Une vue du siège de Saipem
L’enquête a mis le doigt sur une autre facette de cette énorme affaire de corruption.
Une somme d’un milliard et demi d’euros a été versée par l’entreprise étatique italienne à Damas à des sous-traitants syriens dans l’affaire dite «Sonatrach 2-Saipem». C’est ce que révèle, dans son édition d’hier, en exclusivité, l’hebdomadaire italien L’Espresso. L’enquête a mis le doigt sur une autre facette de cette énorme affaire de corruption. Il s’agit de la sous-traitance syrienne impliquée dans les transactions délictueuses mises à jour ces derniers mois. Ce second niveau de corruption liée aux fonds noirs, implique donc les entreprises syriennes auxquelles Saipem a sous-traité les travaux de son volet algérien, indique L’Espresso. Les deux entreprises en question ont encaissé, selon la même source, la modique somme de 1,5 milliard d’euros. Dans leurs investigations, les contrôleurs financiers cherchent à identifier les propriétaires effectifs de ces deux entités afin de faire la lumière sur une série de rencontres tenues dans un hôtel de luxe à Milan, avec des dirigeants de l’entreprise italienne. L’enquête principale, déjà validée par le tribunal d’appel, s’est soldée par l’arrestation de Pietro Varone et d’autres anciens dirigeants de la Saipem. Ces derniers se trouvent présentement en cellule à Saint Vittore depuis le 28 juillet 2013.
Toutefois, reste en suspens le cas de «l’intrigant» Farid Bedjaoui, titulaire de la société offshore qui a encaissé 198 millions d’euros du groupe italien pour des supposées commissions de consultations dont une partie a été remise à Chakib Khelil, peut-on lire encore dans L’Espresso. Tous les anciens dirigeants de la Saipem, pour ceux qui ne sont pas encore en prison, ont été contraints de démissionner en 2012, y compris le n°1 de la maison mère ou groupe ENI, Paolo Scaroni. Ce dernier a participé à cinq rencontres informelles avec Chakib Khelil et son trésorier occulte, Farid Bedjaoui, à Paris. La nouvelle enquête se concentrant sur la sous-traitance par des entreprises syriennes, a été déclenchée suite aux aveux de Tullio Ours, ex-dirigeant de la Saipem-Algérie. Tullio Ours est considéré «comme un bouc émissaire que sa hiérarchie voulait liquider» estime le journal. Dans ce contexte, M.Ours a dévoilé au parquet d’avoir, entre autres, assisté aux «rencontres tenues parfois entre Varone et l’intriguant Farid Bedjaoui ainsi que les représentants des deux entreprises syriennes Lead et Ouais ainsi que, en d’autres cas, entre des dirigeants de la Saipem, ceux des deux entreprises syriennes citées et même le trésorier de Khelil».
Ces rencontres se sont déroulées à l’hôtel Bulgares de Milan. Après chacune de ces rencontres, M.Varone ordonnait de rajouter 3% de plus sur les prix, déjà exagérés, des contrats de Lead et Ouais. Ce «surplus» dégagé était destiné à payer les intermédiaires. Les juges milanais soulignent que le Lead est un groupe syrien qui a obtenu une commission de l’ordre de 850 millions d’euros versée par le Saipem en Algérie. «Ouais qui était à la base une simple et petite société familiale de construction jusqu’en 2006 s’est subitement transformée, entre 2007-2008 en société de grande envergure, Ouais Group Engineering and Contracting (Ogec), groupe d’ingénierie pétrolière basé à Dubaï et Beyrouth. Ce groupe a encaissé 623 millions d’euros de la Saipem en Algérie. La moitié du capital de l’Ogec appartient aux frères Bassam et Ghassam Ouais, 48% sont inscrits au nom du trésorier-prête-nom habituel de Farid Bedjaoui. Et le 1% restant appartient au directeur financier de l’Ogec, un Italien et ancien dirigeant de la Saipem. Les enquêtes menées sur les comptes étrangers ont, en outre, révélé que les mêmes sociétés syriennes ont «directement versé plusieurs millions d’euros à Bedjaoui», et des pots- de-vins prélevés sur le pétrole algérien. Outre la surfacturation des contrats, les magistrats supposent que «le système des sous-traitants» servit aussi à faire rapatrier l’argent de la corruption en Italie. A ce stade de l’enquête, tant M.Ours que M.Varone, ont admis avoir reçu plus de cinq millions d’euros de la part de Farid Bedjaoui. M.Ours a ajouté qu’en 2012, soit avant l’éclatement de ce scandale de corruption, M.Varone lui avait confié que son supérieur hiérarchique lui avait ordonné de se déplacer à Dubaï pour clôturer le compte de l’Ogec, dans les coffres duquel, la maison syrienne dispose d’un coffre-fort secret contrôlé également par des dirigeants italiens.
Le scandale Saipem-Sonatrach se révèle au fur et à mesure qu’avance l’enquête. Un véritable puzzle-gigogne.