Sellal sur les traces de Lénine : Le nouveau modèle économique commence par le limogeage de Laksaci

Sellal sur les traces de Lénine : Le nouveau modèle économique commence par le limogeage de Laksaci

index.jpgLe nouveau modèle économique de M. Abdelmalek Sellal est en marche. Avec Abderrahmane Benkhalfa et le futur gouverneur de la Banque d’Algérie à la baguette.

Difficile de dire si le « nouveau modèle économique », annoncé par le Premier ministre Abdelmalek Sellal marquera autant l’histoire de la théorie économique que l’avait fait la NEP, la fameuse Nouvelle Politique Economique, lancée en 1921 par Lénine. Le leader de la révolution soviétique, solidement ancré dans une pensée politique innovante pour son époque, voulait imposer un virage majeur parce que la situation l’exigeait. Pour lui, la Russie, alors en proie à la famine, à la suite d’une guerre mondiale et d’une guerre civile, était dans l’obligation de faire une pause pour atténuer les effets des bouleversements qu’elle avait subis, et pour doter la révolution d’une meilleure assise économique.

Affaibli à cette époque par une santé fragile, Lénine était victime d’une série d’alertes cardiaques, qui l’avaient écarté de l’exercice direct du pouvoir. Il disparaitra avant de savoir sur quelle issue allait déboucher sa NEP.

L’Algérie de Bouteflika est dans une situation beaucoup moins grave que la Russie de Lénine. Elle a des réserves de change, mais pas de famine. Elle a un Fonds de régulation des réserves qui va bientôt s’épuiser, mais pas de dette extérieure. Elle vit dans un environnement international plutôt hostile, mais elle ne subit pas de pressions directes de la part de forces externes visant à la détruire. Mais à sa défaveur, elle a du pétrole, mais pas d’idées. A part le nouveau projet proposé par M. Sellal.

Virage

C’est dans cette conjoncture que le Premier ministre a lancé ce fameux virage devant mener à « un nouveau modèle économique ». De quoi s’agit-il, en fait ? Selon le président Abdelaziz Bouteflika, il s’agit de « dynamiser la croissance et l’investissement hors hydrocarbures, tout en préservant la cohésion sociale de notre nation, dans le cadre de la justice sociale et de l’Etat de droit».

La formule est vague. Il faut chercher les détails chez M. Sellal. Celui-ci donne une première indication : l’ère du pétrole est révolue, dit-il. Hélas, cette formule n’est pas significative non plus. Elle figurait déjà dans un film réalisé par Mohamed Hilmi dans les années 1980.

Pressé de donner plus d’indications, M. Sellal a préféré les réserver à la tripartite, qui se réunit le 5 juin. C’est là que sera examiné le « nouveau modèle économique », dont M. Sellal consent toutefois à révéler quelques éléments. Selon lui, il faut « diversifier l’économie nationale ». Comment ? Que faut-il privilégier ? « Le développement du secteur du tourisme fait partie des priorités du gouvernement, au même titre que l’agriculture, l’industrie et les services », consent à dire M. Sellal. Ultime détail, il souligne que « l’Algérie connaît une conjoncture économique difficile du fait de la chute des prix de pétrole sur le marché international », avant de se reprendre pour affirmer que l’Algérie est « dans la bonne voie » et « maîtrise » la situation.

Platitudes

Faut-il poursuivre la quête, et chercher des éléments de ce que sera le « nouveau modèle économique» chez d’autres membres du gouvernement? M. Abderrahmane Benkhalfa, ministre des Finances, apporte cette précision décisive : il faut « diversifier l’économie, améliorer l’investissement, tout en préservant le système social qui fait la fierté de l’Algérie ». M. Abdeslam Bouchouareb, ministre de l’Energie, est tout aussi catégorique : il déclare qu’il va proposer, lors de la prochaine tripartite, de « faciliter les investissements pour relancer la croissance et créer des emplois ».

Il faut visiblement chercher ailleurs que dans ce monde de platitudes pour donner un contenu à ce que sera le nouveau modèle économique. En creusant d’abord dans les orientations déjà amorcées par le gouvernement, ensuite en donnant un sens économique aux plus récentes décisions, comme le limogeage du gouverneur de la Banque d’Algérie.

Le premier volet est déjà assez fourni. Il y a la dépréciation du dinar, les mesures administratives destinées à réduire les importations, le recours systématique aux réserves de change et au Fonds de régulation des recettes pour combler les déficits financiers. Ce sont des mesures classiques, primaires, prises sans aucun accompagnement politique destiné à en amortir l’impact ou à les faire assumer par les partis et la société.

Planche à billets

Quant au limogeage de M. Laksaci, il montre à quelle extrémité le gouvernement est prêt à aller. Le désormais ex-gouverneur n’avait pas l’âme d’un résistant. Il était tellement docile qu’il a accompagné toutes les politiques économiques mises en œuvre depuis quinze ans. Mais il avait tort sur un point: il existait encore. Il lui arrivait de rappeler, de manière discrète, mais à intervalles réguliers, certaines limites qui lui semblaient difficiles à envisager. Juste pour cela, il a payé.

Aujourd’hui, l’exécutif est disposé à aller plus loin. En jargon financier, il veut opter pour « des avances de la Banque centrale au Trésor ». En langage simple, cela veut dire recourir à la planche à billets. Mais la loi astreint cet exercice à des règles strictes.

M. Laksaci voulait éviter d’en arriver là. Il a demandé au gouvernement d’anticiper, et de prendre des mesures d’austérité qui éviteraient d’aller à cette extrémité. L’exécutif ne voulait pas, et ne pouvait pas le suivre : il n’a pas la force politique et managériale pour le faire.

Le résultat était inévitable. L’histoire devait se terminer par le départ de M. Laksaci, et son remplacement par un banquier apte à appliquer la nouvelle politique économique. Ce qui fera entrer M. Sellal au panthéon de la non gouvernance.