Ambitionnant de relancer le projet, qui lui est très cher, en l’occurrence l’Union pour la Méditerranée, le patron de l’Élysée a fait appel à un chevronné à la tête de sa diplomatie, dont la réputation est loin d’être appréciée dans la rive sud, et particulièrement en Algérie, car son premier passage à ce poste de 1993 à 1995 était loin d’être positif.
Dans l’espoir de redorer le blason de sa diplomatie ternie par les relations peu glorieuses de sa ministre des Affaires étrangères, Michèle Alliot-Marie, avec l’ancien régime tunisien, le président français a remanié le gouvernement Fillon à travers trois changements, dont le plus en vue est celui du retour d’Alain Juppé au Quai d’Orsay. Si l’arrivée de Claude Guéant au ministère de l’Intérieur peut être considérée comme encourageante, en raison de sa position plus équilibrée vis-à-vis de l’Algérie et de la possibilité d’avancer dans certains dossiers, tels que la coopération sécuritaire ou les visas, il risque de ne pas en être de même avec l’ancien-nouveau chef de la diplomatie française.
Un changement de la position de l’Algérie dans le projet de l’Union pour la Méditerranée, qui tient à cœur à Nicolas Sarkozy, est peu envisageable. En effet, le maintien de la même politique française, chose que devrait faire Juppé, dans ce cadre de la gestion du dossier UPM, ne risque pas de modifier la vision d’Alger, dont l’ambition est bien plus grande que celle à laquelle Paris veut la limiter.
L’Algérie veut être un élément moteur, alors que Sarkozy, pensant certainement, mais à tort, car les récents évènements en Afrique du Nord l’ont désavoué, que la stabilité était beaucoup plus du Caire avec comme allié Hosni Moubarak. Sur ce plan, Alain Juppé aura du mal à faire avancer le dossier, en raison de ses positions tranchées sur ce qui touche à l’Algérie. L’on se rappelle de son premier passage au Quai d’Orsay entre 1993 et 1994, une période très difficile pour l’Algérie, qui faisait face à l’hydre terroriste.
Non seulement, il n’a rien fait pour venir en aide à l’Algérie, mais il a fait en sorte qu’elle soit totalement affaiblie et isolée. Alain Juppé a été l’un des fervents défenseurs de l’embargo imposé à Alger en matière d’armes et de matériels de lutte contre le terrorisme, tout en contribuant à réduire à néant le projet de coopération sécuritaire entre la DGSE et le DRS, qui aurait permis de juguler l’action terroriste dans les deux pays.
L’on se rappelle encore des attentats qui avaient secoué, en 1995, la capitale française. Il a, bien sûr, enfoncé le clou dans l’affaire de l’assassinat par le GIA des moines de Tibhirine, en voulant, coûte que coûte, faire endosser le crime aux services de sécurité algériens. S’il est dans cette même logique, Alain Juppé aura des difficultés à améliorer les rapports algéro-français.
Mais, reste à savoir que désire vraiment Nicolas Sarkozy, qui donnait l’impression dans son annonce de remaniement du gouvernement de vouloir aller vers une meilleure image de la France à l’étranger, particulièrement dans la rive sud de la Méditerranée ? Il va falloir mettre les bouchées doubles pour faire oublier les propositions d’aide à la répression faites par Michèle Alliot-Marie, au début de la révolte contre le régime de Ben Ali, à Tunis et à Alger sur un ton de tutelle.
Le limogeage déguisé de cette dernière, obligée de présenter une démission, laisse donc penser qu’il y a une volonté de mieux faire, dans le cadre d’une “ère nouvelle” dans les relations avec les régimes arabes, comme l’a déclaré Sarkozy dans son allocution. La diplomatie, qui est devenue ces dernières semaines un enjeu de politique intérieure, à 14 mois de la présidentielle française de 2012, sera une carte maîtresse entre les mains du patron de l’Élysée s’il se représente. Redoutant un flux migratoire sans précédent vers la France et l’Europe de manière générale, tel que l’indique sa phrase : “Nous savons ce que pourraient être les conséquences de telles tragédies sur des flux migratoires devenus incontrôlables et sur le terrorisme.” Nicolas Sarkozy appelle à un sommet spécial de l’Union européenne sur la situation en Libye. Aussi, la France, qui affirme qu’elle va “accompagner, soutenir, aider les peuples qui ont choisi d’être libres”, devra, cette fois, s’appliquer et regarder bien où elle met les pieds pour ne pas se tromper de vis-à-vis.