C’est évidemment une période délicate pour « sortir » ce genre de document, mais la rédaction de Médiapart n’en fait apparemment pas une question de calendrier. Le site en ligne enquête « depuis plus de dix mois sur les secrets libyens de Nicolas Sarkozy » et a déjà produit plusieurs notes des archives de Zyad Takieddine, l’intermédiaire devenu fameux au fil des mois. …
Si le document produit hier est authentique, c’est grave : il prouve tout bonnement le financement occulte de la campagne de Nicolas Sarkozy en 2007 par le régime de Mouammar Kadhafi.
Il s’agit d’une lettre adressée par Moussa Koussa, l’ancien chef des renseignements extérieurs libyens à Bachir Saleh le directeur de cabinet du défunt « guide » – et à ce titre responsable très discret des fonds occultes du régime, selon les anciens dignitaires qui ont fait défection l’an dernier.
« Appuyerla campagne »
Dans cette lettre, M. Koussa donne instruction « en référence aux instructions émises par le bureau de liaison du Comité populaire général concernant l’approbation d’appuyer la campagne électorale du candidat aux élections présidentielles, monsieur Nicolas Sarkozy, pour un montant d’une valeur de 50 millions d’euros » et « confirme l’accord de principe sur le sujet ci-dessus », après « avoir pris connaissance du procès verbal de la réunion tenue le 6/10/2006 ».
À cette réunion, auraient participé M. Saleh et Abdallah Senoussi, ancien chef des services secrets libyens, ainsi que Zyad Takieddine, l’intermédiaire qui avait présenté Claude Guéant puis Nicolas Sarkozy à Mouammar Kadhafi, et Brice Hortefeux, côté français.
Voilà comment on débloquerait, selon ce document, une somme de cinquante millions d’euros qui est à mettre en rapport avec les 20 millions déclarés par le président de la République pour sa campagne électorale de 2007. Évidemment, Médiapart a tenté d’authentifier cette lettre. Plusieurs sources seraient affirmatives, de même que Zyad Takieddine lui-même – pourtant connu pour avoir des rapports très froids avec le site en ligne – même s’il prétend n’avoir pas assisté à cette réunion.
L’Élysée n’a pas voulu réagir. Il semble pourtant inévitable que le chef de l’État le fasse prochainement, car l’affaire pourrait être grave. Elle éclairerait en tout cas d’un jour nouveau les rapports changeants qu’il avait entretenus avec le colonel Kadhafi. À la fin de l’année 2007, celui-ci avait été reçu avec un faste un peu ridicule à Paris, mais en 2011, c’est bien Nicolas Sarkozy qui avait pris la tête de la coalition qui s’était abattue du Tripoli et avait fini par avoir la peau du « guide », alors que celui-ci, ainsi que son fils, avait assuré au début de l’intervention étrangère sur son sol qu’il détenait « les preuves d’un financement occulte de la campagne de M. Sarkozy ». Interrogé à ce sujet à la télévision le 12 avril dernier, le président avait qualifié ces accusations de « grotesques ». Il sera sans doute amené à y revenir. •