Selon l’Union des boulangers de Constantine : Cinq mille pains aux ordures par jour !

Selon l’Union des boulangers de Constantine : Cinq mille pains aux ordures par jour !

Hamid Bellagha

Comme à chaque Ramadhan, et face à l’hystérie collective qui s’empare des consommateurs quand il s’agit de faire des emplettes, les commerçants ne perdent pas le Nord et accompagnent leurs clients dans leur folie acheteuse.

Si pour les fruits et légumes la seule issue pour que le portefeuille de la ménagère ne se vide pas rapidement passe par un boycott des produits inabordables, la problématique du pain, devenue chronique, pose des problèmes de bon sens et de conscience. L’année passée, et sur ces mêmes colonnes, nous avions constaté que sur une seule journée, il y avait quelque 2 500 baguettes de pain jetées aux ordures chaque jour par les boulangers eux-mêmes, sans compter l’autre gaspillage à mettre sur le compte du consommateur.

Ce Ramadhan, les boulangers de Constantine ont fait mieux en jetant aux poubelles plus de cinq mille pains quotidiennement. Un record qui nous interpelle et dont on ne sait pas si on doit en rire ou pleurer. Le chiffre énoncé a été communiqué par le président de l’Union des boulangers de Constantine qui s’étonne que les artisans du pain continuent à produire en masse du pain ordinaire, alors que la quasi-totalité des consommateurs constantinois prisent le pain amélioré, le pain traditionnel où carrément la galette. «Cet entêtement des boulangers à produire du pain ordinaire, alors que pendant le Ramadhan il est superbement ignoré, frise la folie», nous dira un boulanger d’une cité périphérique de Constantine. « Il y a bousculade chaque jour pour l’amélioré et khobz eddar (el matloue du côté d’Alger), pourtant leur production n’est pas très forte et leur vente ne commence qu’à partir de 14 h, les boulangers espérant écouler leur stock matinal de pain ordinaire».

Pour la petite histoire, notre interlocuteur se «repose» pendant le Ramadhan, tout en louant son commerce à un proche qui bossera pendant trente jours dans les locaux de sa boulangerie pour vendre Zlabia et «Kalb ellouz algérois» produit par un artisan bien constantinois ! Le président de l’Union des boulangers de Constantine a constaté aussi que les boulangers ne se décident pas à réduire la production de pain ordinaire, bien au contraire. Ils espèrent toujours l’écouler par défaut, avant l’arrivée des pains prisés par les consommateurs, sinon il reste deux options. La première consiste à vendre les baguettes non vendues à des éleveurs de bétail et de poulets, tout en signalant que ceci n’est valable que pour les boulangeries sises aux cités périphériques, où il est plus facile de vendre le pain subventionné à des fermiers limitrophes. La centaine de baguettes se négocie entre 70 et 90 dinars. La seconde option consiste à écouler le pain ordinaire à des fabricants de pizza « khameje oua bnine », (sale mais délicieux).

L’astuce pour ces deniers, depuis des années est simple : le pain ramené passe la nuit dans des bacs plein d’eau, puis sera essoré la matinée. Etalé sur des plateaux, le pain qui se sera transformé en pâte tout en étant mélangé à de la levure improbable, (les «pizzaiolos» préférant de l’aspirine effervescente pour faire monter la pâte très vite), recevra une couche de résidus de tomates du marché le plus proche, des olives d’une qualité douteuse, et de piments parfois entiers. Et le tour est joué. Lavoisier à qui l’on attribue le fameux « Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme », n’avait sûrement pas pensé à ce tour de passe-passe made in les pratiques douteuses des boulangers. Il reste que les contrôleurs de la qualité à l’affût des embrouilles de toute sorte, et même s’ils redoublent d’attention en ce mois dit sacré, ne pourront jamais venir à bout des «transformistes» qui redoublent d’ingéniosité pour multiplier leurs gains.