Selon la défense de Méziane Ighil, ex-entraîneur du Nahd, Khelifa a financé les actions de la diplomatie parallèle

Selon la défense de Méziane Ighil, ex-entraîneur du Nahd,  Khelifa a financé les actions de la diplomatie parallèle

La défense de Méziane Ighil n’a pas mâché ses mots pour remettre l’affaire Khalifa dans son contexte réel, détournée allégrement par ce procès réduit aux cartes de voyage et de thalassothérapie. Me Belaâla rappelle que Moumen Khelifa a été reçu par le président Bouteflika tout juste de retour aux affaires et a financé des actions de diplomatie parallèle, allant jusqu’à signer un contrat au nom de la République algérienne.

Il cite les quelque 500 000 dollars déboursés par Khalifa, pour prendre en charge l’opération de lobbying engagée par l’Exécutif algérien en vue de séduire l’administration, les membres du Congrès et les milieux d’affaires américains. Cet accord a été signé avec la boîte de communication Good Works, qui devait également améliorer l’image du pays auprès des médias et l’opinion américaine. Me Belaâla qualifie l’affaire Khalifa de boîte noire qui n’a pas livré tous ses secrets, soutenant qu’il a le sentiment de tourner en rond, du fait que “les véritables accusés n’ont pas été cités dans l’arrêt de renvoi”. Il s’interroge : “Comment une personnalité nationale et une figure du sport comme Méziane Ighil se trouve aujourd’hui dans le box des accusés comme un mouton à sacrifier pour couvrir les véritables coupables. C’est cette image peu reluisante qui a terni l’image du pays. Cette affaire est une affaire de vol organisé de l’argent public comme celle de l’autoroute Est-Ouest. Moumen Khelifa a bénéficié de toutes les facilités de l’État. C’est pour cela que je dis que l’idée de la création de la banque ne peut pas être de lui.” À ce moment-là, le président de l’audience stoppe l’élan de l’avocat lui demandant de ne pas politiser l’affaire et de s’en tenir au contenu de l’ordonnance de renvoi.

Lakhdar Belloumi et Méziane Ighil : deux poids, deux mesures ?

Mais ce dernier n’en démord pas : “Monsieur Khelifa a été reçu par le président de la République. Ighil Méziane s’est approché des OPGI en toute bonne foi. Le dossier judiciaire prouve qu’il n’était pas le seul. Il y avait aussi Lakhdar Belloumi qui a eu 500 millions de centimes et qui s’est occupé des OPGI de l’Ouest, notamment Oran, et pourtant il n’est pas accusé.”

Le juge l’arrête encore une fois : “En 2015, on parle encore de la crise d’identité ?” L’avocat de l’ex-entraîneur du NAhd soutient que les OPGI ont été approchés par les cadres de Khalifa Bank dans un cadre de promotion publicitaire et que Ighil Méziane n’a fait que les accompagner. “Ce n’est nullement un crime”, estime-t-il, pas plus que le fait qu’il ne dispose pas de contrat de travail écrit de conseiller sportif du groupe Khalifa. Me Belaâla affirme que la loi régissant le travail stipule clairement que la relation de travail est établie soit par écrit, soit verbalement. S’agissant de l’accusation de vol, l’avocat rappelle qu’Ighil n’était pas employé de la banque et donc pas concerné par la circulation de l’argent. “Le procureur pense que l’image d’Ighil a été mise à profit pour inciter les OPGI à placer leur argent à la banque Khalifa. Si c’est le cas, cela veut dire qu’on s’est servi de lui.”

Me Belkheider est le deuxième avocat à plaider en faveur de Ighil Méziane. Il rappelle que Méziane Ighil est un ancien joueur du NAHD et de l’équipe nationale, ainsi que dans d’autres clubs de football dans les pays du Maghreb. “Aucune loi n’interdit de travailler sans contrat.

Il avait déposé un dossier et avait une carte professionnelle. Il a été cinq fois avec Kechad pour rencontrer les responsables des OPGI sur la base de son statut de conseiller Khelifa et c’étaient les autres qui négociaient les placements de dépôts. C’est une opération publicitaire et non une infraction. Les OPGI ont placé leur argent pour les taux d’intérêt élevés de Khalifa Bank et non pour faire plaisir à Ighil Méziane.”

La défense d’Arifi Salah, ancien DG de la Caisse nationale de retraite, considère que le placement à terme de 2 milliards de dinars de la caisse à Khalifa Bank est une opération légale, effectuée avec l’accord du conseil d’administration et sur la base d’une convention. L’avocat certifie que le ministère de tutelle a été informé en temps réel, sans manifester une opposition à cette démarche. “Son successeur Bendjoudi a placé 10 milliards de dinars de la même manière et pourtant il n’a pas été inculpé.” Il soutient que son mandant est poursuivi pour une carte de voyages qu’il a utilisée une fois pour un aller-retour à Batna.

“Un billet de 3 000 DA pour 2 milliards de placement ? C’est ridicule.”

840 millions de centimes pour une formation de six mois

Yacine Ahmed, P-DG de Digromed, a bénéficié  d’une relaxe lors du premier procès de Khalifa Bank tenu en 2007. Huit ans après, il est à nouveau sur le banc des accusés, à la suite d’un pourvoi en cassation introduit contre lui par le représentant du ministère public. Son avocat, Benouared Chabi, relate les faits avant de démonter point par point les charges retenues contre son mandant. Ahmed Yacine a effectué un placement à terme de 323 millions de dinars en 2001. Il a procédé par la suite au retrait de la majorité du montant, plus le bénéfice. Avant de quitter le poste de P-DG de Digromed, il transmet le dossier du contentieux à l’avocat de l’entreprise le chargeant d’entreprendre des démarches à l’agence d’El-Harrach afin de récupérer le reste de la somme.

Son avocat indique qu’“Ahmed Yacine a laissé l’entreprise debout. Il n’a pas pris de cartes de thalassothérapie ni de crédit”. La justice l’a inculpé sur la base de deux chèques de 420 millions de centimes, l’un émanant de Khalifa Bank et un autre de Khalifa Airways et dont la trace a été trouvée à l’agence d’El-Harrach. Son avocat explique au tribunal criminel que ces montants représentent les frais d’une formation de six mois qu’il a assurée, lui et six autres formateurs, pour le compte des cadres de Khalifa Bank et sa société apparentée Khalifa Airways. Me Benouareb a présenté au tribunal une vidéo de ces cours dispensés, les deux contrats, la liste des cadres bénéficiaires et la liste des formateurs. Me Benouared ajoute que “les 840 millions de centimes ont servi au paiement du local, les équipements de conférence et les salaires des formateurs”. Me Benouared affirme qu’il a trouvé dans le dossier du P-DG de Digromed des accusations non adossées à des faits. Selon lui, le liquidateur Moncef Batci a qualifié le cas d’Ahmed Yacine “de correct”. “C’était une banque agréée qui avait à son service tous les hauts responsables. Je me rappelle même que le chef de gouvernement a décerné à Moumen Khelifa une médaille.” L’avocat d’Ahmed Yacine reproche au procureur d’avoir porté atteinte à la vie privée de son mandant en attribuant un appartement à Paris acheté à 350 000 francs français. “C’était l’appartement de sa future deuxième femme”, rectifie l’avocat.

Les opérations caritatives de Khalifa détournées Wassila Dridi constituée pour le compte de Badreddine Chachoua, ancien DG adjoint chargé de l’équipement au groupe Khalifa, a déclaré que le parquet n’a pas pu prouver les accusations contre son client. Selon elle, “ceux qui étaient chargés de l’approvisionnement du couffin de Ramadhan, dans le cadres des opérations caritatives du groupe Khalifa, ne sont pas inquiétés, les signataires à l’instar du directeur de l’agence de Rouiba non plus, alors que son mandant, qui s’est chargé uniquement de la distribution, se trouve inculpé pour abus de confiance”. À titre de rappel, dans un élan de cœur, Moumen Khelifa a dégagé 50 milliards de dinars pour le couffin de Ramadhan, à raison de 15 000 DA par donation. Mais une partie de cet argent a été détournée par Badreddine, le troisième membre de la famille Chachoua, accusé dans le cadre de l’affaire Khalifa Bank.

Me Dridi a expliqué au tribunal que l’arrêt de renvoi dans sa page 144 relève que “les accusés pour association de malfaiteurs dans cette affaire ont créé la banque Khalifa en 1998 pour planifier le pillage des biens publics, alors que son client, accusé des mêmes faits, n’a rejoint la banque qu’en 2000. Le parquet a requis 20 ans contre lui, sur la base d’une lettre anonyme. Il n’a aucune preuve de ce qu’il avance”.

Quant à la facture de 45 millions de dinars prise en charge par le groupe Khalifa et dont on attribue les frais à Chachoua, l’avocate avance que ce sont en réalité les dépenses des 100 chambres louées pour le personnel navigant étranger de Khalifa Airways.

Abdelnour Boudjemaâ s’est présenté pour défendre Dallel Wahab poursuivi par la chambre d’accusation pour vol, abus de confiance, escroquerie et constitution de bande criminelle. Issu d’une famille de policiers et lui-même agent de la Sûreté nationale, il s’exile en France pour fuir les menaces terroristes.

À son retour, il est recruté en 2001 par la société de sécurité du groupe Khalifa. Dans ce cadre, il a transporté à deux reprises des sacs d’argent scellés de la caisse principale au siège social de Khalifa Bank. “Il n’a rien volé, mais transporté des fonds dans le cadre du travail pour lequel il était payé sur la base d’un contrat. Le procureur n’a pas apporté les preuves de son inculpation par des faits probants.” Le deuxième avocat qui se présente pour défendre Dellal Wahab n’est autre que celui de l’entreprise Ooredoo pour laquelle il travaille actuellement. Me Eulmi estime que Dellal a exécuté une mission, couverte par un contrat de travail. Il pense que son client a été accusé injustement d’enrichissement illicite. “En 2015, son compte est à zéro et il n’a aucun bien”, dit-il au juge en lui présentant des documents qui l’attestent. “En tant qu’avocat des entreprises, je n’ai trouvé aucune concordance entre les accusations et les faits. Sa fille m’a demandé un jour, pourquoi son papa était en prison ? Je n’ai pas voulu lui répondre parce qu’il a fait son travail, sinon cela lui aurait fait une mauvaise impression sur la justice.”

Aujourd’hui, samedi, commenceront les plaidoiries des avocats de Moumen Khelifa. Dimanche, ce sera au tour de la défense du notaire Rahal de plaider. C’est du moins, le programme avancé par le tribunal criminel, jeudi.