Sarkozy-Hollande, le débat qui ne changera rien

Sarkozy-Hollande, le débat qui ne changera rien

Le fameux duel télévisé de l’entre-deux-tours a lieu ce soir. Comme beaucoup de Français, vous allez évidemment le suivre, mais vous n’en attendez rien de spécial. Votre parti pris : le débat Sarkozy-Hollande ne changera rien. Vous en êtes sûr ?

Oui, mais je m’empresse de dire que ma certitude ne préjuge pas du résultat de l’élection. Simplement, ne croyez rien des sondages qui assurent que beaucoup d’électeurs n’ont pas fait leur choix – et encore moins de ceux qui prétendent qu’ils comptent sur ce débat pour les y aider. En fait, la plupart des Français savent pour qui ils vont voter. Et que ce face-à-face télévisé est plus un rituel médiatique qu’un tournant politique. En général, on explique toujours juste après l’émission que les deux candidats ont fait match nul – et après coup, que c’est celui qui est élu qui avait gagné le débat. La réalité, c’est que c’est un exercice qui est trop mis en scène, trop formaté, trop millimétré pour qu’il s’y passe vraiment quelque chose.

Pourtant, on peut être sûr que des millions de Français vont le regarder.

Bien sûr, parce que c’est un spectacle. Un moment de tension et d’émotion, pas un moment de vérité. Ce que les Français vont guetter, c’est le mot qui fait mouche, la formule assassine – comme le fameux « vous n’avez pas le monopole du coeur » de Giscard à Mitterrand en 1974 – ou même une hésitation, un bredouillement, un lapsus. Parce que la forme du débat empêche la spontanéité, avec des journalistes qui passent les plats, les candidats qui déroulent des argumentaires appris par coeur et des images négociées d’avance entre les deux camps – comme au temps de l’ORTF. En plus, Nicolas Sarkozy et François Hollande, chacun dans son style, ont cherché durant toute la campagne à maîtriser leur discours, en passant leurs arguments au tamis du marketing politique. Ils vont encore le faire ce soir. Le spectateur peut y trouver son compte, pas le citoyen.

Est-ce que, dans sa situation, Nicolas Sarkozy – qui a du retard dans les sondages – n’est pas obligé de prendre des risques pour marquer des points ?

Il va devoir trouver un dosage entre la combativité et l’agressivité, face à un François Hollande qui essaiera d’esquiver les coups et de les retourner contre lui. On risque de voir le combat d’un boxeur contre un judoka. Le problème pour Nicolas Sarkozy, c’est qu’il manque d’entraînement. Il a été un redoutable débatteur, parce qu’il a la passion de convaincre et qu’il aime l’affrontement. Mais depuis cinq ans, il ne s’est confronté qu’à lui-même. Il s’est coulé dans le présidentialisme, en choisissant ses moments et ses intervieweurs ; et il s’est égaré dans ses changements de registre, de style et de stratégie. À l’arrivée, il a en quelque sorte trop débattu avec lui-même, et pas assez avec les Français. Si bien que ce sera ce soir son premier duel face à un adversaire politique. Et peut-être le dernier.