Sécurité des frontières algéro-libyennes Quel interlocuteur pour l’ANP ?

Sécurité des frontières algéro-libyennes Quel interlocuteur pour l’ANP ?

Deux ans après l’assassinat de Mouamar Kadhafi, la Libye demeure régie par le chaos et au lieu d’une armée régulière, ce sont des milices divisées qui gèrent le pays selon le vieux modèle des seigneurs de guerre. Alger, mais aussi Tunis et le Caire s’impatientent…

Il n’est pas un secret que la question de la sécurité des frontières est un dossier prioritaire pour les autorités du pays. Les communiqués révélant les audiences du président Bouteflika au vice-ministre de la Défense, Ahmed Gaid Salah, revient systématiquement sur le sujet, qu’il s’agisse du Mali, de la Libye ou de la Tunisie où l’on enregistre de plus en plus d’attentats.

Néanmoins, une différence notable ressort entre le Mali ou la Tunisie, où il existe un pouvoir reconnu aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur et des institutions avec lesquelles la coopération et la coordination sécuritaire existe, et la Libye où subsiste un gouvernement qui n’a de cela que le nom et qui demeure pris en otage par des milices au nombre, à l’armement et aux objectifs politiques, difficiles à cerner.

Celles-ci sont basées sur des logiques tribales, idéologiques ou régionales, même si officiellement, elles sont présentées par Tripoli comme rattachées aux ministères de l’Intérieur et de la Défense. Mais tout le monde le sait : depuis la fin du conflit, les milices s’entredéchirent sur les zones d’influence et, également, pour le contrôle du trafic aux frontières.

Ces mêmes milices devant lesquelles les autorités centrales sont impuissantes et qui prolongent le chaos avec un taux élevé d’attentats, d’homicides, d’enlèvements et de règlements de comptes, sur fond de prolifération d’armes de toutes sortes, notamment celles issues de l’arsenal de Kadhafi. Selon plusieurs sources occidentales, ces milices englobent un total de 225 000 hommes armés !

En majorité, ils réussissent encore à obliger « le gouvernement » à leur reverser des salaires et refusent de s’enrôler dans l’armée régulière. A Tripoli même, ils défilent en tirant en l’air et font ce que bon leur semble, et ce n’est pas le coup d’éclat de l’enlèvement du Premier ministre libyen, Ali Zeidan, de sa chambre à l’hôtel Cornithia (en représailles à la capture par les Marines US d’un de leurs chefs), qui prouvera le contraire.

La capitale est également sectionnée en autant de milices, aéroport, centreville, zone côtière, chacune est la « propriété » d’un groupe armé. Et le même topo est à appliquer aux zones pétrolières, où l’autorité de Tripoli n’est tolérée que dans le cadre de l’exploitation et la commercialisation du produit des puits.

En raison de cette situation, la production de pétrole a diminué de moitié et les grands chantiers de construction sont à l’abandon. Fin décembre, les Libyens pourraient retourner aux urnes pour élire une Assemblée constituante. Mais nombreux pensent que la situation actuelle ne permet pas la tenue d’une telle élection.

En fait, cerner le problème en Libye à un simple conflit entre le Parlement et son instance exécutive, d’une part, et l’Union des forces nationales et islamiques, de l’autre, ce serait s’éloigner de la réalité du terrain, d’autant que la zone sud du pays est de plus en plus gagnée par les groupes islamistes radicaux liés à Al-Qaïda, fuyant le Mali et le Tchad ou venant de la Somalie.

Nous ne sommes plus dans un problème interne à la Libye post- Kadhafi, mais une véritable bombe à retardement pour toute la région, sachant que le besoin le plus urgent pour les groupes jihadistes à travers le monde, c’est de trouver un territoire pour se replier, entraîner leurs troupes, tester leurs armes et, bien entendu, planifier et lancer leurs opérations.

Et dans ce contexte d’une Libye que personne ne contrôle vraiment, se dressent désormais des revendications séparatistes, sous le slogan peu crédible de fédéralisme, comme en atteste la création du « Bureau exécutif de la région de la Cyrénaïque » à l’est du pays pour former un gouvernement de 24 ministres pour la gestion de la province.

Les partisans du fédéralisme affirment agir sur la base de la Constitution de 1951, qui divisait le pays en trois régions administratives historiques : la Cyrénaïque, la Tripolitaine (Ouest) et le Fezzane (Sud) avant la suppression du système fédéral en 1963.

Alors, du point de vue d’Alger, il existe des ponts diplomatiques avec le gouvernement libyen de transition, comme en atteste la récente visite du ministre libyen du pétrole et du gaz, Abdelbari Al- Aroussi, mais cette institution est si fragile qu’il est vain d’ouvrir avec elle le dossier de la sécurité des frontières.

En revanche, on sent que le gouvernement algérien tente de faire intervenir les acteurs régionaux dans cette affaire. C’est ce qui semble ressortir de la participation du chef de la diplomatie algérienne, Ramtane Lamamra, dans le cadre du dialogue dit des 5+5, jeudi à Barcelone, ainsi que celle du ministre de la Communication, Abdelkader Messahel au Forum de Crans Montana.

De même, le renforcement de la coopération avec un pays tout aussi concerné que l’Algérie, la Tunisie semble s’y faire, d’autant que le gouvernement actuel à Tunis ne se cache plus pour désigner la Libye comme territoire abritant de nombreux éléments terroristes, des armes et des explosifs provenant du territoire libyen destinés à des attentats en Tunisie. Plus à l’Est, au Caire, on ne se réjouit pas non plus.

L’Egypte a annoncé la fermeture du terminal frontalier de Saloum avec la Libye, après l’enlèvement d’une centaine de chauffeurs égyptiens par un groupe armé libyen. Le groupe s’est saisi de camions et minibus égyptiens et a enfermé les chauffeurs dans un camp situé aux environs de Tripoli.

En attendant de connaître le sort des otages, des tonnes d’armes venant en contrebande de Libye, ont été saisies par les autorités égyptiennes, mais des dizaines d’autres sont passées. Cela va du fusil d’assaut belge FN aux missiles de 20 kilomètres de portée, en passant par les bazookas et les explosifs, selon la presse locale.

N. B.