Selon la défense de Chani et de Khelladi, Les véritables acteurs de ce scandale n’ont pas été poursuivis

Selon la défense de Chani et de Khelladi, Les véritables acteurs de ce scandale n’ont pas été poursuivis

Argument contre argument, le duel Chani Khelladi, entamé lors des auditions de la Police judiciaire et de l’instruction, s’est prolongé durant les plaidoiries de la défense avec, toutefois, un seul point commun :

ils pensent que ce procès est celui des boucs émissaires. L’avocat de Khelladi doute de l’authenticité des réponses d’Amar Ghoul contenues dans son PV d’audition par écrit, tandis que celui de Chani parle d’un dossier “basé sur des règlements de comptes, alors que les véritables acteurs regardent ce procès tranquillement à la télévision”.

Intervenant au profit de Chani Medjdoub, Me Sidhoum a situé d’emblée les enjeux et les défaillances du dossier autoroute Est-Ouest. Il rappelle que cette affaire a été divisée en deux parties. Un volet consacré au projet de l’autoroute et un autre aux projets du secteur du transport. “Or, on constate que 80% de ce dossier concerne les projets de transport. On a fusionné les deux pour gonfler cette affaire.” “Si Amar Ghoul, ex-ministre des Travaux publics, a été auditionné par écrit, pourquoi le ministre du Transport ne l’a-t-il pas été”, s’interroge l’avocat Sidhoum. Il fait remarquer que l’arrêt de renvoi a beaucoup évoqué les noms de l’homme d’affaires Boussaïd Nesrredine, dit Sacha, et de Pierre Falcone, sans les appeler à comparaître, clame le défenseur de Chani Medjdoub.

Il va plus loin en déclarant que sous-entendant que la Cour est en train de juger des boucs émissaires : “Les têtes pensantes de ce scandale regardent le procès tranquillement à la maison, et Chani, un consultant international résidant à Luxembourg, est propulsé du paradis à l’enfer. Ce dossier est basé sur des règlements de comptes. il y a des intérêts en haute sphère qu’on règle à ce niveau.” Il enchaîne : “C’est une honte que toute ces enquêtes et procédures soient déclenchées sur la base du témoignage d’une personne non habilité, en l’occurrence Khelladi.” Khelladi, ex-directeur des nouveaux projets au niveau de l’Agence nationale des autoroutes (ANA), aurait rapporté au général Hassan avoir constaté des malversations dans le projet autoroute. Ce dernier l’aurait envoyé en Chine pour enquêter. “Ce général Hassan n’était pas n’importe qui à l’époque, c’était le numéro deux du big boss. Ensuite, Khelladi nous parle du général Mehenna Djebar qui lui aurait demandé de confronter Chani dans une caserne que même le procureur général ne sait pas où elle se trouve. C’est une tragédie.”

Sidhoum cite le général Ghodbane qui aurait, dans la presse de dimanche dernier, démenti connaître Khelladi et a menacé de porter plainte contre lui pour propos diffamatoires. “C’est une preuve survenue au cours du procès que Khelladi est victime de son imagination. Il se prend pour 007.”

Me Sidhoum démonte, une par une, les motivations de la chambre d’accusation basées sur les procès-verbaux de la Police judiciaire du DRS. Il note, d’abord, que l’inculpation pour “commandement de bande criminelle avec des Chinois et étrangers” repose sur des termes vagues. “Il y a un milliard et demi de Chinois. De quels Chinois on parle ?” Pour ce qui est de l’accusation de blanchiment d’argent, il précise que Chani a créé des sociétés off shore placées dans des paradis fiscaux : “Dans certains systèmes bancaires, c’est permis. Ce n’est pas parce qu’on est en retard qu’on doit condamner quelqu‘un sur la base de placements fait ailleurs. D’ailleurs, le blanchiment d’argent sous- entend qu’on ne connaît pas la provenance de l’argent. Ce n’est pas le cas de Chani.”

Il relève, par ailleurs, que l’Agence nationale des autoroutes et le Trésor public se sont constitués parties civiles, en dépit de l’absence de préjudice financier dans cette affaire dûment établie par une expertise. Comme l’a fait, la veille, le reste du collectif de défense de Chani, Me Sidhoum n’a pas manqué de faire glisser, encore une fois, le procès sur le terrain des droits de l’Homme, soutenant que les actes de torture subis par son mandant sont susceptibles d’annulation de poursuites contre lui. “Chani a subi des humiliations au nom de la loi. Certains nous reprochent d’avoir porté atteinte à la souveraineté nationale en portant l’affaire devant les instances judiciaires internationales. Il faut que les gens sachent qu’on ne l’a fait qu’après épuisement de tous les recours localement.” Selon lui, il y avait, bel et bien, un contrat entre Chani et Citic-CCRC International pour consulting financier dans plusieurs pays, dont l’Algérie et le Gabon. “C’est grâce à Chani que le Gabon a pu construire des stades et être sélectionné comme pays organisateur de la prochaine Coupe d’Afrique.”

Me Abassi doute de l’authenticité des réponses de Ghoul

Me Abbasi, avocat de Khelladi, contre-attaque, immédiatement, contre l’offensive de certains membres du collectif d’avocats contre “son client”. Il commence par relever que Khelladi a maintenu sa version des faits à toutes les étapes de la procédure judiciaire, jusqu’au procès. Me Abbasi dénonce le comportement qu’il qualifie d’anti-déontologique de certains de ses confrères qui ont traité Khelladi “de James Bond et de fou”, dans le but, accuse-t-il, “de transformer ce procès en celui de la Police judiciaire du DRS”. Il pense que par ce genre d’agissement, certains veulent faire croire que l’ancien directeur des nouveaux projets est contre le projet de l’autoroute, qui est celui du président de la République. “Je demande audience auprès du chef de l’État qui doit ouvrir une enquête sur les gens qui n’ont pas été auditionnés dans cette affaire et sur la véracité des propos de Khelladi. Car, on a porté cette affaire à l’étranger pour faire diversion sur les véritables acteurs de ce scandale. On parle de ministres et d’ambassadeurs impliqués, mais on n’a pas voulu aller plus loin dans les investigations.” Me Abbasi revient sur la genèse de ce scandale en rappelant que Khelladi a entendu parler d’une caisse noire réservée à ce projet et de malversations et, étant un militaire en retraite, il a été naturellement informé par la Police judiciaire du DRS spécialisée dans ce genre d’enquêtes. “Le but de ce procès est de lui faire endosser la responsabilité et de le faire taire. Remarquez bien que tous les témoins, y compris l’ex-ministre des Travaux publics et les inculpés, sont contre Khelladi parce qu’il dit la vérité.” Il se demande pourquoi Amar Ghoul n’a pas répondu à la question numéro 17 posée par le juge d’instruction, à savoir s’il avait quelque chose à ajouter. “Pourquoi n’a-t-il pas donné de détails sur le projet ? Pourquoi a-t-il préféré, uniquement, répondre aux questions posées directement”, s’interroge Me Abassi, pour qui Ghoul omet de tout dire. Il doute même de l’authenticité des réponses du ministre, faisant remarquer au juge qu’il n’a signé aucune page de son audition et qu’il aurait aimé qu’il se présente personnellement à la barre. Le magistrat Hillali réplique “que la loi ne permet pas de convoquer un ministre en exercice. Vous vous contenterez de cette déposition. Elle vaut ce qu’elle vaut”. Revenant à la question 12 et 15 posées au ministre, il indique que Ghoul a reconnu dans ses réponses que la délégation algérienne a été prise en charge par le groupement Citic pour sa participation aux Salons de Shanghaï et de Paris, et se demande pourquoi, alors, ces deux poids deux mesures de la justice, lorsqu’il s’agissait de la prise en charge du fils, malade, de Khelladi en Chine, ou la mise à la disposition de la direction des nouveaux projets des véhicules, portables et appartements aux frais de Citic et Coojal. “Khelladi devient le mouton à sacrifier.” Me Abbassi fait remarquer que cette question n’est pas tranchée du moment que Citic soutient que ces moyens entraient dans le cadre des mesures d’accompagnement et que la société japonaise Coojal a établi une facture et soumis cette affaire devant l’arbitrage international. “Si l’arbitrage est en faveur de Khelladi, l’inculpation tombe et, donc, il serait inutile de le juger par anticipation.”

Khelladi a soutenu tantôt que les téléphones portables et lignes téléphoniques, la quinzaine de voitures et bus et les logements à Alger et Constantine mis à la disposition de la direction des nouveaux projets faisaient partie d’une clause liée aux travaux supplémentaires, tantôt entraient dans le cadre des mesures d’accompagnement et, d’autres fois, dans le cadre des conditions techniques particulières. Ces moyens octroyés à la direction des nouveaux projets ont été pris en charge par la société chinoise Citic-CRCC et la japonaise Coojal pour un montant de l’ordre de 144 529 643,49 DA pour la première et 223 500 75,49 DA pour la deuxième.

Le verdict attendu pour jeudi

Après les plaidoiries de la défense, le parquet  a fait part de ses observations. Par la suite, le juge a entendu chacun des accusés pour “le dernier mot”. Suite à quoi, le tribunal est entré en délibérations. Le verdict est attendu pour jeudi.