Grosse pointure du FLN avec cependant la discrétion qui le caractérise, Salah Goudjil, presque octogénaire et actuel acteur majeur du «Mouvement de redressement et de l’authenticité», nous reçoit chez lui. Thé et dattes comme de tradition. Plutôt zen malgré la tournure prise dans sa confrontation avec l’actuel secrétaire général du FLN, «guéguerre» qui boucle sa première année, les accusations incendiaires des uns et des autres, il nous livre sa version des tenants et des aboutissants de cette crise, la énième du genre, dans la maison du vieux parti.
A l’exception d’une rencontre avec Abdelaziz Belkhadem qui a tourné court, chacune des deux parties en conflit campe sur ses positions. A l’offre de dialogue des «redresseurs», il serait répondu par des manœuvres visant à tuer dans l’œuf le mouvement de plus de 35 membres du comité central du FLN, des députés, des ministres et une base sans cesse élargie des militants des kasmas marginalisés. Rusé, le coordinateur national du mouvement ne se laisse pas émouvoir par la pression des événements comme les prochaines élections législatives. A défaut d’un accord, son mouvement ira au scrutin avec ses propres listes de militants FLN-indépendants ! En dépit de la rupture qui semble pourtant profonde et consommée, les jeux ne seraient pas totalement faits par rapport à un éventuel coup de théâtre dont le FLN seul sait actionner les ressorts. Mehri et Benflis se sont brûlé les ailes face à la conjuration des maîtres du coup de force. A commencer par Belkhadem qui a mené la fronde contre son prédécesseur et qui se retrouve aujourd’hui lui-même sur la sellette sous de graves accusations. Il est question d’argent sale, de postes de membres du comité central achetés à coup de centaines de millions de dinars, de nominations douteuses ou de têtes de listes négociées rubis sur l’ongle. Moins bruyants et se tenant à distance des «redresseurs», des caciques du vieux parti comme Abderrezak Bouhara et Mohamed Boukhalfa ont eux aussi exprimé leur farouche opposition à Belkhadem et le somment de partir pour avoir «porté atteinte à l’identité du FLN» comme écrit dans un document de 26 pages, véritable manifeste resté cependant lettre morte. Salah Goudjil, ancien maquisard des Aurès, ancien ministre des Transports sous Chadli pendant 7 années consécutives (1979-1986) ne survit-il que par le challenge ? N’a-t-il pas eu à gérer l’épineux problème du détournement de l’avion américain de la TWA en juin 1985 ? A côtoyer Abdelhamid Brahimi dit «Brahimi la science» qu’il qualifie de «Premier ministre catastrophe» que craignait comme la peste feu Benahmed Abdelghani, son prédécesseur. Quant à son rival Belkhadem, il voit en lui un «individu insignifiant». «Où était-il durant la guerre de Libération» ? Il ne devrait sa nomination par Boumediene que grâce à ses qualités de scribe bilingue.
B. T.
Le Soir d’Algérie : Paradoxalement, le FLN, parti au pouvoir depuis l’indépendance (jusqu’à l’avènement de l’ex- FIS), est la seule formation politique qui a connu plusieurs secrétaires généraux contrairement à beaucoup de nouveaux partis…
Salah Goudjil : Il faut rappeler que le fonctionnement du FLN est basé sur le principe de la collégialité. Ce qui fait que depuis 1962, il y a eu plusieurs secrétaires généraux. Il n’est pas la création d’une personne en particulier et n’est pas guidé par un quelconque zaïm. Il appartient à ses militants, c’est l’essence même du FLN. Il y aura d’autres à l’avenir, certainement. Notre référence c’est le peuple d’où notre slogan «Par le peuple et pour le peuple».
Le changement de premier responsable du parti FLN n’est visiblement pas le résultat du libre exercice démocratique interne. C’est toujours à la suite d’un coup de force ou «coup d’Etat scientifique» (contre Mehri) ou d’un mouvement de redressement (contre Benflis). N’est-ce pas là des mœurs politiques perverses propres au FLN qui semblent ainsi encourager la culture du coup de force ? Quelle est votre perception de cette réalité ?
C’est une question qui a son importance. Il faut remonter aux origines. Juste après les accords d’Evian et le programme de Tripoli, il a été décidé de transformer le FLN en parti politique, c’est le passage du Front au parti. On peut toujours spéculer sur les positions des uns et des autres, mais c’est la décision du Conseil de la révolution de transformer le FLN en parti politique après l’indépendance. Sur cette base allait être tenu le troisième congrès en 1964 (le premier congrès après l’indépendance) après ceux de la Soummam et de Tripoli. La première crise aura lieu le 19 juin 1965. Pourquoi ? Pour non-respect des principes du FLN, celui de la collégialité. A ce moment-là, le secrétaire général a été élu par le congrès alors qu’il aurait dû l’être par la comité central qui à son tour élit le bureau politique. Ça n’a pas été le cas. Le FLN n’a pas respecté les décisions du Congrès de Tripoli. En ma qualité de moudjahid et de militant, j’affirme que c’est cela l’origine du 19 juin 65. Ce n’était pas un coup d’Etat militaire. Durant la période Boumediene, de 1965 à 1978, le parti fonctionnait en appareil sans tenue de congrès et sans comité central. En 1967, on est revenu à la base. Boumediene avait dit, à Tizi Ouzou, que le moment était venu de reconstruire l’Etat algérien depuis la base avec les assemblées populaires communales et de wilaya. De 1969 à 1976, tout un mouvement a été enclenché dans le pays avec les trois révolutions agraire, industrielle et culturelle. Par la suite, il y aura la Charte nationale puis la Constitution suivies en 1977 des premières élections à l’Assemblée nationale. Et là le FLN a joué un rôle très important.
Aujourd’hui, c’est vous Salah Goudjil qui menez campagne pour le départ de l’actuel secrétaire général du FLN, en l’occurrence Abdelaziz Belkhadem. A croire que ce parti est frappé de malédiction avec ces crises à répétition, au grand bonheur de vos adversaires qui rient de vous ?
Non, il n’est pas frappé de malédiction. Comme je viens de le dire, le FLN appartient à ses militants et à l’histoire du pays. Il se trouve qu’il y a des sensibilités en son sein, ce qui n’est pas le cas dans les autres formations politiques. Seulement, jusqu’à une date récente, il a su les gérer pour dégager un programme, un discours politique, les grandes orientations. Il se trouve que lorsqu’une sensibilité veut s’imposer, ça ne marche pas. C’est ce qui se passe actuellement avec Belkhadem qui a une sensibilité qui n’est pas la mienne, mais voilà nous sommes militants du FLN tous les deux. Il faut arriver à un juste milieu dans le cadre du dialogue…
La culture du coup de force ?
Après la mort de Boumediene, et jusqu’en octobre 1988 et la tenue du 4e congrès, le FLN a joué son rôle durant toute cette période en parti unique dont je récuse par ailleurs le côté péjoratif de cette notion. Je veux rappeler que lors des élections communales et wilayales, nous avions établi des listes de candidats pour deux tiers FLN, le tiers restant pour les candidats-citoyens intègres ( mouatnine salihine). Cela veut dire que lorsqu’il s’agissait de responsabilité on la partageait. A cette époque, on n’entendait pas parler de société civile. On est allé plus loin en n’imposant pas de listes uniques mais en laissant le peuple choisir ses réprésentants parmi les trois candidats proposés. C’était la pratique démocratique en vigueur… Après 1989, il a été retiré au FLN tous ses biens : Palais du peuple, palais Zighout, ses militants n’émargeaient plus au plus au budget de l’Etat, ceci pour le mettre à niveau par rapport aux autres partis politiques dans le cadre du multipartisme. Le FLN a survécu malgré les aléas, puisque de minoritaire il a reconquis la majorité parce que porté par le peuple. Et nous, nous voulons qu’il reste sur cette dynamique. Et s’il perd la responsabilité, il nous incombe à nous et nous devons nous remettre en cause. C’est la démocratie qui doit aussi être à l’intérieur du parti. Pour qu’il soit respecté, le FLN doit respecter les autres partis qui peuvent demain devenir majoritaires. En définitive, il faut l’alternance du pouvoir. Nos militants doivent être éduqués dans ce sens…
Revenons aux faits du jour. Un an après le lancement de mouvement de redressement-bis, c’est le statu quo puisque apparemment les deux camps se neutralisent ou bien sont-ils dans l’impasse ?
Je dirais que nous sommes dans l’impasse. C’est le mot qui convient. Depuis notre déclaration de décembre 2011 jusqu’à aujourd’hui, nous appelons toujours au dialogue qui n’a pas abouti et ce n’est pas de notre faute. Nous avons rendues publiques les raisons.
Publiquement aussi, vous tirez à boulets rouges sur Belkhadem, il n’est pas tombé. Avez-vous sous-estimé ses capacités à faire front, voire à riposter ?
Il n’est pas tombé parce qu’aux yeux de la loi il est toujours secrétaire général du FLN.
Mais vous luttez pour son départ ?
Non, pour rendre le FLN à ses militants parce qu’il en fait ce qu’il veut, nomme comme il l’entend les membres du bureau politique…
Au vu de vos revendications et le travail de mobilisation des militants de la base, cela aurait dû rallier à vous la majorité du FLN mais ce n’est pas le cas. Pourquoi ?
Lors de la dernière réunion du comité central, 35 membres dont j’ai la liste, qui ont un grand poids dans cette instance comme Bouhara et Boukhalfa, n’ont pas assisté malgré les mensonges de Belkhadem. Ces deux personnalités ne sont pas dans notre mouvement de redressement et de l’authenticité mais sont contre lui et ils l’ont dit. Dans un esprit de dialogue, j’ai fait une proposition pour assainir cette crise par la mise sur pied d’un directoire qui remplacera la direction actuelle et qui gérera le parti sur une période déterminée. La première mission du directoire sera de concilier les militants marginalisés ou exclus au niveau local et qui éliront démocratiquement leurs structures au niveau de la kasma et de la mouhafadha, assainir le comité central des cas litigieux en conformité avec les statuts du parti. Dire à ceux qui n’ont pas 10 ans au FLN qu’ils n’ont pas le droit d’être au comité central. Cela prendra au plus un mois. Ainsi, nous irons à un congrès avec la légitimité de la base. Après cela, le congrès décidera par les urnes, démocratiquement, du choix de ses dirigeants.
Belkhadem est venu chez vous. De quoi a-t-il été question ?
C’est dans la suite de ce que je viens de dire. Oui, je l’ai reçu ici, chez moi et on avait convenu de nous revoir dans un autre endroit plus indiqué, vu que l’on ne pouvait pas parler de tous les sujets. Nous nous sommes revus une deuxième fois et nous lui avons soumis nos revendications. Pour assainir les problèmes des kasmas et mouhafadhas illégitimes ou fermées, et désigner paritairement un groupe de travail de huit personnes. Ainsi, nous remettrons le parti sur les rails…
Que vous a-t-il été répondu ?
Il m’a proposé une nouvelle rencontre au cours de laquelle j’exposerai tous ces problèmes au comité central. J’ai refusé car cela reviendrait à remettre en cause tous nos points de désaccord. Imaginez que j’y aille pour prononcer l’exclusion des éléments que nous contestons, qui peut accepter cela ? Mais je lui ai dit – et c’est très important – que le problème n’est pas dans ces éléments mais dans ceux qui les ont nommés. Je lui ai dit : «Si Abdelaziz, tu es secrétaire général du FLN et en application des statuts, c’est à toi de régler ces problèmes.» Il m’a demandé un écrit. Il ne s’attendait pas à ce que je reprenne tous les points abordés sous forme de PV avec mes raisons de ne pas assister au comité central. Il l’a lu, mais en partie, au bureau politique, expliquant qu’il était possible de parvenir à une solution. Mais deux jours après, il dit tout à fait le contraire au comité central. Par souci de vérité, j’ai rendu publiques à travers la presse mes précisions en 10 points (NDLR : parus dans le Soir d’Algériedu lundi 15 août 2011). Notre objectif est que le FLN retrouve sa place.
On a relevé l’absence dans votre mouvement de ténors du FLN, spécialistes du «coup d’Etat scientifique» comme Abderahmane Belayat et Abdelkader Hadjar ? Sont-ils contre votre démarche ou plutôt avec votre rival ?
Ils sont avec notre mouvement mais ils ont des fonctions de responsabilité. Nous respectons cela.
Ils n’ont fait aucune déclaration jusqu’à maintenant ?
Nous sommes en contact et nous nous voyons pour cela. Ils l’ont dit verbalement à Belkhadem. Mais il faut bien l’admettre, il y a beaucoup de gens qui tiennent le bâton par le milieu et attendent.
Parmi les opposants déclarés et nettement hostiles à Belkhadem qui demandent son départ, il y a le duo Abderrezak Bouhara-Mohamed Boukhalfa. Il l’ont fait savoir par une lettre – «Manifeste» de 26 pages – au Bureau politique du FLN en décembre 2010. Pourquoi n’ont-ils pas rejoint votre mouvement ?
Nous sommes un mouvement qui n’est pas structuré mais nous sommes en contact. Dans notre déclaration de janvier, nous avons fait état de cette lettre et nous adhérons totalement aux points contenus. Nous regrettons que cette lettre n’ait pas été diffusée au niveau du comité central. Pourtant, ce sont des cadres de la nation. Bouhara est vice- président du Conseil de la nation et Boukhalfa a consacré toute sa vie à militer au parti.
Connu pour être un homme de compromis, Bouhara n’a pas été écouté par votre ennemi juré Belkhadem et depuis il se mure dans le silence. A-t-il abandonné la partie, selon vous ?
Non, non pas du tout. Nous sommes toujours en contact, on échange nos avis, etc. Comment expliquez-vous le silence des «ministres redresseurs» depuis quelque temps ? En leur qualité de membres du comité central du FLN, ils ont fait une première puis une deuxième déclaration, mais compte tenu de leur fonction, ils se conforment à l’obligation de réserve sans une quelconque injonction. Par ailleurs, Abdelhadi Khaldi et Mohamed Seghir Kara ont été exclus du comité central. Ils sont toujours dans le mouvement.
Y a-t-il d’autres personnalités que l’on qualifie de poids lourds du FLN qui vous ont rejoint ou vont vous rejoindre ?
Ecoutez, nous ne tablons pas sur les grosses pointures. Je suis dans la direction du FLN depuis octobre 1962, date de sa fondation en tant que parti politique — en application des décisions du congrès de Tripoli — en compagnie de Rabah Bitat, Bouteflika notamment. Je crois au FLN des militants et non de personnes. Interrogé sur votre mouvement, Abdelhamid Mehri (victime du «coup d’Etat scientifique») dit ne pas comprendre vos motivations et vos objectifs. Mieux, il vous renvoie dos à dos estimant que le FLN n’est pas le parti capable de gérer l’avenir politique du pays…
Je ne peux pas répondre à cette question ne l’ayant pas entendu moi-même. En tant qu’ancien secrétaire général, ancien membre du GPRA, il a sa personnalité et son histoire. Il est en droit de s’exprimer. Nous sommes disposés à lui expliquer nos buts s’il nous le demandait. Jusqu’à maintenant, nous n’avons pas abordé ensemble cette crise.
La rupture avec la tendance Belkhadem est-elle définitivement consommée ? Y aurait-il des perspectives de solution quatre mois avant des élections législatives déterminantes ?
Nous sommes toujours pour le dialogue. Mais le problème n’est pas seulement Belkhadem. J’ai espoir qu’un jour tout le monde se retrouve. Ce qui urge, c’est que nous allons aux élections. Actuellement, les gens se préoccupent plus de ces élections que du sort du parti du FLN.
Cette nouvelle crise ne va-t-elle pas affaiblir le FLN et profiter à vos rivaux, notamment les islamistes qui se voient déjà vainqueurs des législatives ?
C’est possible, mais il y a beaucoup de choses qui se disent en ce moment. Il n’y a pas de sondages sérieux en l’absence d’instituts spécialisés crédibles. En tout cas, personne ne peut prétendre détenir la vérité. Pourquoi ? Parce qu’elle revient au peuple qui est souverain. On a tendance à anticiper. On peut croire qu’une tendance en particulier aura la majorité et que l’on n’échappera pas au vent qui souffle sur la Tunisie, le Maroc, l’Egypte, la Libye. Il faut se poser la question : nous, que voulons- nous ? L’Algérie cherche-t-elle à être exemplaire ou suiviste ? C’est la responsabilité des partis majoritaires ou minoritaires. Chaque pays a ses particularités, son parcours, son histoire. La comparaison est inappropriée y compris dans la différence des mentalités, l’expression, les prises de position et même… dans le désordre !
Vous comptez présenter vos propres listes de candidats aux législatives en concurrence avec celles de Belkhadem qui provoquent par ailleurs de violentes querelles dans son propre camp ? Comment les faire avaliser aux yeux de la loi qui ne reconnaît pas votre mouvement ?
Nous avons deux voies : celle du dialogue avec les conditions que nous avons avancées. L’autre voie dans laquelle nous sommes est de nous préparer aux élections. Nous avons installé des commissions à travers les mouhafadhas et nous réfléchissons à des listes de candidats au nom du mouvement de redressement et de l’authenticité sur la base du choix des militants. Nous ne choisirons pas à leur place. Notre rôle consiste à définir les critères d’éligibilité du candidat.
Dans quel cadre ? En indépendant ou autre ?
Dès que la loi sur les partis sera promulguée, nous établirons nos listes en tant qu’indépendants sous la slogan redressement et authenticité. Nous ne créerons pas un deuxième parti. Mais nous sommes toujours militants du FLN.
Une double liste FLN ?
C’est sûr, sauf s’il y a du nouveau, mais il faut faire vite et se préparer dès aujourd’hui avec notre programme politique qui est fin prêt et qui contient en outre des propositions pour la nouvelle Constitution. Nos députés seront élus sur la base de ce programme. Et en tant qu’élus indépendants nous travaillerons s’il y a accord avec le FLN ou une autre formation politique. Après ces élections si on trouve un consensus avec Belkhadem, on ira au congrès et là tout le monde est FLN. Notre objectif est de sauver le FLN pour les générations à venir à la veille du 50e anniversaire de l’indépendance. En 1962, nous étions 8 millions d’Algériens. Combien reste-t-il aujourd’hui de cette génération de l’indépendance ? 2 millions ? Nous sommes aujourd’hui 36 millions. Que va laisser la génération de Novembre ?
Le ministre de l’Intérieur Dahou Ould Kablia insiste de façon inhabituelle sur la neutralité absolue de l’administration pour un scrutin totalement libre. Le FLN qui a profité par la passé perd ainsi un allié déterminant. Avec cette énième crise, va-t-il être le principal perdant dans cette consultation ?
Si les gens viennent au FLN pour des postes, il n’y a plus de FLN. En tant que parti, il nous appartient de veiller à la transparence des élections. Dans la loi, il y a la lettre et l’esprit. Que l’esprit soit conforme à la lettre. Il s’agit de construire le pays dans un monde en plein bouleversement.
Président d’honneur du FLN dont il est issu, le président Bouteflika donne l’impression qu’il s’éloigne de Belkhadem et en même temps il se place au-dessus de ce conflit. Comment analysez-vous la position du vrai patron du FLN, dirions-nous ?
Sincèrement, j’ai dis et redis qu’il faut garder le Président en dehors de cette crise interne au FLN. Le Président a d’autres priorités.
On ne va pas le solliciter pour arbitrer. Belkhadem se prévaut de son soutien…
Belkhadem est ministre d’Etat et son représentant personnel. Il ne faut pas qu’il y ait confusion avec sa fonction de secrétaire général du parti, pas même un trait d’union.
Est-ce qu’il l’entend ainsi ?
Malheureusement non. Mais un homme d’Etat reste un homme d’Etat. La responsabilité c’est difficile.
Quelle est votre appréciation des réformes politiques ?
Aucun patriote de ce pays ne peut ne pas croire à l’avenir de l’Algérie. Il y a le discours du 15 avril et les précisions qu’il a apportées lors de l’ouverture de l’année judiciaire. En dépit de la concurrence entre les programmes des partis, l’Algérie doit être placée au-dessus de tout. Nous avons souvent confondu Etat et pouvoir. Le pouvoir change de main mais l’Etat reste. Concernant l’islam, la proclamation du 1er Novembre 54 a clairement affirmé le caractère démocratique et social de l’Etat algérien. Dans ce contexte pré-négociations de l’indépendance, nous avons marqué son caractère non laïc. Si cette précaution n’a pas été prise et que le million d’Européens était resté qu’en sera-t-il aujourd’hui ? Ceux-ci auraient certainement réclamé le respect de leurs croyances et donc la laïcité dans l’éducation et d’autres domaines. Tout comme le pays, l’islam était sous domination coloniale. L’islam c’est la religion d’Etat et non celle des partis. Il faut bien insister sur cette démarcation.
Une dernière question Salah Goudjil. Regrettez-vous, à un moment ou à un autre, d’être entré en dissidence ? Le parti FLN ne signe-t-il pas son arrêt de mort à la faveur de cette nouvelle crise ?
Chez tout être humain il y a des moments de doute. Je me suis posé des questions. A mon âge je ne recherche ni responsabilité ni gloire. Je songe écrire mes mémoires – ce que je suis en train de faire sur le FLN depuis 1962 à travers toutes les phases qu’il a vécues, et là je suis bien avancé. L’autre projet concernera la Révolution. J’ai eu le privilège d’avoir connu beaucoup de responsables qui ne sont plus de ce monde dont Ouamarane, Amirouche, Abane Ramdane (Si Hacène), Mahmoud Chérif, Si El-Haouès, Mohamed Amouri, colonel de la Wilaya II, et l’histoire de ce qu’on appelle le complot des colonels, Nouaoura. J’aurai à parler de faits inédits et méconnus dont la rencontre en 1952 entre Abane et Nouaoura à la prison d’El Harrach où ils sont restés deux mois ensemble, Si Mohamed Bouguerra de la Wilaya IV, etc. J’ai eu à assumer aussi des responsabilités. Ce qui me retient par contre c’est de redonner espoir à tous les militants exclus qui nous ont entendu avec lesquels on est dans la même tranchée. On ne peut pas les décevoir.
B. T.
Entretien réalisé par Brahim Taouchichet
taouchichetbrahim@ymail.com