Sans grandes commémorations, sans hommage aux martyrs , Qu’avons-nous fait du 1er Novembre?

Sans grandes commémorations, sans hommage aux martyrs , Qu’avons-nous fait du 1er Novembre?

Malheureusement, la jeunesse semble ignorer les valeurs de la Révolution, et ne pas connaître grand-chose des sacrifices consentis…

La commémoration du 1er Novembre 1954, date du déclenchement de la lutte armée pour la libération de l’Algérie, n’existe pratiquement plus. Entre des réceptions plus ou moins élitistes et quelques mouvements de caméra autour d’un dépôt de gerbes de fleurs, la mémoire est aussi vite congédiée qu’elle aura été furtivement consacrée. Pour la forme, presque par contrainte. En tout cas, de moins en moins par conviction. Depuis plusieurs années, le 1er novembre qui fut, avec l’épopée du Vietnam, une page glorieuse pour le monde entier, tend donc à s’estomper, dans une discrétion petit à petit avouée.



A croire qu’il s’agit d’un événement honteux et confus, alors que sa symbolique demeure encore vivace chez un grand nombre de citoyens. Oubliés les martyrs qui, bradant leurs biens et leur existence même, ont sacrifié sur l’autel de l’indépendance les rêves de leur jeunesse pour que vive l’Algérie?

Oubliés les enfants de Novembre, Larbi Ben M’hidi, Didouche Mourad, Mostefa Ben Boulaïd, Krim Belkacem, Mohamed Boudiaf et tous les autres? Les centaines de milliers de torturés, les charniers découverts jusqu’à une date récente, le million et demi de martyrs parlent de la grandeur de la Révolution algérienne qui n’a aucune commune mesure avec les «Révolutions» conjoncturelles. Malheureusement, la jeunesse semble ignorer les valeurs de la Révolution, et ne pas connaître grand-chose des sacrifices consentis, parents, enfants, terres et biens, études pour qu’elle puisse bénéficier du vent de la liberté, des bancs de l’école et du sens de la justice sociale. Car c’est à cette fin première que le 1er Novembre fut destiné et tous ceux qui embrassèrent avec foi et détermination le message, tous ces militants et partisans de l’Algérie libre tombés par milliers ont le droit, depuis 1962, à la reconnaissance et au respect de ce peuple.

Parce qu’il leur doit sa dignité recouvrée et sa place dans le concert des nations. Comme aussi tous les acquis depuis 1962 en termes de scolarisation, de développement socio-économique et de capacité à préserver la République de toutes les tentatives de sape. Est-ce pour cela que, lentement mais sûrement, le symbole est gommé par petites touches jusqu’à le rendre à la fois abscons et incertain dans sa grandeur et dans ses objectifs? Aujourd’hui, les signes de mauvais augure sont multiples et inquiétants.

Des moudjahidine qui ont marqué l’histoire du pays s’invectivent joyeusement, et se lancent à la figure des faits et méfaits à ternir pour longtemps l’image de marque de tout un combat. Est-ce par hasard? Se peut-il que de telles dérives obéissent à la seule inconscience de leurs auteurs? Voire.

Ces joutes n’honorent guère quiconque s’y adonne et ne peuvent participer de la geste du 1er Novembre dont elles sont censées cultiver la mémoire, à défaut de l’encenser.

L’urgence est, au contraire, à une lutte commune contre l’oubli, à une mobilisation solidaire contre tout ce qui participe de cette démarche insidieuse de banalisation d’une date qui est notre 14 juillet! Plus de défilé militaire, plus de joutes et de tournois à travers tout le pays, plus de grandes parades mobilisant toute une jeunesse contre l’oubli: qu’à cela ne tienne, les chouhada ont investi ce peuple d’une mission sacrée, celle du souvenir et qu’importe les raisons pour lesquelles on se réfugie dans le silence, sinon le refus.

Bien sûr que toutes les Révolutions ont leur part de trahisons, de subterfuges, de tromperies. Confucius avait averti, à son époque, que «les sages pensent la Révolution, les fous la font et les lâches en profitent». Un adage pour tous les lieux et pour tous les temps. Mais le prétexte ne saurait peser pour justifier l’abandon du devoir de mémoire envers les martyrs, le révisionnisme latent qui semble guetter leur combat. Il n’existe aucun avenir pour une nation qui renierait son passé et surtout son histoire.

En ces temps de grandes incertitudes, de manipulations, de désordre mondial et de terrorisme qui marquent le renouveau de l’idéologie coloniale sous des formes plus viles et plus avilissantes, et quels que soient les vents contraires, l’urgence pour notre pays est de se draper, haut et fort, dans la fidélité au million et demi de chouhada: «Et nous faisons le serment que vivra l’Algérie»…