Le président français Nicolas Sarkozy a imputé vendredi une partie des problèmes d’insécurité de la France à une immigration «insuffisamment régulée», ce qu’il n’avait jamais fait jusqu’ici, du moins aussi nettement.
Lors d’un déplacement à Grenoble, il a menacé de déchoir de la nationalité française toute personne d’origine étrangère qui porterait atteinte à la vie d’un policier, d’un gendarme ou de tout autre représentant de l’autorité publique. Dans un discours à la préfecture de l’Isère,
à l’occasion de l’installation du nouveau préfet, l’ex-policier Eric Le Douaron, le président Sarkozy a mis en cause un échec du modèle français d’intégration de la population d’origine immigrée. «Nous subissons les conséquences de cinquante années d’immigration insuffisamment régulée, qui ont abouti à un échec de l’intégration», a-t-il déclaré.
«Nous sommes si fiers de notre système d’intégration ! Peut-être faut-il se réveiller pour voir ce qu’il a produit», a-t-il ajouté. En mêlant insécurité et immigration,
Nicolas Sarkozy, au plus bas dans les sondages de popularité et en quête d’un nouveau souffle à 21 mois de l’élection présidentielle de 2012, a empiété sur un terrain qui est traditionnellement, en France, celui du Front national et de l’extrême droite. «Je ne me suis jamais laissé intimider par la pensée unique», a-t-il souligné.
Il a ainsi jugé «invraisemblable» que des jeunes de la deuxième ou troisième génération se sentent moins français que leurs parents ou que leurs grands-parents immigrés.
Tout clandestin doit être reconduit dans son pays, a-t-il réaffirmé, annonçant que le gouvernement allait évaluer les droits et les prestations auxquels ont aujourd’hui accès les étrangers en situation irrégulière en France. «Une situation irrégulière ne peut conférer plus de droits qu’une situation régulière et légale», a fait valoir Nicolas Sarkozy, qui a également annoncé une «importante réforme» pour améliorer la lutte contre l’immigration irrégulière.
Le gouvernement va d’autre part «réévaluer» les motifs pouvant donner lieu à la déchéance de la nationalité française, a-t-il dit, sans préciser jusqu’à quelle génération et pour quels pays d’origine cela pourrait s’appliquer.
«La nationalité française doit pouvoir être retirée à toute personne d’origine étrangère qui aurait volontairement porté atteinte à la vie d’un policier, d’un militaire, gendarme ou de toute autre personne dépositaire de l’autorité publique», a-t-il expliqué. «La nationalité française se mérite et il faut pouvoir s’en montrer digne.»
Le chef de l’Etat français a également souhaité que l’acquisition de la nationalité française pour un mineur délinquant ne soit plus automatique au moment de sa majorité. Parmi d’autres mesures,
Nicolas Sarkozy a annoncé que les peines plancher, jusqu’ici réservées aux multirécidivistes, seraient étendues à partir du 7 septembre à toutes les formes de violence aggravée, notamment contre les personnes dépositaires de l’autorité publique.
Il a souhaité le développement du champ d’application du bracelet électronique pour mieux contrôler et surveiller les délinquants quand ils ne sont pas en prison. Il a rappelé qu’il avait demandé à la ministre de la Justice, Michèle Alliot-Marie, de préparer «sans tabou» une «réforme profonde» du droit pénal applicable aux mineurs.
Le gouvernement prépare déjà un texte qui permettra de mettre la responsabilité des parents en cause. «Les parents manifestement négligents pourront voir leur responsabilité engagée sur le plan pénal», a-t-il précisé.
Un député PS dénonce une «fuite en avant»
Le secrétaire national du Parti socialiste en charge de la sécurité, Jean-Jacques Urvoas, a dénoncé vendredi un discours «contraire aux principes d’égalité devant la loi» et une «fuite en avant» après les propos tenus par Nicolas Sarkozy à Grenoble sur l’immigration et les délinquants français d’origine étrangère.
«Je ne comprends pas ce discours, je ne veux pas l’entendre parce qu’il me paraît contraire aux principes d’égalité devant la loi», a déclaré le député PS du Finistère Jean-Jacques Urvoas, joint par téléphone par l’Associated Press. «Qu’est-ce que vous faites d’un Français qui tue un policier et qui est français depuis 15 générations ?» «Il y a des règles qui sont valables pour tous les Français.
On n’est pas français d’origine étrangère, il n’y a pas les Français depuis longtemps et puis les Français depuis pas très longtemps ; «on est français ou on n’est pas français».
Précisant avoir le sentiment que Nicolas Sarkozy «parle pour dissimuler un échec», Jean-Jacques Urvoas a souligné avoir eu l’impression en écoutant le chef de l’Etat qu’il n’avait «pas été ministre de l’Intérieur et n’était pas président de la République».
Il a tenu un discours d’un «candidat d’une droite extrêmement affirmée», a-t-il ajouté, notant une «contradiction évidente entre son appel à transcender les frontières politiques et le cœur de son discours», «extrêmement conservateur, avec le mauvais aspect du conservatisme» car «on en revient au discours de la campagne électorale sur l’identité nationale».