Les dernières déclarations de Nicolas Sarkozy sont-elles le prélude à d’autres interventions militaires françaises dans la région du Sahel ? Le président français, qui a promis de venger la mort de Michel Germaneau
semble décidé à en découdre avec l’Aqmi, quitte à fouler au pied la souveraineté des Etats de la région, et transgresser, dans la pure tradition coloniale, toutes les lois et conventions internationales.
Le branle-bas de combat observé au plus haut sommet de l’Etat français depuis la confirmation de l’exécution de l’otage français par ses ravisseurs a de quoi inquiéter l’opinion publique française. Celle-ci s’interroge sérieusement sur la signification des propos de Sarkozy qui a affirmé, à l’annonce de la mort de l’ingénieur, que «le crime ne restera pas impuni». La France va-t-elle s’impliquer directement dans la lutte antiterroriste au Sahel ? Et quelle forme pourrait prendre son engagement aux côtés des pays qui ont autorisé des unités d’élite françaises à opérer à partir de leur territoire ?
Si tel sera le cas, et on n’en doute pas, les troupes françaises, déjà présentes dans la région, notamment en Mauritanie et au Mali, soi-disant pour initier les armées de la région aux techniques de la lutte antisubversive, devront être appuyées par d’imposants renforts en moyens humains et matériels. Une éventualité qui n’est pas pour déplaire aux gouvernements «amis» qui s’attendent en retour à de substantiels «dédommagements»… et à des aides alimentaires en vue de combattre la famine qui touche de larges pans de leurs populations.
Ce n’est donc pas sans raison que le docteur Kouchner a repris son bâton de pèlerin à l’effet de convaincre les gouvernements du Mali, du Niger et de la Mauritanie d’adhérer à la démarche de Sarkozy, et ce faisant, de permettre à la France de reprendre pied dans une région qui lui est traditionnellement acquise et où elle dispose d’immenses intérêts.
La rencontre prévue aujourd’hui à Matignon, qui devrait regrouper les membres du bureau de la commission des affaires étrangères du Parlement avec le Premier ministre, participe de la volonté du chef de l’Etat français de faire partager sa décision avec les membres influents de son mouvement politique.
Un large consensus politique est nécessaire pour convaincre l’opinion d’une intervention armée à l’étranger, qui plus est dans une région à risques, mais où cependant les intérêts stratégiques de la France sont en jeu.
Il ne faut pas être grand clerc pour deviner que ce sont principalement les ressources énergétiques et minières qu’exploitent ses multinationales, au détriment des populations locales, bien entendu, qui ont fait réagir la France. L’otage français n’est en fait qu’un alibi, et la décision d’envoyer la soldatesque française guerroyer en terre d’Afrique obéit plus à la crainte
d’un assèchement des approvisionnements en uranium, entre autres, qu’à une volonté de rendre justice à un vieillard sans famille. L’autre raison que nous ne saurons taire, c’est cette volonté de contrecarrer les efforts de l’Algérie et des autres gouvernements impliqués dans la lutte contre le terrorisme de prendre leur destin en main.
A. Laïb