Santé : Vers une redéfinition du principe de la gratuité des soins

Santé : Vers une redéfinition du principe de la gratuité des soins

Le 1er ministre a esquissé pour la première fois, jeudi dernier, une redéfinition du principe de la gratuité des soins sur lequel a toujours reposé le système de santé publique.

Il l’a fait lorsqu’il a visité «Athéna», le premier centre anti-cancer privé construit à Constantine. Ses responsables précisent que «c’est le seul centre qui assure des traitements innovants de type IMRT et VMAT-RapidArc.» Ils affirment qu’ «il s’agit d’une avancée thérapeutique majeure parce que ce sont des traitements plus efficaces et nettement moins toxiques que les techniques conformationnelles classiques.»

Mais, «tout ça coûte excessivement cher,» relèvent les spécialistes. La réflexion est donc désormais ouverte sur la réorganisation et la redéfinition des mécanismes de financement du secteur de la santé. «Il faut qu’on trouve une médecine pour les gens qui peuvent payer et une médecine pour ceux qui ne le peuvent pas,» a avancé d’emblée le 1er ministre lors de sa visite du centre anti-cancer. Il veut «une médecine de même qualité» pour les uns et pour les autres. «Le moment est venu pour l’Etat pour ne pas tout prendre en charge, il faut qu’on trouve un terrain d’entente (public-privé ndlr), les cliniques privées sont pour les riches, l’Etat doit s’occuper des gens modestes,» avait-il encore dit quand il a inspecté les réalisations et évaluer les perspectives 2015-2019 du groupe pharmaceutique Saïdal. «Cela nous coûte trop cher d’importer des médicaments anti-cancer, il faut aller vers la biotechnologie, aller à la cellule souche, et la traiter, c’est le médicament de l’avenir,» a-t-il recommandé. Sellal demandera au groupe public Saidal «d’assurer au moins 30% des besoins du pays en médicaments.» Il évoquera «le grand projet que nous avons avec les Américains» et dira au PDG de Saidal «si vous pouvez aller avec eux, allez-y.» Sellal dévoilera par ailleurs, la décision du gouvernement de céder les pharmacies publiques «à des professionnels ou dans le cadre de l’ANSEJ à des jeunes qu’on aura formé.» L’Etat, pour lui, «doit s’occuper de la production de médicaments.»

Du côté des spécialistes, le message du 1er ministre est clair même s’il ne s’est pas donné le temps nécessaire pour l’expliciter. «Dans des conditions d’émergence du secteur privé, il faut que l’environnement s’y prête pour que les malades du cancer et autres maladies chroniques notamment soient bien pris en charge, qu’ils soient riches ou pauvres, dans les structures publiques ou privées,» disent-ils. Ces spécialistes notent cependant, que la cherté de l’acte médical et des traitements dans les cliniques privées empêche les classes moyennes d’y accéder. Et en parallèle, les structures publiques sont saturées parce que la demande dépasse l’offre. «Les privés veulent bénéficier d’un conventionnement avec les caisses de la sécurité sociale (CNAS) pour leur permettre d’ouvrir les portes de leurs cliniques à tous les malades dans le cadre du tiers payant», nous explique-t-on. Il est vrai qu’il est soutenu par tous les responsables que le privé doit participer dans la prise en charge des malades «il doit participer au soulagement des malades, apporter un plus pour qu’il puisse profiter à tous.» Mais selon nos interlocuteurs, le conventionnement du privé avec la CNAS n’est pas possible parce qu’affirment-ils «il va provoquer la faillite de ses caisses.» Ils ne manquent pas de rappeler que l’Etat a décidé récemment d’instaurer des vases communicants entre la CNAS et la CNR (caisse nationale des retraites) pour pouvoir assurer les pensions de ses assurés. Ils estiment qu’il devient impératif aujourd’hui de revoir les mécanismes de financement du système de santé dans son ensemble. Les spécialistes conseillent de réfléchir sur d’autres produits d’assurances. «Publics et privés doivent penser à créer l’assurance économique parallèlement à l’assurance maladie pour que tous les malades puissent accéder aux soins que ce soit dans les structures publiques ou les cliniques privées,» soutiennent-ils. C’est à «une nouvelle stratégie d’assurance maladie» qu’ils appellent pour que les malades chroniques notamment n’attendent pas d’hypothétiques traitements au niveau du public. Pour eux, la libération du secteur privé est nécessaire «pour lui donner la possibilité de se développer.» Mais l’Etat se doit de réfléchir, avant toute chose «à mettre en place une assurance économique pour soutenir l’assurance maladie.» Si le principe de la gratuité des soins doit être repensé, il doit l’être, affirment les spécialistes «sur des bases saines.» Ceci pour éviter, disent-ils, «de retomber dans une médecine à deux vitesses.»