A partir de 9h, les étudiants de huit écoles nationales ont organisé un rassemblement pacifique devant le département de leur tutelle. Ils protestent contre le décret N° 10-315 du 13 décembre 2010, qui dévalorise leur diplôme.
La grogne sociale se propage et touche l’université. Hier, plus de 2 000 étudiants, en grève illimitée, ont pris d’assaut le siège du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique, sis à Ben Aknoun.
A partir de 9h, les étudiants de huit écoles nationales ont organisé un rassemblement pacifique devant le département de leur tutelle. Ils protestent contre le décret N° 10-315 du 13 décem-bre 2010, qui dévalorise leur diplôme. «Wizara hagara», «Arrêtez le décret pour sauver l’université», «On a marre de la hogra», «Ecoles supérieures, diplômes inférieurs», «Assa azeka, l’ingéniorat yela yela (aujourd’hui ou demain l’ingéniorat existe toujours), ou encore «Harraoubia dégage», scandaient les étudiants, très en colère.
«Arrêtez la mascarade», «Ingéniorat ou haraga», «Valorisez nos diplômes», lit-on encore sur les pancartes et au-tres banderoles. Les étudiants, venus de plusieurs wilayas du pays, réclament l’annulation, pure et simple, de ce décret et le retour au système classique. Ce décret qui fixe la grille indiciaire des traitements et le régime de rémunération des fonctionnaires a fini par rassembler tous les étudiants des écoles d’ingénieurs en une seule coordination pour défendre leurs droits. Les étudiants demandent tous les privilèges octroyés aux diplômés de master 2, à savoir l’accès aux bourses à l’étranger. Les étudiants exigent également l’instauration des écoles doctorales au niveau de toutes les écoles supérieures et le changement des conditions d’accès aux écoles doctorales en remplaçant l’accès sur dossier par un accès sur concours écrit obligatoire. La coordination des étudiants des grandes écoles n’a pas omis d’inclure les revendications des techniciens supérieurs dans leur plateforme. Dans ce sens, les étudiants réclament l’intégration de la dernière promotion des TS au cycle long avec la dernière promotion de la deuxième année ingénieur d’Etat. «Nous dénonçons ce décret de la honte. C’est de la pure humiliation. Par ce décret, les pouvoirs publics favorisent les diplômés du système LMD sur ceux du système classique. On demande que le diplôme ingénieur soit à titre égal au master 2», dira Mourad, étudiant en cinquième année de l’Ecole nationale supérieure des statistiques et d’économie appliquée (ENSSEA). Et à son camarade de classe, Saïd d’enchaîner :
«Avec ce décret, le diplôme d’ingéniorat est classé à la catégorie 13 au lieu de 14. Notre diplôme ingéniorat a été dévalué. C’est notre avenir qui est mis en danger. Nous refusons cette discrimination. Nous sommes déterminés à aller jusqu’au bout dans notre mouvement et jusqu’à l’annulation de ce décret. Nous reviendrons demain (aujourd’hui) si la tutelle continue à afficher la sourde oreille.»
Un groupe d’étudiants s’est constitué déjà pour occuper les lieux devant le ministère. Au fur à mesure que la foule des étudiants grossit, une dizaine de fourgons des policiers antiémeutes arrivent sur les lieux pour parer à des éventuels troubles. Calmes et surtout bien organisés, les protestataires exhibent leurs cartes d’étudiants devant les policiers. «On n’est pas des voyous, on est des étudiants», hurlent-ils. Aucun incident n’a été signalé, grâce à la conscience et au civisme des étudiants.
«Nous ne sommes pas manipulés»
«Des hommes politiques guettent notre mouvement pour faire de nos revendications un fonds de commerce. Des appels nous ont été lancés afin de rejoindre leurs partis politiques ou organisations. Nous ne sommes pas des gamins. Personne ne peut nous manipuler. On est conscients», explique un délégué des étudiants. «Certains sont allés jusqu’à parler de notre adhésion à la Coordination nationale pour le changement démocratique (CNCD). C’est faux ! Que les choses soient claires. On est apolitiques. On veux juste l’annulation de ce décret pour nous mettre à préparer nos examens», ajoute-t-il encore. Il est à signaler que tous les examens des écoles concernées ont été reportés à une date ultérieure. Les étudiants ne comptent pas reculer jusqu’à la prise en charge de leur plateforme de revendications. Une réunion est prévue pour aujourd’hui entre les délégués des étudiants, les directeurs des Ecoles nationales supérieures et les représentants du ministère afin de trouver un terrain d’entente. Faute de quoi, les étudiants continueront leur mouvement de protestation. A rappeler qu’une réunion a été tenue le 9 février entre les représentants des étudiants et la tutelle. Cette dernière a tenu a démentir formellement «les rumeurs et les allégations», autour de la suppression du diplôme d’ingénieur d’Etat et affirme que ce diplôme est toujours en vigueur. Le ministère a rappelé également que les titulaires de ce diplôme «ont la possibilité de poursuivre des études en vue de la préparation d’un doctorat». Des assurances qui n’ont rien changé dans le mouvement de contestation entamé par les étudiants.
Par Hocine Larabi