Le quotidien espagnol «El Pais» affirme dans son édition d´hier avoir eu accès à des «rapports confidentiels» élaborés par un certain nombre de gouvernements des pays de l´Union européenne sur la présence d´armes anti-aériennes sophistiquées au Sahel.
Concrètement, l´Europe s´inquiète du lot important de missiles sol-air libyens qui est passé déjà aux mains d´Al Qaeda au Maghreb Islamique depuis le début de la guerre de Libye. Citant des «sources sécuritaires» algériennes, le journal avait rapporté, au moment où la guerre de Libye battait son plein au printemps 2011, que des salafistes engagés dans la lutte contre le régime du colonel Kadhafi aux côtés de la rébellion de Benghazi avaient fait parvenir au Mali, via le Tchad et le Niger, un lot important de matériels militaires des plus sophistiqués.
Ce sont notamment des missiles Sam 7 de type russe et Stringer de fabrication américaine qui étaient exposés à l’air libre à Benghazi et dont on a retrouvé la trace dans le nord du Mali quelques semaines plus tard. Un expert de la CIA établi à Benghazi avait annoncé à cette époque que les Etats-Unis partageaient les inquiétudes du gouvernement algérien, ce qui laissait sous-entendre les craintes d’un trafic d´armes à grande échelle en direction du Sahel. Aux craintes algériennes, les puissances européennes engagées dans la coalition militaire internationale sont restées sourdes.
Environ 5000 mercenaires mauritaniens, maliens ou nigériens qui combattaient dans les rangs de l´armée de Kadhafi se sont repliés dans leurs pays d´origine armés jusqu´aux dents. Aujourd´hui, ces mêmes puissances européennes se rendent à l´idée que cet armement se «vend au plus offrant sur le marché libre au Sahel». Al Qaeda au Maghreb Islamique qui a pu réunir à partir de l´argent des rançons la somme de 50 millions d´euros depuis que les groupes de Mokhtar Benmokhtar se sont spécialisés dans les prises d´otages, paie cash sans regarder les prix.
C´est grâce à cette juteuse méthode des rançons que sa branche dissidente, le Mouvement pour le Jihad et l´Unicité en Afrique de l´Ouest (Mujoa), compte s´équiper lui aussi en matériel de guerre ramené de Libye. Cette nouvelle organisation terroriste avait enlevé à cette fin les 3 missionnaires civils pro-sahraouis à Tindouf le 23 octobre 2011 puis les 7 diplomates algériens du consulat de Gao, le 8 avril dernier. Le groupe terroriste nigérian Boko Salam s´est engagé dans la même voie, sachant que des pays comme la France, l´Espagne, l´Allemagne,l´Autriche ou l´Italie, finissent par négocier et payer, contrairement à l´Algérie qui a toujours dénoncé le versement des rançons.
La cible : les avions au décollage et à l´atterrissage
L´Union européenne s´inquiète sérieusement de cette situation de déstabilisation du Sahel. A l´aéroport de Bamako-Senou, les avions de lignes des pays de l´Union européenne mais également ceux des pays voisins du Mali comme l´Algérie, le Maroc ou la Libye sont des cibles idéales au moment des manœuvres de décollage ou d´atterrissage. Un seul terroriste peut à partir d´un point donné en zone d´approche aérienne cibler un avion de transport.
Durant ces 8 mois depuis la fin de la guerre de Libye, les groupes terroristes ont eu tout le temps de se former au maniement des missiles sol-air, selon un expert du Bureau de l´Onu à Nouakchott. Les mercenaires de retour de Libye disposent de dizaines de véhicules tout-terrains équipés de ces engins. Tout ce matériel de guerre peut avoir été vendu et est déjà passé aux mains des 1500 membres des groupes terroristes d´Aqmi, du Mujao et du groupe salafiste nigérian Boko Haram.
Les puissances européennes craignent que des attaques contre les avions de ligne fassent chaque fois des centaines de morts. Leurs experts avouent qu´il est impossible de contrôler le mouvement des missiles d´une zone du Sahel à une autre, une étendue désertique de plus de 4 millions de km.
Des stocks de SA dissimulés dans le désert
Le trafic d´armes via le Niger se poursuivrait intensément en direction de la région de l´Azawad, récemment passée sous le contrôle des salafistes touaregs de Ansar Dine, alliés d´Aqmi et du Mujao. Les mercenaires préfèrent éviter la frontière algérienne où les forces spéciales de l´ANP et de la Gendarmerie nationale ont déjà intercepté des convois de trafiquants d´armes. Les ex-mercenaires de Kadhafi auraient dissimulé en territoires mauritanien,
nigérien et malien des quantités indéterminées de lance-grenades ou de lance-missiles portatifs SA-7 SA-24 ou «manpads» (en anglais man-portable air-défense system), une arme que les experts militaires de l´Otan qualifient d’extrêmement dangereuse» par son efficacité, sa maniabilité et son poids super léger. L´armée libyenne disposait de 20 000 missiles dont une grande partie n´a pas été récupérée par les autorités libyennes, selon un rapport du Pentagone.
Par Hania A