En dépit de la scandaleuse gestion, par BP, de la sécurité du complexe gazier de Tiguentourine, les sociétés pétrolières continuent de transgresser les lois algériennes, en faisant appel à des compétences étrangères pour assurer la sécurité des sites.
Certaines d’entre elles ont même lancé des consultations exclusivement à l’international pour assurer cette prestation. La dernière en date étant la compagnie espagnole Repsol, opérateur sur le groupement Reggane (blocs 351c et 352c). Cette association, composée de Repsol, Sonatrach, la française Edison et l’allemande RWE Dea, a annoncé la semaine dernière une consultation internationale pour la mise à disposition de Coordinateurs des liaisons des opérations (OLC).
Les OLC sont des postes relevant exclusivement de la sécurité des sites et des installations qui ne peuvent être exercées que par des entreprises algériennes. Repsol ne peut pas ignorer les lois algériennes en matière des sites. Les représentants de la Sonatrach dans le comité de gestion de cette association ne les ignorent pas non plus, mais ils laissent faire.
La loi Chakib toujours en vigueur
A la lecture du cahier des charges, le groupement Reggane affirme avoir lancé cette passation conformément au dispositif R16 du 8 avril 2010. Autrement dit, le groupement n’agit pas selon les termes du code des marchés publics et maintient l’application de la R16 de Chakib Khelil.
Pourtant, cette procédure n’est pas inscrite au titre des opérations d’urgence. En revanche, les auteurs de la procédure exigent la déclaration de probité, en référence à la loi n°06-01 du 20 janvier 2006 relative à la prévention et à la lutte contre la corruption. De ce fait, le groupement choisit à sa guise les textes de loi et ne se gêne pas d’omettre le code des marchés publics. Mais l’élément fondamental ignoré par le groupement est en référence avec l’activité de sécurité en Algérie. Le décret législatif n°16-93 du 4 décembre 1993 relatif à la création de société de sécurité et de gardiennage prévoit expressément que l’activité de sécurité est exercée exclusivement par des personnes de nationalité algérienne. En août 2009, le ministère de l’Intérieur avait transmis une note à travers laquelle il rappelait aux sociétés algériennes de gardiennage et de sécurité l’interdiction de sous-traiter cette activité pour le compte des entreprises étrangères intervenant dans le même secteur. La compagnie espagnole ne semble pas tenir compte de toute cette armada de textes et continue à faire appel aux étrangers pour assurer des missions de sécurité en Algérie.
Les vétérans de l’Afghanistan ?
Ce qui est demandé aux opérateurs OLC c’est surtout d’avoir une expérience dans les services de sécurité ou dans l’armée. La compagnie exige des CV étoffés avec de hauts faits d’armes. Car, l’OLC est tenu de rendre compte de la situation de sécurité dans la zone de gestion de groupement, de mettre en œuvre des consignes de sécurité selon les conseils de gestion du groupement. En outre, il doit veiller aux procédures de l’aviation et la gestion de la piste d’atterrissage de Reggane. Autant d’activités directement liées aux relations avec les autorités militaires et les services de sécurité. Les sociétés étrangères qui postulent à ce contrat s’arrangent toujours pour obtenir des CV’s d’anciens officiers des armées ou des services de renseignement. Mais, en dehors de ceux qui ont participé à la guerre d’Afghanistan, où doit-on trouver des officiers expérimentés ? En plus, comment accepter le fait qu’on préfère des officiers étrangers ceux qui ont, des années durant, affronté le terrorisme en Algérie ? Des dizaines de société algériennes de sécurité qui emploient des retraités de l’armée et des services de sécurité, sont interdites d’accès à ce marché qui consomme annuellement des dizaines de millions de dollars.
Combien ça coûte ?
L’exclusion des sociétés algériennes est motivée surtout par les montants des contrats. Un chantier par exemple peut à lui seul mobiliser jusqu’à huit postes, soit 16 OLC. Chaque OLC est mis à disposition par son employeur pour une somme pouvant atteindre jusqu’à 40 000 euros. De plus, ces OLC sont recrutés sous le régime du 4×4. Ils travaillent donc pendant quatre semaines sur les sites algériens et se reposent pour une même durée dans leurs pays d’origine. La rémunération de ces prestations est versée dans les comptes de ces entreprises à l’étranger sans que le fisc algérien puisse avoir une idée réelle sur leur véracité. Le contrat de Repsol n’est pas un cas isolé. C’est devenu une règle dans les associations de la Sonatrach. Même les russes de Gazprom ont lancé, il y a un mois, une consultation similaire pour l’engagement de prestations de sécurité sur les sites qu’ils gèrent conjointement avec la Sonatrach.
Mokhtar Benzaki