Salah Mouhoubi: « Prêter au FMI est plus sûr qu’un placement dans une banque qui peut faire faillite »

Salah Mouhoubi: « Prêter au FMI est plus sûr qu’un placement dans une banque qui peut faire faillite »
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Pour l’économiste algérien Salah Mouhoubi, la décision de l’Algérie d’accorder un prêt au FLM est une « décision mature » qui lui permettra d’améliorer son image de marque internationale et, partant, d’encourager l’investissement étranger dans son économie. Contenir la crise dans les Etats industrialisés, estime-t-il, bénéficiera à terme aux pays exportateurs de matières premières.

L’Algérie a décidé de prêter au Fonds monétaire international (FMI) 5 milliards de dollars en vue de renforcer ses capacités de financement et de l’aider à voler au secours des pays en difficulté. Quelle lecture en faites-vous ?

Salah Mouhoubi : En tant qu’Etat-membre du Fonds monétaire international (FMI), l’Algérie a toujours entretenu de bonnes relations avec cette institution, même pendant la période difficile où elle a dû passer par elle en vue de rééchelonner sa dette. Sa situation, depuis cette époque, s’est améliorée. Elle est devenue une puissance financière et se classe aujourd’hui parmi les 15 pays ayant les plus importantes réserves de change. Le FMI a subi de plein fouet la crise financière mondiale ; ses capacités d’intervention, que ce soit dans les pays en crise en Europe ou dans les pays en développement, se sont avérées limitées. C’est la raison pour laquelle il s’est engagé dans des négociations bilatérales, notamment dans le cadre du G20, afin d’obtenir plus de ressources de la part des membres qui disposent de capacités financières.

Ce n’est pas la première fois que le FMI sollicite notre pays: il l’a fait, par le passé, mais ses demandes sont restées sans suite. Aujourd’hui, la situation est très sérieuse dans les pays européens qui sont un des moteurs de l’économie mondiale. Quand l’Europe est en crise, c’est le monde entier qui connaît des difficultés. D’ailleurs, cela commence à se faire sentir, notamment en Chine et aux Etats-Unis d’Amérique, où la croissance est en baisse.

Notre pays a accédé à la demande de prêt du FMI. C’est un geste responsable et mature. Il ne faut pas, non plus, oublier que ce prêt est accordé sur la base de conditions, reste à voir lesquelles, ce qui signifie que l’Algérie n’encourt pas grand-chose, sinon rien au plan financier. La somme de 5 milliards de dollars sur près de 200 milliards est modique.

Concrètement, quels avantages l’Algérie va-t-elle en tirer ?

En accordant ce prêt au FMI, l’Algérie améliore son image de marque de partenaire sérieux auprès de la communauté internationale. Cela veut dire, premièrement, que c’est un pays qui possède des capacités financières certaines, et ce pourrait être un bon indice pour les investissements étrangers. Deuxièmement, sur le plan politique, elle démontre sa disponibilité à participer à la construction d’un monde plus stable, notamment sur le plan économique. Je pense que c’est un point très positif, qui servira beaucoup les intérêts de notre pays. De plus, ce prêt est rémunéré.

Concernant la qualité de l’emprunteur, en l’occurrence le FMI, est-ce une garantie de sécurité suffisante pour les placements de l’Algérie ?

Pratiquement tous les pays de la planète sont membres du FMI. Il dispose de ressources énormes et de moyens d’intervention très importants. Ce n’est pas une banque qui risque de s’écrouler subitement ! Il peut connaître des difficultés financières passagères, par exemple pour financer des programmes de coopération avec des Etats-membres, mais il ne s’écroulera pas ! Même si l’Algérie refusait de lui prêter ces 5 milliards de dollars, il n’en serait pas réellement affecté.

Prêter au FMI présente plus de sécurité que des placements dans une banque internationale qui, elle, put faire faillite. Ce qui est sûr, c’est que c’est un prêt accordé avec des garanties et des conditions claires. Et surtout, il ne mettra pas l’Algérie en difficulté sur le plan financier.

Un élément qui pourrait être utilisé par les opposants à ce prêt: le fait qu’il ira renforcer des capacités d’intervention du FMI notamment dans la zone euro, autrement dit dans des pays riches. Or, le redressement des économies occidentales, qui sont un des moteurs de l’économie mondiale, permettra d’encourager la demande mondiale sur les matières premières. Donc ce ne peut être que bénéfique pour les pays producteurs de matières premières, à l’instar de l’Algérie.

De pays débiteur l’Algérie devient créancière. Il y a vingt ans, c’était inimaginable…

A l’époque, l’Algérie était quasiment en situation de cessation de paiement. Nous avions une économie complètement délabrée. Nous étions dans un système d’économie dirigée. Si vous sollicitez, dans ces conditions, le FMI, il est clair qu’il vous imposera des conditionnalités dans le but de changer votre système économique. Et c’est ce qui nous est arrivé puisque nous avons procédé à la libéralisation de notre économie. Pour obtenir des prêts, il nous fallait y mettre de l’ordre en ayant une politique budgétaire et économique rigoureuse. C’est ce qui nous a permis, par ailleurs, de bénéficier de rééchelonnement et, progressivement, de rétablir les équilibres les déficits internes et externes, notamment les équilibres financiers.

Entretien réalisé par Rayane Djerdi