Selon une enquête de la Cimade «Le phénomène harraga est surmédiatisé»

Selon une enquête de la Cimade «Le phénomène harraga est surmédiatisé»

La très forte médiatisation de ce phénomène lui a donné une importance considérable ces dernières années.

L’organisation non gouvernementale «la Cimade», vient de décrier la politique de l’Algérie de lutte contre l’émigration clandestine. Dans une nouvelle enquête intitulée «Prisonniers du désert», qui mit la lumière sur la situation des migrants dans les pays de départ de transit et de destination, l’ONG française estime que le gouvernement algérien demeure silencieux face au phénomène de la harga. «Les initiatives mises en œuvre, notamment à Annaba, en vue d’obtenir la recherche, l’identification et le rapatriement des corps des disparus en mer, restent sans réponse», écrit la Cimade dans son rapport. Pour cette ONG,

«l’Etat a préféré une posture répressive». Une réforme du code pénal (adopté début 2009) prévoit ainsi des peines d’emprisonnement de 2 à 6 mois pour tout Algérien qui quitte le territoire national d’une façon illicite.

«Le tollé suscité par ce texte au sein de la population a finalement permis que l’application de ces peines se traduise dans les faits, en majorité, par un sursis», lit-on encore dans le document.

D’après cette association, la répression infligée aux migrants, dont les harraga, n’est pas du seul apanage de l’Etat algérien ; les politiques communautaires et nationales de l’Europe se montrant tout aussi dures à leur endroit. «Malgré les liens historiques entre l’Algérie et la France, les Algériens constituent par ailleurs la première nationalité des personnes expulsées. Ces expulsions entraînent souvent de graves conséquences humaines (séparations familiales, non récupération des biens, salaires et argent déposés sur les comptes en banque)», ajoute la Cimade. Les difficultés grandissantes d’obtention de visa en sont une des principales raisons de l’explosion du phénomène des harraga. «Le taux de refus des consulats français, principal pays de destination, est plus de trois fois plus élevé que la moyenne des autres consulats»

(Enquête de la Cimade sur les pratiques des consulats de France en matière de délivrance des visas, 2010). La Cimade, qui reprend un chiffre de l’ex-ministre de la Solidarité nationale, Djamel Ould Abbès, (2 340 arrestations de harraga en mer ou sur les côtes entre 2005 et 2007), considère que le drame des harraga est «surmédiatisé». «La très forte médiatisation de ce phénomène lui a donné une importance considérable ces dernières années ; pourtant, les chiffres des arrestations des harraga constamment rapportés par la presse demeurent relativement faibles et ceux des décès en mer inconnus», relève cette ONG. Avec 1,21 million de ressortissants à l’étranger en 2009, l’Algérie est considérée comme un important pays d’émigration, notamment vers la France. Les transferts de fonds des migrants algériens se sont élevés à 2 milliards de dollars en 2010. Une partie de ces émigrants, ceux que l’on appelle les «harraga», tentent de traverser la méditerranée pour rejoindre l’Europe au péril de leur vie, souligne encore la Cimade.

L’Algérie, un pays de transit et de destination

La Cimade considère également que l’Algérie est un pays de transit, du fait notamment de sa proximité géographique avec l’Europe et de la mobilité séculaire des peuples touaregs entre le Mali, le Niger et l’Algérie. Ces migrations ne sont donc pas nouvelles mais, comme pour les autres pays de la région, elles ont pris une importance considérable depuis le début des années 2000. Le durcissement des mesures d’entrée sur le territoire européen, loin de stopper les migrations vers l’Europe, a contribué au développement de l’immigration dite «clandestine» par voie terrestre et maritime.

«Un fort besoin en main-d’œuvre dans certains secteurs d’activité fait aussi de l’Algérie un pays de destination (y compris pour des nationalités nouvelles sur le continent, comme les Chinois), ou tout le moins un pays où les migrants en transit peuvent gagner leur vie pendant quelques mois. Cette force de travail bon marché, souvent stigmatisée et généralement en situation irrégulière est exploitée de la même manière qu’en Europe : emplois pénibles et mal payés dans le bâtiment, l’agriculture, l’hôtellerie, la sphère domestique», a noté le rapport.

La Cimade a critiqué également les autorités algériennes pour le traitement réservé aux émigrés en situation irrégulière. «Les migrants d’Afrique du sud, du Sahara sont fréquemment interpellés, détenus dans des conditions portant atteinte à la dignité humaine et refoulés collectivement dans des conditions éprouvantes vers les zones frontalières et désertiques du Mali et du Niger», ajoute le document.

Coopération délicate avec l’UE

A l’instar des autres pays frontaliers de l’UE, l’Algérie est considérée comme un «partenaire stratégique» sur bien des aspects de la coopération et notamment la lutte contre l’immigration dite clandestine, du fait de sa proximité géographique et de sa situation à la fois de pays de départ et de transit. La coopération UE-Algérie entre, depuis 2004, dans le cadre de la politique européenne de voisinage (PEV).

Selon la Cimade, l’Algérie s’est montrée toujours jusqu’à présent réticente à la PEV. «Elle est un des rares pays pour lesquels un Plan d’action n’a toujours pas été adopté. «De nombreux points de blocage subsistent, en particulier dans le domaine de l’énergie (l’Algérie est le troisième fournisseur de l’UE en gaz naturel) et sur les questions relatives aux visas pour les Algériens, estimées primordiales par Alger et jugées indissociablement liées à la question de la réadmission par l’UE». Ce positionnement explique sans doute que les fonds européens soient beaucoup moins importants pour l’Algérie que pour d’autres pays.

Dans ce chapitre, l’Algérie a été un «bénéficiaire marginal» des fonds de MEDA 124, «recevant seulement 6,5% des fonds engagés contre 16% pour les autres pays» et «le taux de paiement pour MEDA 2 reste bas comparé à la moyenne régionale». Dans le cadre de l’Instrument européen de voisinage et de partenariat (IPEV), l’Algérie bénéficie pour la période 2007-2013 de 220 millions d’euros (à titre d’exemple, le Maroc reçoit 654 millions).

Ces disparités de financement sont à l’origine du refus de l’Algérie d’entrer dans la PEV.

Par Hocine L.