Selon une étude prospective des services de renseignements canadiens : «al qaïda ne peut pas prétendre à un avenir en algérie ni au sahel»

Selon une étude prospective des services de renseignements canadiens :  «al qaïda ne peut pas prétendre à un avenir en algérie ni au sahel»
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«L’avenir d’Al Qaïda» est le thème d’une étude prospective, réalisée en avril, sous l’autorité de la reine Elizabeth, dont Le Temps d’Algérie dispose d’une copie, par le Service canadien du renseignement et de sécurité (Canadian Security Intelligence Service), et qui s’intéresse à la situation sécuritaire en Algérie et au Sahel, parmi tant d’autres endroits du monde cités par ce document.

Il s’agit de «résultats d’une étude prospective» qui tente de connaître le devenir d’Al Qaïda et des organisations qui lui sont affiliées, ou qui lui auraient déclaré allégeance. Cette projection tente de connaître, entre autres, le devenir d’Al Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) en Algérie et au Sahel.

Dans ce document, le service canadien du renseignement de sécurité s’intéresse au devenir d’Aqmi dans cinq ans. C’est dans le chapitre intitulé «Aqmi dans cinq ans : étude prospective», que ce service écrit : «Une des difficultés essentielles d’une évaluation prospective d’Al Qaïda au Maghreb islamique réside dans les nombreuses incertitudes et bouleversements provoqués par l’évolution actuelle au Mali.»

«Cette accélération de l’histoire locale oblige à envisager, avec humilité voire scepticisme, un plus grand nombre d’évolutions et de scénarios, dans la mesure où le contrôle du Nord-Mali naturellement modifie beaucoup de choses pour Aqmi et est de nature à redéfinir (en mieux comme en pire) certains de ses objectifs et pratiques opérationnelles.»

«Vu l’intervention militaire de la France en janvier 2013, il importera dans un avenir rapproché d’évaluer Aqmi en ce qui a trait à sa résilience et à ses capacités opérationnelles et en armement lourd au Mali et, désormais, dans les Etats voisins (en particulier en Libye)», est-il encore mentionné dans le document du Canadian Security Intelligence Service.

«Aqmi, filiale d’Al Qaïda ? Pas très sûr»

Pour le Service canadien du renseignement de sécurité, l’appartenance concrète d’Aqmi à Al Qaïda reste à prouver.

«(…) voir Aqmi comme une branche ou une filiale d’une structure plus globalisée qu’on peut simplifier en désignant comme Al Qaïda centrale mérite largement d’être discutée, quoiqu’elle semble majoritairement adoptée par les analystes, en particulier en Amérique du Nord», selon le Canadian Security Intelligence Service.

«Une telle façon de représenter la complexité est sans doute explicable par le poids du 11 septembre 2001 et l’inclination, compréhensive, de l’appareil de sécurité de plusieurs Etats à représenter les réseaux et structures djihadistes à travers le monde à partir d’un centre responsable», ajoute ce service.

«Si certains considèrent qu’Aqmi n’a pas formellement prêté serment d’allégeance à Al Qaïda centrale, à l’inverse d’autres organisations, ce qui relativiserait ces liens, la mesure des relations et des flux de communication entre djihadistes algériens et réseaux internationaux pendant le djihad en Irak, par exemple, paraît décisive pour saisir la nature substantielle de ses liens de solidarité et d’échanges», est-il encore mentionné dans le document.

«L’exemple le plus manifeste paraît être l’importation en Algérie, puis plus au Sud, de la pratique des attentats-suicides, tandis que l’Islam maghrébin (malékisme) est plutôt réfractaire à ce type d’engagement mortifère», selon ce document.

L’attaque d’In Aménas

«Cependant, la pratique des attentats-suicides ne semble pas avoir entraîné de gains politiques substantiels pour Aqmi. Il est même possible qu’elle souffre désormais d’un manque de volontaires en Algérie. La prise d’otages massive d’In Aménas ne peut pas être considérée comme un attentat-suicide, mais comme un acte inspiré des pratiques djihadistes mondiales», selon toujours le document du Service canadien du renseignement de sécurité.

Ce qui pourrait signifier qu’Al Qaïda au Maghreb islamique ne peut pas prétendre à un «bel avenir» en Algérie ni au Sahel, même si «Aqmi a aussi importé du niveau global certaines pratiques opérationnelles modernes comme l’utilisation d’imagerie satellitaire en libre accès pour la préparation d’un attentat (précurseur : attentat de Bouchaoui) et l’adoption de normes de production et de diffusion modernes de communication (vidéo, filiale de production audiovisuelle Al-Andalus, nombre et volatilité des sites internet successifs ou alternatifs, etc.)», ajoute le Canadian Security Intelligence Service.

«L’échange ou le recrutement de militants, suivant une dimension internationaliste affichée d’Aqmi, qui est aussi une tendance de développement d’unifier les djihadistes du Maghreb, a eu, jusqu’à présent, des résultats inégaux», est-il ajouté dans ce document.

D’autres aspects sont évoqués dans le document de cette étude prospective réalisée par ce service canadien sous l’autorité de la reine du Canada, pour décrire dans quelles conditions évolue, actuellement, Al Qaïda au Maghreb islamique, et son devenir dans les cinq ans à venir.

L’un de ces aspects est l’éloignement, en termes de logistique, de plus en plus, de cette organisation terroriste Al Qaïda, minimisant les chances de survie de l’organisation dirigée par Abdelmalek Droukdel, alias Abou Mosaâb Abdelouadoud, actuel émir national d’Aqmi.

«Il est plus facile en effet pour Aqmi, qui évolue suivant un axe nord-sud, d’élaborer des liens avec Boko Haram qu’avec l’Indonésie, voire le Yémen», selon le Canadian Security Intelligence Service qui ajoute qu’«Al Qaïda centrale ne semble plus désormais pour Aqmi qu’une structure symbolique de référence doctrinale avec laquelle perdurent différentes liaisons développées dans le passé sur plusieurs terres de djihad, et exprime une solidarité internationaliste de principe qui est aussi parfois utilisée comme prétexte pour externaliser les problèmes ou les dissensions internes, comme à l’égard du sort des otages».

«La comparaison avec la Somalie n’est pas judicieuse»

Pour le Canadian Security Intelligence Service, «Aqmi n’avait et n’a toujours pas sur place, loin de là, les capacités et compétences pour devenir un centre idéologique rayonnant».

«La comparaison avec la Somalie, quoique séduisante, ne paraît pas non plus totalement judicieuse en raison, par exemple, de la présence de matières premières (pétrole, uranium) et de nombreux expatriés de l’ancienne puissance coloniale, pour qui la sécurité de ses ressortissants est fondamentale», est-il encore écrit dans le document.

«Aussi bien la démographie locale, actuelle ou dans cinq ans, que les infrastructures d’accès sur zone sur la même période ont enfin des niveaux qui ne sont pas comparables à d’autres terres de djihad, y compris peut-être l’Afghanistan», peut-on lire sur le même document.

Selon le Canadian Security Intelligence Service, l’émir d’Aqmi est assisté de plusieurs comités, dont «le comité militaire, le comité politique, le comité juridique et le comité médiatique» internes à cette organisation.

«A la fin de 2010, début 2011, Aqmi comptait environ 600 à 800 combattants, répartis en quatre régions, chacune bénéficiant d’une large autonomie décisionnelle en matière d’actions, afin de s’adapter aux spécificités de leurs terrains respectifs, mais aussi compte tenu des impératifs de survie et des difficultés de communication», selon le Canadian Security Intelligence Service.

Mounir Abi