Le passage au payement électronique, la numérisation du registre du commerce, de la carte fiscale, ont été des mesures qui ont sérieusement secoué la citadelle de l’informel.
Le climat de tension, d’inquiétude et d’angoisse entretenu et relayé par les réseaux sociaux à travers le pays a ses inspirateurs, ses promoteurs et ses lobbys. Il s’agit de la nébuleuse de l’informel. L’Algérie est prise en otage, le danger est réel. Prenant comme alibi les augmentations de certaines taxes contenues dans la loi de finances 2017, le monstre s’est réveillé exactement comme au début de l’année 2011, quand l’Etat a «osé» institué une obligation de payement par chèque pour les transactions dépassant les 500.000 DA.
La décision était transparente pour les acteurs de l’informel et des émeutes éclatent dans certains quartiers de la capitale. Cette protestation vite étouffée, intervenant en plein printemps arabes, a failli engendrer le pire. Pour cette année, 2017, quels sont les ingrédients du complot? Qu’este ce qui a brusquement réveillé ce montre de l’informel? Dans le cadre de la modernisation de l’administration, l’Etat a émis une batterie de mesures qui permettent de lutter efficacement contre l’informel sans l’affronter directement.
Le passage au payement électronique, numérisation du registre du commerce, de la carte fiscale, le forcing de la Cnas et de la Casnos envers les employeurs les incitant à déclarer leurs travailleurs font partie de mesures qui mettent en péril cette nébuleuse. Les premières fissures dans la citadelle de l’informel apparaissent avec l’informatisation du registre du commerce. Désormais, toutes les informations nécessaires concernant les commerçants seront automatiquement enregistrées. Cette décision est renforcée par l’émission de la carte d’identité biométrique et si on ajoute la carte fiscale électronique, c’est l’étouffement garanti pour l’informel.
La mesure mettra fin à toutes les formes de fraude commerciale et rendra la tâche plus facile à l’administration et aux agents de contrôle, notamment ceux du fisc et du ministère du Commerce. Il y a évidemment l’entrée en vigueur, en 2015, de l’obligation du paiement par chèque des transactions de l’immobilier et l’achat de véhicule, à partir de seuils de 5 millions de dinars et 1 million de dinars respectivement, mais dont l’effet reste marginal tant que la mesure du payement par chèque n’a pas été généralisée. Cependant ce qui risque à terme de donner le coup de grâce est l’entrée en vigueur du payement électronique.
Ce procédé moderne garantit la traçabilité des transactions et donc coupera carrément l’artère qui irrigue l’informel. Ce sont ces ingrédients qui ont fait réagir les barons de l’informel prêts à brûler le pays. De menace pour l’économie nationale, ils sont devenus un péril pour la sécurité et la stabilité du pays. Ce n’est pas sans raison que l’actuel directeur de cabinet à la présidence de la République Ahmed Ouyahia a avoué en 2011, lors des émeutes de l’huile et du sucre, publiquement à la télévision: «Il est difficile de les combattre, car les combattre frontalement, c’est la stabilité du pays qui est remise en cause.» Il n’est pas le seul à faire cet aveu d’ailleurs, puisque tous les experts sont unanimes à dire qu’une tentative brutale de renversement de la situation risquerait de créer des tensions sur le marché, mais aussi au plan social.
La problématique du secteur de l’économie informelle est souvent posée de façon isolée par rapport à l’ensemble de l’économie nationale. «C’est une question qui appelle à des réformes structurelles globales qui sont censées toucher les aspects politiques, économiques et sociaux de la gouvernance», note le professeur Abderahmane Mebtoul expliquant que les différents gouvernements qui se sont succédé depuis plus d’une quinzaine d’années ont pris la question trop à la légère. «Ils n’ont fait qu’accabler par le discours ce genre d’activité, tout en travaillant, volontairement ou non, à son maintien et à sa prospérité.» Une démarche qui a retardé une profonde mutation politique, économique et sociale. Ebranlé par la crise pétrolière et donc contraint d’en finir avec l’informel de l’économie pour trouver un début de solution à la crise financière, le gouvernement bute face à un gigantesque engrenage mafieux.