Sans la régulation du marché des produits agricoles frais et la lutte contre le marché informel, la hausse du taux d’inflation risque de se maintenir au cours des prochains mois.
La contribution des prix des fruits, légumes et viandes à l’inflation globale est de 58%, a indiqué hier Djamel Benbelkacem, conseiller à la Banque d’Algérie, à la chaîne III de la Radio nationale. Après une stabilité d’une douzaine d’années, le taux d’inflation a grimpé à 9,9% en octobre dernier provoquant «un choc», selon le gouverneur de la Banque d’Algérie. Mais, note M. Benbelkacem,
«c’était plus ou moins prévisible». Parmi les facteurs qui ont influé sur cette hausse, «les équilibres entre l’offre et la demande». Celle-ci a sensiblement progressé avec les hausses des salaires décidées en 2011 et 2012, sans qu’elles ne soient accompagnées d’une augmentation de la productivité. «Indéniablement, les augmentations des salaires ont eu un impact sur la hausse de l’inflation», a-t-il expliqué, ajoutant que l’amélioration du niveau de vie des ménages a contribué à l’accélération du rythme de l’inflation.
Quand on mange mieux, l’inflation grimpe
Les travailleurs qui ont bénéficié d’une révision de salaires ont changé leurs habitudes alimentaires. Ainsi, «la consommation des fruits et de viande ovine a contribué à la hausse de l’inflation», a-t-il noté. Quand le revenu augmente, la consommation des produits comme les fruits dénommés «biens supérieurs» augmente aussi.
Selon l’Office national des statistiques, les prix des produits agricoles frais ont grimpé de 29,82% en octobre dernier. Parmi les plus importantes flambées des prix figure celle de la viande de poulet qui a dépassé 60,8%, et avec un degré moindre, la viande de mouton (40,8%). Les légumes frais ont, quant à eux, augmenté de 27,95% alors que la pomme de terre a enregistré une hausse de 26,8%, a précisé l’Office.
D’autres produits alimentaires ont également grimpé comme le poisson frais (23,65%) et la viande de bœuf (11%), ajoutera la même source. Cet emballement des prix a pour principale cause «le manque de régulation du marché», nous a indiqué l’expert agricole Meziane Lefki.
Pour la pomme de terre, un recul des prix est prévisible dans les prochains jours avec l’arrivée, dans une dizaine de jours, de la nouvelle récolte d’arrière-saison émanant des wilayas de Aïn Defla et Tipasa. L’expert considère, en revanche, que le ministère
du Commerce est appelé à réagir pour réguler le marché car un important écart est enregistré entre les prix de vente au niveau des exploitations agricoles et les marchés de gros et de détail. Cet écart de prix atteint carrément le double ou le triple, s’est-il inquiété, relevant l’absence de statistiques relatives aux produits agricoles frais pour pouvoir déterminer les vrais facteurs influant sur le marché.
Du moins, «nous ne pouvons pas accuser la production», relevant l’absence d’une «bonne répartition des plans de production».
Décélération de l’inflation à partir de 2013
Selon les prévisions de la Banque d’Algérie, «l’inflation se décèlera à partir de 2013 s’il n’y a pas de nouvelles augmentations de salaires ou de changements structurels», note M. Benbelkacem, mentionnant qu’il y a toujours un degré d’incertitude à prendre en considération.
Des rapports mensuels sur l’inflation sont élaborés ainsi que des modèles déterminant les causes, permettant d’avoir une «visibilité» à court terme (3 à 6 mois) et à moyen terme (18 mois). Afin de lutter efficacement contre l’inflation et stabiliser les prix, la Banque d’Algérie a pris des mesures monétaires en mai dernier en relevant le taux de réserves obligatoires qui passent de 9 à 11% et en absorbant les liquidités.
Ainsi, le plafond de reprise de liquidités est passé de 1100 milliards DA à 1350 milliards DA. En cas d’amplification ou d’une trop lente décélération en 2013, le Conseil de la monnaie et du crédit se réunira et prendra des mesures pour juguler l’inflation. D’autres mesures doivent être prises pour rendre le marché concurrentiel, a recommandé le conseiller de la Banque d’Algérie.
K. S.