Salaires, rente et stratégie de pouvoir

Salaires, rente et stratégie de pouvoir
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Ouyahia expliquait hier que, pour affronter la crise, “les Algériens doivent travailler”. Il avait la même conviction, il y a neuf ans. En janvier 2006, alors que les salaires stagnaient depuis des années et que le pétrole connaissait un pic de production, il émettait cette sentence : “Il est inconcevable de prendre des risques quant à l’utilisation des revenus générés par les hydrocarbures pour répondre à des besoins qui, même pressants, ne sont pas légitimes, contrairement à ce que le citoyen s’est habitué à entendre de la part de certains responsables au sein de l’Exécutif.” Il expliquait alors que toute augmentation devait “obéir aux normes du modèle mondial, à savoir la croissance, l’inflation et la rentabilité”.

Un mois plus tard, le 24 février, Bouteflika apportait son soutien à la position du chef du gouvernement d’alors. Tout en reconnaissant le droit des travailleurs à revendiquer, il déclarait : “Gardons-nous, en cette période d’aisance financière, de toute tentative de céder une nouvelle fois aux sirènes de la démagogie, du laxisme et de l’affairisme débridé, alors que la conjoncture actuelle du marché des hydrocarbures risque de se renverser à tout moment !”

Ces propos du Président, tenus il y a plus de neuf ans, montrent que la situation actuelle n’est pas le résultat d’une inadvertance !

Le SNMG fut tout de même porté de 10 000 à 12 000 DA en janvier 2007. Mais le changement de doctrine aura lieu à la fin de l’été 2008. La décision de Bouteflika de se présenter à un troisième mandat venait d’être prise. Dès septembre 2008, une ordonnance vient tripler les salaires… des députés et sénateurs. Ce sont eux qui prendront la responsabilité d’enterrer l’acquis constitutionnel d’alternance au pouvoir et de voter l’abrogation de l’article limitant le nombre de mandats présidentiels.

Désormais, les transferts sociaux connaîtront une ère de gestion strictement politique. Seront revalorisées, en cascade, les rémunérations des cadres, des corps constitués, des administrations et du secteur public en général. Des crédits agricoles sont effacés et le pouvoir abuse du gré à gré au profit d’“entrepreneurs engagés”… La manne pétrolière, logiquement vouée au développement économique et social du pays, se transformera en trésor de guerre politique.

Et Ouyahia trouvera les mots pour justifier cette gestion politicienne des finances publiques. En 2011, à ceux qui s’étonnaient des augmentations dans le secteur de la santé, il répliquait :  “La paix sociale n’a pas de prix.” Après plus de neuf ans d’errance stratégique, la fin de l’embellie le contraint de revenir à sa rationalité originelle.

Pourtant, il était prévisible qu’à terme, la démarche était insoutenable. Le Président prédisait, en 2006 déjà, que “la conjoncture actuelle du marché des hydrocarbures risque de se renverser à tout moment”.