Les séditions qui ont éclaté au Nord-Mali ne semblent être d’aucune commune mesure avec les rébellions passées. La stratégie de frappe suivie de repli rapide a été remplacée par une véritable guerre de prise des villes.
Alors que la rébellion usait, par le passé, de techniques de guérilla, c’est-à-dire asséner des coups fulgurants et spectaculaires, pour frapper les esprits, et se replier très vite, aujourd’hui, aussi bien chez le MNLA que chez «Ansar eddine» ou encore les Touareg qui agissent en dehors de ces deux groupes, il s’agit d’attaque frontale contre l’armée nationale.
L’objectif premier est de prendre des positions, des villages des villes, de s’implanter, et en définitive de marcher sur Bamako. Des villes comme Menaka , Tessalit et Aghuehoc sont ciblées. Sollicitée officiellement par le Mali, l’Algérie sait que, cette fois-ci, les séditions tombent dans un très mauvais moment.
Hormis les pressions américaines et françaises, toujours aux aguets, et hormis al-Qaïda au Maghreb, qui se réjouit de ces développements graves, et hormis encore l’arrivée massive de soldats ayant combattu en Libye, le président malien, ATT, est sur le départ et l’échiquier du Nord-Mali connaît une nouvelle configuration qui exige du temps pour en cerner les contours et en connaître les acteurs.
Ce qu’Alger sait, pour le moment, c’est que les assaillants d’«Ansar eddine» auraient à leur direction, en l’absence du véritable dirigeant et figure charismatique, Iyad Ag Ghali, le colonel M’Bam Ag Moussa, plus connu sous le nom de «Bamoussa». Après avoir déserté de l’armée malienne, il serait soutenu par des militaires revenus de Libye. Le mouvement populaire touareg dit «Ansar eddine» est né dans l’Azawad au nord du Mali sous la direction d’Iyad Ag Ghali, un ancien chef de la rébellion, devenu diplomate.
Ce dernier, qui occupait les fonctions de consul général adjoint du Mali en Arabie saoudite, est rentré récemment dans son pays, où il a rassemblé des centaines de combattants touareg, dont des officiers et soldats des armées malienne et libyenne.
Son arrivée précipitée au Mali et la création du mouvement «Ansar eddine» soulèvent des interrogations. Ag Ghali, qui a élu son QG dans des chaînes montagneuses de Kidal, revendique «l’application de la Charia islamique et la réhabilitation des oulémas », en plus d’autres exigences relatives aux droits des habitants de l’Azawad.
Iyad Ag Ghali est connu pour être celui qui a déclenché la rébellion, dans la nuit du 28 juin 1990, à Menaka à la tête du Mouvement populaire pour la libération de l’Azawad (MPLA), créé en 1982 et considéré comme le front historique de la rébellion targui au Mali. Le MPLA était le seul groupe rebelle à soutenir le Pacte national de 1992. Il est dissous en mars 1996. En mai 2006, il participe au mouvement de l’Alliance démocratique du 23 mai pour le changement aux côtés de Hassan Fagaga et Ibrahim Ag Bahanga.
Il en devient le secrétaire général. Ce mouvement débouchera sur les «Accords d’Alger», en 2006. Alors qu’Alger tentait de négocier avec les rebelles pour apaiser les tensions et faire pièce à Aqmi, Iyad Ag Ghali est victime, le 27 janvier 2011, d’une attaque de l’armé malienne, qui le plongea dans un coma de plusieurs jours.
Dès lors, son chef militaire intensifie les combats contre Bamako. Homme politique «négociable », ancien diplomate, Iyad Ag Ghali reste un homme disposé à la négociation, et c’est sur ce chapitre qu’Alger compte le convaincre de se rasseoir de nouveau, avec les autres parties du conflit, autour de la table de négociations.
Fayçal Oukaci