Sécurité,Les entreprises algériennes sont-elles bien protégées ?

Sécurité,Les entreprises algériennes sont-elles bien protégées ?

La dernière décennie a été principalement marquée dans notre pays par la prise en main par l’État des leviers de commande de l’économie nationale.

Cette prise en main de l’État est palpable dans tous les secteurs industriels, à travers les grandes réalisations enregistrées à la faveur des programmes mis en place par le président de la République. Lesquels programmes, qui constituent des plans de bases objectives, permettront évidemment d’asseoir notre indépendance économique et sortir de l’orbite du sous-développement.

L’effort d’équipement consenti dans tous les secteurs rend indispensable la mise en place de structures de préservation de ce patrimoine productif, et particulièrement le support technique de sécurité qu’il conviendrait de généraliser à l’ensemble des structures de notre pays. Cependant, les actes de malveillance criminels et terroristes ont démontré la vulnérabilité des entreprises face aux attaques ou aux sabotages d’infrastructures. On peut imaginer des conséquences plus dramatiques telles que l’intrusion dans un réseau de distribution d’eau potable, contre une raffinerie ou carrément l’utilisation d’armes chimiques ou biologiques par des terroristes. D’autres catastrophes provoquées et qui menacent les infrastructures critiques de notre pays doivent aussi être évitées ; les récents bouleversements sociopolitiques intervenus dans certains pays arabes doivent nous inciter à plus de vigilance et axer nos efforts sur les domaines de la prévention afin de préserver et sauvegarder notre outil de production et protéger notre économie.

Ainsi, et à la faveur des lois et décrets promulgués et assurant la fonction de sûreté interne des établissements, bon nombre d’entreprises ont choisi de confier la sécurité de leur patrimoine (souvent des installations névralgiques) à des sociétés de gardiennage. Mais, qu’en est-il de l’apport de la sûreté interne de l’établissement dans la sécurisation des infrastructures des sites classés sensibles (A), et d’une manière plus générale dans la protection de l’économie nationale ? Les missions essentielles de la sûreté interne visent surtout les aspects de la prévention, la protection, la défense et, d’une manière générale, la mise en sûreté du patrimoine public, des biens et des personnes qui lui sont liés. Il doit certainement y avoir une grande confusion entre les deux concepts, celui de faire «garder» une entreprise et celui de la «protéger».

Il nous paraît inconcevable de faire «garder » une entreprise, de quelle nature qu’elle soit. Il serait alors plus logique de mettre en place des dispositifs adéquats de protection et de défense contre toute tentative ou acte de malveillance qu’il soit d’origine accidentelle ou criminelle.

Dans ce cas précis, ce n’est plus le travail d’une équipe de «gardiens» mais plutôt d’agents de protection et de surveillance bien formés, habilités et dotés de «moyens appropriés» et conséquents, et cela conformément à un plan de sûreté interne (PSI), préalablement établi. Il faut savoir que la sûreté interne d’établissement (SIE) est un nouveau concept dans la pratique du management sécuritaire mis en place dans les années 1990 par les pouvoirs publics.

L’objectif assigné est de préserver les infrastructures, les équipements et le déroulement normal des activités professionnelles sur les lieux de travail contre toute action à portée délictuelle ou criminelle, faire échec à toute tentative d’exaction, de sabotage, d’agression ou de perturbation subversive visant les infrastructures. À ce titre, il y a lieu de prendre les dispositions d’urgence en matière d’alerte et de secours ainsi que les mesures de sûreté visant la neutralisation des auteurs et complices surpris sur les lieux ou aux abords immédiats de l’établissement. La protection de l’établissement consiste alors en une série de mesures de nature à concourir à la prévention, la préservation et, le cas échéant, à la défense de l’établissement par l’usage de la force, y compris celui des armes, contre les risques de toutes natures, notamment les actes d’agression, de sabotage et de destruction.

Malgré la promulgation de ces lois et de ces décrets, la sécurité souffre de carences et d’insuffisances très graves. Cet état de fait est constaté dans le non-respect et l’inapplication des dispositions prescrites par la loi. Cela s’explique par diverses raisons, entre autres, le manque de professionnalisme, dans la majorité des cas de (certaines) sociétés chargées des missions de gardiennage. La pratique et l’expérience dans ce milieu professionnel nous apprennent, en effet, que les fonctions liées à la protection et la défense, bien qu’elles soient relativement structurées, souffrent d’abord d’un manque de prise de conscience professionnelle de certains responsables en charge de la gestion des différents dispositifs. Il faudra ajouter à cela l’insuffisance de moyens adaptés de protection, l’absence de procédures de fonction et de gestion opérationnelle et consignes spécifiques et, naturellement, de professionnels capables de mettre en place une organisation à même de faire face à toutes situations. Ces insuffisances mettent ainsi en péril les installations névralgiques dont ils ont la mission de protection.

Aussi, la composante humaine, du simple agent au principal responsable, de ces sociétés de gardiennage mérite que l’on s’intéresse à elle de très près. Toute la chaîne de commandement doit faire l’objet d’une attention particulière, surtout en en ce qui concerne les critères de sélection et la désignation des responsables (diplôme dans le domaine, stages spécifiques, aptitude au commandement, esprit de synthèse et de décision et surtout une longue expérience). Le problème rencontré par les entreprises algériennes est beaucoup plus d’ordre pratique que théorique. Si je me suis permis de traiter dans cette modeste contribution de «l’approche systémique du management sécuritaire», c’est pour cibler un point fort sensible auquel on doit accorder de l’importance dans nos entreprises. Il s’agit en fait d’une assise indispensable qui permettra d’initier une nouvelle stratégie, laquelle ne peut que favoriser l’avenir de nos entités économiques. L’organisation des cinq systèmes composant le système managérial du XXIe siècle doit revêtir une importance capitale à tous les niveaux. Pour que l’homme au travail ne soit pas agressé par la technique qui doit le servir et non l’asservir, et pour que la rentabilité de l’entreprise soit améliorée, la structure de sécurité bien organisée et bien gérée. C’est un facteur déterminant pour la prospérité et la pérennité de cette entreprise. Il faut convaincre ceux qui ne l’ont pas encore compris. On ne devient pas agent de protection et de surveillance rien que par le fait d’endosser une tenue ou un uniforme ! On ne devient pas responsable d’une structure de sûreté en charge d’un dispositif opérationnel de protection d’un site sensible (par exemple une raffinerie) sans avoir de bagages.

Sûreté et sécurité

La sécurité des personnes et des biens constitue une préoccupation de plus en plus importante au sein des entreprises. L’aspect sécurité, vu dans son ensemble, est actuellement en train de s’inscrire dans les bonnes pratiques de gestion des affaires économiques nationales. Dans un contexte de mondialisation, les entreprises publiques économiques sont de plus en plus vulnérables face à l’espionnage industriel, aux actes de malveillance, de sabotage, aux vols, ou aux catastrophes naturelles.

Elles s’exposent à des pertes considérables qui peuvent affecter leurs ressources humaines, leurs actifs ou leur image (place sur les marchés internationaux) et donc nuire à leur productivité et à leur rentabilité. Les conséquences d’une protection inadéquate d’un site sensible peuvent causer une perte de marchés, une réputation entachée, la désaffectation de l’encadrement, la destruction partielle ou totale des infrastructures et équipements.

De ce fait, confier la mise en sûreté (prévention, protection et défense) d’un site à hauts risques à des non-initiés ou qui manquent de professionnalisme risque de porter atteinte à l’économie nationale avec toutes les conséquences imaginables. Les sociétés de gardiennage (certaines, pas toutes) auxquelles échoit donc «la mission de protection » de ces entreprises doivent rechercher et proposer des technologies et des services de pointe (utilisées actuellement un peu partout dans le monde) et qui concilient les contraintes budgétaires et les niveaux de sécurité drastiques des installations et infrastructures sensibles. Ces solutions permettront également d’assurer la protection des sites pétroliers et gaziers, des ports et aéroports et autres infrastructures à caractère sensible. Elles devraient nous garantir la disponibilité des informations en temps réel, et ce, grâce à la collecte et à la corrélation de données provenant de sources multiples. L’analyse du risque, les signaux de pré-alerte et des circuits de prise de décision plus rapides, permettra de mieux préparer et d’anticiper les réponses. Assurer la protection d’une installation sensible, de surcroît de classe «A», est une mission de la plus haute importance et, de ce fait, ne doit être confiée qu’à des professionnels avérés qui puissent recenser les interactions entre un point dangereux et le point névralgique ou sensible, dont la défaillance ; une attaque terroriste par exemple peut entraîner la survenance de l’événement redouté, comme l’arrêt de la production. Quelles en seront les conséquences ? Qui en sera responsable ? La nécessité de protéger notre patrimoine (protection des biens et des personnes, notre souveraineté en définitive) prend une dimension de plus en plus importante. Une situation qui prend de l’ampleur et qui requiert une mobilisation conjointe de tous les instants : le partage d’informations via les moyens en réseau n’est plus un avantage stratégique, c’est un devoir.

Dr Mohamed Dekakene, enseignant chercheur, docteur of sciences in engineering and technical’s sécurity – Londres, expert en sûreté interne de l’établissement, expert dans la conception, l’élaboration et la gestion opérationnelle des plans de sûreté interne (organisation de la protection et défense de sites sensibles).