Selon l’argumentaire des partisans de cette option, la Cnas est le premier acheteur de médicaments, du moment qu’elle rembourse les médicaments achetés par des millions de cotisants, ce qui lui donne un important pouvoir de négociation pour imposer ses conditions de marché.
Dès sa désignation à la tête du ministère de la Santé, de la Population et de la Réforme hospitalière, Abdelmalek Boudiaf a émis le vœu de mettre la Caisse nationale des assurances sociales (Cnas) sous sa tutelle. Ce qui ressemblait à un ballon-sonde a été lancé par son entourage en marge d’une visite de travail qui l’a mené à Béjaïa où il a eu à inspecter des cliniques privées réalisant des actes médicaux compliqués et excessivement chers. C’était au mois de février 2014. Or, quelques mois après, le ministre s’est rétracté, récusant toute velléité de la rattacher à son ministère et précisant que ce n’était qu’une recommandation émanant de l’un des ateliers qui préparaient les assises nationales de la santé. Cette recommandation n’a pas pu se concrétiser. Du moins pour le moment. Mais pourquoi la Cnas doit-elle être mise sous la tutelle du ministère de la Santé ? Selon l’argumentaire des partisans de cette option, mise sur la table bien avant l’arrivée d’Abdelmalek
Boudiaf, la Cnas est le premier acheteur de médicament, du moment qu’elle rembourse les médicaments achetés par des millions de cotisants, ce qui lui donne un important pouvoir de négociation pour imposer ses conditions de marché.
Aussi bien aux laboratoires pharmaceutiques qu’aux médecins et autres prestataires de services. Sauf que les pressions exercées par ces laboratoires pharmaceutiques et les médecins, qui continuent à payer leurs impôts sur la base de tarifs ridiculement bas, alors qu’ils pratiquent des prix désormais insupportables pour les petites et moyennes bourses empêchent, selon des observateurs du milieu sanitaire en Algérie, toute action concertée pour utiliser la Cnas comme régulateur du marché.
Il a fallu, en effet, quatorze ans pour voir les concernés pondre, en février 2009, un arrêté interministériel instituant le “tarif de référence” comme base de remboursement du médicament, bien qu’il soit à l’ordre du jour depuis 1995. La baisse des prix qui s’en était suivie est révélatrice des enjeux financiers de la régulation du marché. Ainsi, la mise de la Cnas sous la tutelle du ministère de la Santé réduirait les efforts de coordination et mettrait plus de cohérence aux actions de ce ministère. Cela simplifierait sa démarche, en lui évitant les réunions bureaucratiques de coordination et éventuellement la résistance d’autres départements ministériels face aux changements qui s’imposent. Et surtout de situer les responsabilités. En ce sens que tous les ministres qui se sont succédé à la tête du département de la santé durant les dix dernières années ont affiché leur volonté de réviser la nomenclature nationale des médicaments enregistrés, en vain. Cela aurait un effet certain sur la facture des importations des médicaments. Tous ont affirmé que les Algériens peuvent se soigner avec un maximum de 1 200 médicaments au lieu des 7 000 qu’elle compte actuellement. Mais aucun ministre n’a réussi à l’“assainir”. Idem pour la nomenclature des actes médicaux dont la Cnas continue à rembourser, à titre d’exemple, des consultations qui coûtent 1 000 DA à hauteur de 40 DA, soit sur la base d’un tarif de 50 DA. Et la situation est encore pire en matière d’examens biologiques et radiologiques, faisant basculer le secteur de la santé dans l’informel. Un argent qui échappe à tout contrôle fiscal. En tout cas, l’actuel ministre de la Santé qui vient de déclarer la guerre aux praticiens qui touchent des salaires dans les hôpitaux publics alors qu’ils travaillent essentiellement dans le secteur privé, laissant les malades sur le carreau, doit doubler d’ingéniosité pour concilier les intérêts de chacun…
L. H.