et poignant livre «Les sentiers de l’honneur».

Les éditions «Koukou», gérées par le journaliste Arezki Ait Larbi, viennent en effet d’avoir l’idée géniale de publier ce livre dans sa version française après une première édition en langue amazighe.

Le livre de Messaoud Oulamara, transcrit par le très prolifique romancier en tamazight, Aomar Oulamara, a pour rappel, été publié pour la première fois en langue amazighe aux éditions «Pas-sages».

Le livre, suite à cette première édition, a eu un impact retentissant. Ceux qui l’ont lu en kabyle, ont souvent eu la chair de poule, en parcourant certains passages et témoignages émouvants racontés avec une précision inouïe. Messaoud Oulamra, décédé le 29 octobre 2001, n’a rien oublié de son très long parcours de combattant bien qu’il soit très foisonnant en rebondissements aussi spectaculaires les uns que les autres. Il raconte dans ce livre le moindre détail. On se demande d’ailleurs à la fin de la lecture de ce livre très précieux comment un grand militant de la cause nationale comme Messaoud Oulamara est à ce point méconnu du grand public? Il est vrai aussi que le nombre d’héros ayant contribué à la guerre de Libération nationale est tellement élevé que l’on ne peut en aucun cas placer l’apport de l’un au-dessus de celui d’un autre. Mais dans le cas de Messaoud Oulamara, il faut reconnaître une particularité incontestable qui fait de lui une exception. C’est le fait qu’il ait traversé l’ensemble des étapes avant, pendant et après la guerre d’indépendance. Très jeune, Messaoud Oulamara s’engage âme et corps dans le Parti du peuple algérien (PPA) car il ne pouvait pas se taire devant les injustices du pouvoir colonial. Messaoud Oulamara était très sensible aux dépassements du colonialisme français à l’égard des Algériens. C’est pourquoi, quand il a pris connaissance que des Algériens s’apprêtaient à s’organiser contre les Français, ayant envahi le pays, il n’a pas hésité et a foncé. Après avoir mis le pied à l’étrier, Messaoud Oulamara, en infatigable militant de la cause nationale et à partir de sa région natale, Aïn El Hammam (Michelet à l’époque), mène le combat sans relâche. C’est lui d’ailleurs qui sera en quelque sorte le pilier du PPA et plus tard du FLN-ALN dans tout ce versant de la Wilaya III historique.

Le livre de Messaoud Oulamara nous fait voyager dans le temps et dans l’espace. Certes, la plus grande partie des événements racontés par Messaoud Oulamara se déroule à Aïn El Hammam et ses environs, mais l’auteur, ayant aussi été appelé à se déplacer à Tizi Ouzou-Ville ou à Alger dans le cadre de son engagement militant, fait également des va-et-vient incessants. Il nous entraîne aussi dans l’univers exécrable des prisons coloniales où il fut incarcéré plus d’une fois. Même si le témoignage très riche de Messaoud Oulamara est raconté à partir de la localité de Michelet, il permet aussi, par extrapolation d’apprendre des choses importantes et historiques et de comprendre mieux la guerre d’Algérie car l’auteur et acteur Oulamara était en contact avec un grand nombre de grandes figures ayant joué des rôles prépondérants lors de toute cette période, à commencer par Messali El Hadj. Messaoud Oulamara raconte d’ailleurs avec minutie ses rencontres avec le chef charismatique du PPA. Messaoud Oulamara narre en outre ses face-à-face avec d’autres figures de proue du Mouvement national à l’image de Krim Belkacem, le colonel Amirouche, Laimèche Ali, Benai Ouali, Khelifati Mohand Amokrane et la liste est encore très longue. L’auteur évoque d’ailleurs dans son ouvrage, l’épisode appelé la crise anti-berbériste dont les acteurs étaient, entre autres, Benai Ouali, Mbarek Ait Menguellet, Amar Ould Hamouda, Khelifati Mohand Amokrane… A l’époque déjà, raconte Messaoud Oulamara, Khelifati Mohand Amokrane avait sur lui des manuscrits écrits en tifinagh. Comme on peut donc le constater, Messaoud Oulamara était un témoin et un acteur privilégié de la lutte des Algériens pour l’indépendance de l’Algérie.

Le livre de Messaoud Oulamara ne s’arrête pas en 1962, mais il va au-delà. L’auteur raconte aussi l’indépendance. Et ce qui est arrivé après. Ayant fait partie des militants qui se sont opposés à la prise du pouvoir par Ben Bella, Messaoud Oulamra a répondu favorablement à l’appel du colonel Mohand Oulhadj et du FFS (Front des forces socialistes) pour la prise d’armes contre le régime de Ben Bella. Messaoud Oulamra était convaincu de la justesse de la vision de Mohand Oulhadj mais il était contre le fait de recourir aux armes contre ses propres frères avec lesquels il a mené un long combat, souvent douloureux et éprouvant, mais digne et courageux, contre l’ennemi français. Messaoud Oulamara, une fois la parenthèse des maquis du FFS fermée, décide alors de revenir à sa vie quotidienne normale en refusant de prendre les postes de responsabilité qu’on lui avait proposés à l’époque, par honnêteté, mais aussi parce qu’il refusait de cautionner le régime de Ben Bella. Pour lui, la mission de libérer son pays était un devoir. Il l’a accompli avec âme et conscience. Depuis, Messaoud Oulamara était retiré de toute vie politique pour se consacrer à sa vie quotidienne et de famille. Jusqu’au jour où il décide de tout déballer dans ce livre à lire aussi bien en français qu’en kabyle car l’émotion qu’il dégage à chaque page est loin d’être la même dans les deux langues.

En kabyle, le récit de Messaoud Oulamara coule de source, tout droit des tréfonds de son âme meurtrie par les affres de la guerre. Mais renforcée par le sentiment du devoir accompli.

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