La conception de l’Algérie de l’économie de marché est complètement différente de l’ultralibéralisme, a affirmé jeudi le Premier ministre Abdelmalek Sellal, selon lequel l’équilibre, les nécessités de rentabilité et les attentes sociales représentent le fondement principal de cette économie. ”Je tiens à rappeler que le président de la République, Abdelaziz Bouteflika, a toujours affirmé que notre conception est très éloignée de l’ultra libéralisme qui est à l’origine des crises récurrentes qui affectent l’économie mondiale et a conduit beaucoup de pays à la faillite’’, a indiqué M. Sellal dans son intervention devant la 15ème tripartite, qui a ouvert ses travaux dans la matinée.
Pour le Premier ministre, l’économie algérienne ”se doit de veiller à l’équilibre entre les nécessités de la performance et de la rentabilité et celles d’une politique sociale visant à consolider les droits des travailleurs et atténuer les inégalités”. En outre, réussir l’enjeu de doter le pays d’une industrie moderne de haut niveau ”n’est pas une utopie”, a assuré M. Sellal, estimant que les retards accumulés par l’Algérie dans le secteur industriel pourraient devenir un atout en sa faveur. En effet, ces retards ”nous permettent aujourd’hui de faire un saut technologique considérable”, a-t-il dit, ajoutant que la mise en place sur le marché de produits à forte teneur technologique et à forte valeur ajoutée rendra les exportations algériennes ”concurrentielles”.
M. Sellal a toutefois indiqué qu’il était ”illusoire” pour un pays comme l’Algérie de fonder sa compétitivité sur le coût bas de la main d’œuvre ou de l’énergie à travers l’exportation “masquée” des hydrocarbures dans des produits à faible teneur technologique et à faible valeur ajoutée. ”Ce sont les défis qui se posent à toute ambition industrielle visant à intégrer d’une manière dynamique les échanges internationaux”, estime le Premier ministre. Néanmoins, et au-delà de toutes ces vulnérabilités dues à la dépendance de l’économie nationale aux hydrocarbures, cette économie reste “saine et solide”, a souligné M. Sellal.
Des infrastructures dignes des pays développés
Cette solidité est surtout soutenue par la confortable situation financière de l’Algérie, actuellement créditeur net du marché financier international avec pratiquement une dette publique nulle, une croissance du PIB hors hydrocarbures de 7,1%, en parallèle à une évolution globale de 3,3% en 2012 et d’une épargne publique considérable de 40 à 50% du PIB (Produit intérieur brut). Devant les participants à la tripartite, M. Sellal a indiqué que le président de la République l’avait chargé de leur transmettre un message selon lequel l’Etat, à travers la dépense publique, a doté le pays d’infrastructures “dignes des pays développés”.
“Des bases solides pour des industries de grande dimension sont là, qu’il s’agisse de routes et autoroutes, chemins de fer, ponts et aéroports, électricité, ressources naturelles, ressources humaines”, a affirmé M. Sellal pour qui l’Algérie “dispose d’un potentiel d’investissement parmi les plus importants du pourtour euro-méditerranéen”. ”Si ces réalisations ont été le fait de l’Etat, les entreprises publiques et privées doivent exploiter les opportunités qu’offre ce potentiel pour s’investir dans une perspective à moyen et long terme”, a-t-il poursuivi, assurant que les pouvoirs publics allaient intensifier leurs efforts pour combattre tous les entraves et obstacles qui continuent de décourager ou de freiner les projets d’investissement.
Dans la même optique, le Premier ministre a évoqué le rôle des entreprises publiques dans cet effort de développement à travers des investissements lourds qui ont permis d’enregistrer une croissance de 10,8% de leur valeur ajoutée durant les huit premiers mois de 2013 par rapport à l’exercice 2012.
Le privé devrait contribuer au développement économique du pays
A cet effet, il a appelé ces entreprises publiques à “envisager des partenariats avec les entreprises leaders dans leur domaine”, assurant la disponibilité de l’Etat pour les aider à concrétiser cet objectif et à élargir leur marge de manœuvre et autonomie avec une forte sécurisation des cadres. ”Nous veillerons fortement à la sécurisation des cadres mais j’attends d’eux, dans un acte de confiance mutuelle, une plus grande implication et mobilisation” pour contribuer à la relance du secteur industriel national.
L’entreprise privée devrait retrouver sa place et contribuer activement au développement économique et industriel du pays, a-t-il préconisé. ”Il serait absurde (…) de limiter le rôle de l’entreprise privée, de l’assigner à des activités prédéterminées ou de limiter le capital dont elle voudrait se doter”, a-t-il déploré. ”L’entreprise privée est l’un des acteurs de notre économie (…) son apport à la transition que nous amorçons est souhaitable et indispensable’’, ajoute le Premier ministre pour qui l’entreprise privée ou à capitaux privés ”n’est pas un mal nécessaire, mais un bien indispensable”.
”Le rôle de l’Etat est d’être le garant de l’économie nationale et c’est dans ce sens que nous agirons désormais. Nous ne gérons plus l’économie par des injonctions administratives mais ce seront les règles économiques qui prévaleront au niveau du marché”, a-t-il ajouté. D’autre part, M. Sellal a exclu toute remise en cause du crédit documentaire (CREDOC), assurant, toutefois, que ce mode de paiement des importations sera allégé. ”On ne remettra jamais en cause le CREDOC, mais on l’allègera en y apportant plus de souplesse et on veillera à mieux contrôler nos importations”, a-t-il affirmé. ”Nous n’interdirons rien aux Algériens, mais nous contrôlerons sévèrement nos importations”, a-t-il insisté.
Le gouvernement engagé à protéger les cadres gestionnaires
Le Premier ministre Abdelmalek Sellal a annoncé la mise place prochainement d’un comité pour examiner le dossier de la dépénalisation de l’acte de gestion, en réitérant la volonté du gouvernement de protéger les cadres gestionnaires. Ce comité qui “sera créé dans un ou deux mois”, devra formuler des propositions “conformes à la législation en vigueur” en vue de mettre en place des mesures à même d’assurer la protection des cadres gestionnaires des entreprises publiques, a précisé M. Sellal lors de la tripartite (Gouvernement-UGTA-Patronat).
“Notre rôle est de protéger les cadres et la dépénalisation de l’acte de gestion n’est pas la solution. Nous allons mettre en place un comité pour examiner ce dossier, car il s’agit de l’argent public dont nous sommes responsables”, a-t-il indiqué à un représentant d’une organisation patronale réclamant la sécurisation des cadres gestionnaires à travers la dépénalisation de l’acte de gestion. Il a estimé que “la dépénalisation (de l’acte de gestion) est une mauvaise solution pour un problème réel”, soulignant l’engagement de l’Etat à préserver ses cadres gestionnaires relevant aussi bien du secteur public que du privé.
Le Chef de l’exécutif a souligné, à ce propos, que les cadres gestionnaires des entreprises publiques doivent toujours se référer dans l’acte de gestion quotidienne aux lois en vigueur tels que le code des marchés publics et le code du commerce. Le Premier ministre a, par ailleurs, affirmé que toute l’aide sera apportée aux entreprises économiques dont celles créées dans le cadre de l’Agence nationale de soutien à l’emploi des jeunes (ANSEJ).
“Ces PME, notamment celles opérant dans le secteur du bâtiment ont un rôle important à jouer. Il faut les aider à prendre la relève et même à se prendre en charge”, a-t-il indiqué ajoutant que les entreprises algériennes ont besoin d’être compétitives à l’échelle internationale. Il a ainsi appelé les entreprises nationales à exploiter le potentiel dont dispose l’Algérie pour développer leurs exportations de produits à valeur ajoutée, notamment dans l’agroalimentaire.
Mise en place de cinq groupes de travail
Le Premier ministre, Abdelmalek Sellal, a annoncé jeudi à Alger, à l’issue des travaux de la tripartite, la mise en place de cinq groupes de travail chargés d’identifier les dispositions susceptibles d’encourager le développement de l’entreprise nationale.
Le premier groupe est, ainsi, chargé d’”élaborer le pacte économique et social de croissance dans un délai qui ne saurait excéder les trois mois”, a-t-il souligné dans son intervention prononcée à la clôture des travaux de cette rencontre de concertation qui a regroupé le gouvernement avec le patronat et le syndicat.
Le deuxième groupe est chargé, selon le Chef de l’exécutif, de proposer les modalités de la contribution du Fonds national d’investissement (FNI) au financement de l’investissement national public et privé. Un autre groupe est chargé de “l’encouragement de la production nationale dont le crédit à la consommation pour les produits locaux”, alors que le quatrième groupe prendra en charge la question de “l’encadrement des actes de gestion”.
Le cinquième et dernier groupe, a-t-il poursuivi, est chargé de “proposer les modalités facilitant l’intervention des entreprises nationales du BTPH dans la réalisation du programme national d’équipement”.(Aps)