Saïd Makbel, 23 ans ont passé depuis la mort d’un monument de la presse Algérienne

Saïd Makbel,  23 ans ont passé depuis la mort d’un monument de la presse Algérienne

03 décembre 1994, 23 ans ont passé depuis l’assassinat de Saïd Mekbel. Ceux qui l’ont assassiné le 3 décembre 1994 à Alger ont voulu faire taire à jamais une plume qui gênait. Qui peut oublier ses billets satiriques, son humour corrosif ? Qui peut oublier El Ghoul et Mesmar Jeha ? Saïd Mekbel. 

Nous partageons avec vous l’article écrit par le journaliste Hassane Zerrouky, publié lendemain de l’assassinat de Saïd Makbel dans le quotidien le Matin.  Zerrouky était sur les lieux, juste après l’attentat dont fut victime  Saïd Makbel, Le 3 décembre 1994 à midi, dans la pizzeria Errahma

« Ils ont tiré sur Mesmar J’ha » (Le Matin du 4 décembre 1994)

« On ne fera pas un article trémolo, pleurnichard, comme s’y attendent certainement ceux qui ont commandité un tel acte, et ce, par égard, par respect à Saïd Mekbel.

Hier, deux sbires de Ali Benhadj, avec qui nous convient de dialoguer Mehri, Ait Ahmed, Ben Bella et autres Djaballah, ont tiré sur Saïd Mekbel. Saïd était attablé à la pizzeria qui se trouve à moins de trente mètres du journal quand il fut victime de cet attentat. Bien sûr ces « courageux résistants » comme les appelle Mehri, savaient que Saïd n’était pas armé et qu’il serait incapable de se défendre.

Dans le restaurant au fond de la salle, Saïd était encore assis, les mains sur la table, il n’était pas à terre, la tête légèrement inclinée comme s’il réfléchissait à quelque chose, avec cet air malicieux qu’on lui connaissait quand il préparait son billet. Sur la table, une assiette de crudités qu’il venait d’entamer. La salle était vide.

On s’est approché de lui. On lui a dit quelques mots, de tenir…Il ne nous a, bien sûr, pas répondu. Il a été transporté encore en vie à l’hôpital (C’est Ouahab qui l’a transporté dans ses bras vers l’ambulance qui arrivait. NDLR). A l’heure où ces lignes sont écrites, Saïd Mekbel lutte encore contre la mort.

Pour la rédaction du Matin, c’est un coup dur, terrible. C’est un coup dur également pour l’opinion démocratique. Said, comme beaucoup, avait la possibilité de partir à l’étranger. Il refusait cette éventualité. Dernièrement, il nous déclarait, au vu de l’évolution de la situation politique, que les démocrates devraient rentrer de l’étranger… Bien que consternée par cette terrible nouvelle, la rédaction du Matin a décidé de réagir en fabriquant ce numéro et en republiant son «Mesmar J’ha» paru dans notre édition d’hier. Ainsi les commanditaires de ce crime crapuleux sauront que Le Matin ne s’arrêtera pas et surtout qu’il ne changera pas de ligne éditoriale ; cette ligne qui est la raison d’être du journal, qui ne nous a pas fait beaucoup d’amis, et qui fait grincer certains journaleux en mal d’inspiration. Saïd, comme d’autres, a payé le tribut de cette liberté d’informer qu’on essaie de faire taire par tous les moyens. Une chose est sûre, Saïd Mekbel n’avait aucune haine pour ses adversaires. Il suffit, pour ce faire, de relire ses billets… »

H.Z