Sahel La lutte contre le terrorisme face à l’ingérence

Sahel La lutte contre le terrorisme face à l’ingérence

Les ministres des Affaires étrangères du Niger, de la Mauritanie, du Tchad, de la Libye, du Burkina Faso et du Mali prennent part ce matin, à l’hôtel Sheraton d’Alger, à une conférence ministérielle de coordination des pays de la région sahélo-saharienne.

Elle se tient dans uncontexte marqué,dans cette région, par un relatif regain d’activisme terroriste et des mésententes entre pays voisins habituellement liés par des relations constructives et sereines. C’est le cas, notamment, des rapports entre le Mali d’une part, et l’Algérie et la Mauritanie d’autre part.

Ceux-ci se sont brusquement dégradés lorsque Bamako a libéré des terroristes de la branche dite «El Qaïda au Maghreb» (AQMI) pour que retrouve la liberté l’otage français Pierre Camatte, dont il s’est révélé plus tard -de sources concordantes- qu’il est un membre de la DGSE (services secrets français).

On baignerait en pleine fiction genre «OSS 117», si l’histoire n’était pas authentique et que les criminels libérés n’étaient pas notamment des ressortissants mauritaniens et algériens, recherchés et réclamés par les autorités de leur Etat respectif, sans que Bamako ne daigne y donner suite.

Cette affaire a donné du grain à moudre aux analystes qui, depuis des mois, avec patience et régularité, tentent de démontrer que Bamako a opté pour le laxisme visà-vis des terroristes de «l’AQMI» et des trafiquants de toutes sortes qui ont élu domicile dans la bande nord malienne. Les Touaregs de l’Alliance démocratique du Nord, eux aussi, soutenaient cette thèse mais comme ils sont dans l’opposition, leur crédibilité devenait toute relative.

Aujourd’hui, les analystes convergent pour dire qu’objectivement le Mali est dans la posture de soutien aux terroristes et autres aventuriers et qu’il doit s’en départir. Ces lectures ne sont naturellement pas partagées par le gouvernement malien, dont le ministre des Affaires étrangères est attendu à Alger.

Au cours de cette conférence de coordination, il est prévu d’évaluer la situation par rapport au fléau terroriste.

Au-delà des constats relativement faciles, il s’agira surtout d’examiner et d’arrêter les mesures, «aux plans bilatéral et régional, pour éradiquer ce fléau ainsi que les voies et moyens de la relance du développement économique au profit des populations de cette région».

La conférence sera sanctionnée par des recommandations et sera aussi l’occasion d’évoquer les mesures concrètes que prendront les pays de la sousrégion. C’est là que sont attendus tous ces pays, en termes de niveau d’engagement effectif.

Niamey, Nouakchott, N’Djamena, Tripoli et Ouagadougou devraient être sur une même ligne, comme ils l’ont globalement été jusqu’à présent. Reste, le Mali.

Des analystes français, lors de la libération de Pierre Camatte, n’avaient pas pris de gants pour dire que les intérêts qui lient Paris à Bamako -en termes économiques et financiers… – sont plus importants que ceux qui lient Bamako à Alger.

Et que, par conséquent, la position malienne dans cette affaire était tout à fait logique.

Il reste que pour les observateurs algériens, le Mali n’est pas l’arrière-pays de la France, du simple fait de la géographie naturelle. En même temps, il ne faut pas que le soutien à la lutte antiterroriste se transforme en ingérence dans les affaires internes des Etats.

«L’assistance des puissances occidentales aux pays du Sahel dans le cadre de la lutte contre le terrorisme ne doit pas dégénérer en une ingérence étrangère dans les affaires de ces Etats, a estimé à ce propos, hier à Alger, le directeur par intérim du Centre africain d’étude et de recherche sur le terrorisme (CAERT), M. Lies Boukraa. Objectivement, les 7 ministres réunis, aujourd’hui, ont tout intérêt à trouver un terrain d’entente opérationnel et pérenne qui préserve leurs Etats et leurs populations.

Pour le ministre algérien Abdelkader Messahel, «il est important de consolider le cadre bilatéral, mais aussi de créer les synergies voulues pour que les pays de la région s’engagent, effectivement et directement, dans la lutte contre le phénomène du terrorisme qui menace la sécurité et la stabilité de la région et qui compromet également son développement».

Si les «7» n’y arrivent pas, ils ouvriront un peu plus la voie aux interventions très intéressées des puissances étrangères.

Oualid Ammar