Sécurité aux frontières: Entre réalité et diversion

Sécurité aux frontières: Entre réalité et diversion

securite-frontieres-algerie.jpgC’est devenu un rituel chez Bouteflika : depuis quelques mois, il tient régulièrement des réunions restreintes consacrées à la situation sécuritaire dans le sud du pays. Dernière en date : celle de mardi.

Étaient présents à cette réunion : le Premier ministre, Abdelmalek Sellal, le chef de cabinet, Ahmed Ouyahia, le chef d’état-major de corps d’armée, Ahmed Gaïd Salah, le chef de la diplomatie, Ramtane Lamamra, le ministre d’État, conseiller spécial du président de la République, Tayeb Belaïz, le ministre de l’Intérieur et des Collectivités locales, Nouredine Bedoui, le ministre de la Justice, garde des Sceaux, Tayeb Louh, le ministre des Affaires maghrébines et de l’Union africaine et de la Ligue des États arabes, Abdelkader Messahel, le ministre de l’Habitat, de l’Urbanisme et de la Ville, Abdelmadjid Tebboune, le conseiller chargé de la coordination des services de sécurité rattachés à la présidence de la République, Athmane Tartag, le commandant de la Gendarmerie nationale, le général-major Menad Nouba, et le directeur général de la Sûreté nationale, le général-major, Abdelghani Hamel.

À l’inverse de la réunion de mars dernier, cette fois, le ministre de l’Industrie et des Mines, Abdessalam Bouchouareb, n’était pas présent. On ignore s’il s’agit d’un haut conseil de sécurité, mais ça y ressemble à bien des égards. Sauf que les deux présidents des deux Chambres parlementaires ne sont pas conviés au conclave.

Parce qu’intervenant dans un contexte marqué par de nombreux succès enregistrés par l’ANP contre le terrorisme et contre la contrebande dont le MDN rend compte régulièrement, cette réunion laisse à penser que les hautes autorités du pays cherchent à délivrer le message selon lequel “Bouteflika veille au grain” sur la sécurité du pays, histoire de rassurer l’opinion nationale, mais aussi répondre à ses détracteurs qui pointent du doigt la vacance du pouvoir. Aussi, la présence de Bachir Tartag et les autres responsables sécuritaires peut se décliner comme une réponse aux critiques concernant la restructuration des services puisque l’efficacité est désormais là.

Mais la situation sécuritaire est-elle à ce point critique pour appeler des réunions régulières de cette importance ? “Les groupes terroristes actifs dans la région ne constituent pas une menace stratégique et politique, mais sécuritaire à l’Algérie. Aqmi est divisée, fragmentée et sa direction basée en Algérie n’a plus le pouvoir de naguère. Sous la pression croissante des forces algériennes, elle a dû se retirer plus au Sud, au Sahel. Aujourd’hui, ses unités sahéliennes sont les plus importantes et Aqmi représente une menace de sécurité majeure dans cette zone qui constitue désormais son principal théâtre d’opération.

Toutefois, la reprise de la violence, sous une forme ou une autre, est toujours possible tant que les causes à partir desquelles elle a surgi n’ont pas été profondément abordées. Il ne faut pas sous-estimer l’islamisation rampante de la société algérienne. Aujourd’hui, l’islamisme radical semble récupérer idéologiquement des terrains qu’il avait perdus militairement”, observait, à juste titre, Tewfik Hamel, consultant international, chercheur en histoire militaire et études de défense à l’université Paul-Valéry dans un entretien à notre confrère El Watan.

Si l’on ne peut, objectivement, sous-estimer la menace, même si rien ne permet l’appréciation du degré réel de celle-ci en l’absence de tradition parlementaire pour interroger les responsables militaires, il reste que cette fréquence des réunions peut aussi être comprise comme une stratégie destinée à focaliser les regards des Algériens sur le risque sécuritaire.

En d’autres termes : conditionner les Algériens, traumatisés par une décennie de terreur, une espèce de chantage sécuritaire, ce qui est de nature à les distraire des véritables enjeux politiques et économiques. “La meilleure politique à long terme contre le terrorisme est la prévention et l’instauration de la démocratie.

Si certains groupes ont été déradicalisés en changeant leur idéologie et leur comportement, ce n’est pas la mouvance islamiste algérienne. L’AIS et d’autres repentis ont connu un processus de désengagement pour des raisons pragmatiques et n’ont pas changé leur point de vue idéologique sur l’utilisation de la violence. L’expérience montre que l’augmentation de la répression étatique conduit à plus de radicalisation”, soutient Hamel. Le pouvoir l’a-t-il compris ?

Karim Kebir