Lors de l’attaque de Ben Guerdane, les forces «jetées dans la bataille» par Daesh étaient en nombre insuffisant et ont commis des erreurs tactiques en dépit de leur connaissance du terrain.
L’attaque de Ben Guerdane repoussée par les forces armées et de la sécurité de Tunisie ne serait qu’un prélude à de nouvelles attaques, selon International Crisis Group.
Dans une toute récente note, l’attaque de Daesh fut une tentative d’insurrection locale coordonnée par quelque 50 membres de cellules dormantes. Le terme «terroriste» masquerait les objectifs politiques de l’assaut: gagner le soutien d’une partie de la population de la ville en incitant à une insurrection, ce qui permettrait de prendre son contrôle militaire.
Lors de l’attaque de Ben Guerdane, les forces «jetées dans la bataille» par Daesh étaient en nombre insuffisant et ont commis des erreurs tactiques en dépit de leur connaissance du terrain. A quelques kilomètres de Ben Guerdane, Zarsis, une plaque tournante de la migration clandestine vers l’Europe, ou Djerba, une destination touristique majeure où vit la communauté juive de Tunisie, pourraient être ciblés. Dans l’Ouest du pays, les djihadistes opérant dans les montagnes, le long de la frontière avec l’Algérie pourraient tirer profit de la moindre nouvelle crise pour attaquer Kasserine située à proximité et aller jusqu’à Sidi Bouzid, est-il ajouté. La note souligne que la tentative d’insurrection à Ben Guerdane n’est pas une affaire tuniso-libyenne uniquement, mais un problème régional qui exige une réponse régionale, en particulier, un renforcement significatif de la coopération politique et de sécurité algéro-tunisienne. La topographie mentale adoptée par Daesh ne respecte pas les frontières établies en Afrique du Nord au cours du XXe siècle. Les spécialistes de l’organisation Daesh soulignent que cette dernière rêve de rétablir les frontières historiques de la dynastie Aghlabite (800-901), qui a gouverné un Emirat semi-indépendant, grosso modo sur l’ancienne province romaine d’Afrique proconsulaire, y compris la Tripolitaine (ouest de la Libye), la Tunisie actuelle et la moitié de l’Est algérien. Dans cette vision, Ben Guerdane est un point de liaison stratégique d’une zone «libérée» qui lierait le Sud-Est de la Tunisie à la Libye occidentale.
L’activité commerciale de la ville a longtemps été dominée par une économie parallèle basée sur un marché informel de change de devises étrangères et la contrebande; elle pourrait devenir un point de convergence entre les djihadistes et les réseaux criminels régionaux. Pour faire face à ces menaces, il est recommandé un nouveau discours national qui serait nécessaire pour s’attaquer aux fractures régionales et sociales, en particulier au sentiment d’exclusion ancestrale dans le sud du pays. Les attaques de la dernière année contre le Musée du Bardo à Tunis en mars, la station touristique à Sousse en juin, et contre la garde présidentielle en novembre, ont affaibli le vieux discours de «l’unité nationale» prôné par la classe politique.
La Tunisie devra faire davantage pour préserver la culture du compromis et l’inclusion de la société civile en 2013-2014 qui ont valu au Quartet du Dialogue national le prix Nobel de la paix. Mais la radicalisation des familles, nourrie par les frustrations locales, pourrait renforcer le soutien à Daesh à l’avenir. D’un autre côté, il est indiqué que la frontière entre la Tunisie et la Libye ne peut pas être sécurisée en l’absence de la collaboration étroite de la population locale, en particulier les cartels de la contrebande opérant dans la région.
Essayer de lutter contre ces derniers en même temps que les djihadistes ne ferait que disperser les énergies et alimenter le ressentiment de la population locale envers l’Etat, dès lors que la majeure partie de l’économie locale dépend de cette contrebande. Afin d’assurer leur coopération, Crisis Group a fait valoir que le gouvernement devrait envisager la création de zones de libre-échange à la frontière qui légitimeraient au moins une partie du commerce transfrontalier.