Le chef d’état-major de l’ANP s’oppose à toute velléité d’ingérence étrangère au Maghreb.
La situation au Sahel suscite des inquiétudes légitimes qui sont aujourd’hui nettement formulées par les Etats de la région, notamment par l’Algérie qui se retrouve, malgré elle, exposée aux retombées de la crise libyenne.
En effet, l’intervention militaire de l’Otan dans ce pays et ses dérives meurtrières qui commencent à être dénoncées même au sein de l’Europe, ainsi que la propagation du désordre à nos frontières, imposent à l’Algérie, principalement, une attitude ferme et la prise de dispositions supplémentaires afin de préserver une région sensible et vulnérable pour différentes raisons de risques sécuritaires «gravissimes» sur la région.
Ces risques vont, selon des sources très au fait de la situation, au-delà de la menace terroriste et de la circulation des armes. La tournure prise par les événements fait naître un sentiment d’insécurité au sujet duquel des stratèges avertis mettent en garde sur un complot qui remet en cause la sécurité du Bassin méditerranéen.
C’est presque une certitude, désormais pour les services de sécurité, qui confient que l’intervention militaire coalisée, relayée par l’Otan, ne serait qu’un détail faisant partie d’un scénario dont le théâtre n’est autre que l’Afrique du Nord. Les mêmes sources soulignent que les initiateurs de l’ingérence étrangère en Libye étaient parfaitement au courant des retombées néfastes sur toute la région sous l’oeil protecteur et bienveillant de la base militaire américaine Africom. Une ingérence que l’Algérie rejette globalement et dans le détail.
C’est dans cet ordre d’idées que les pays membres du Cemoc, le Comité d’état-major opérationnel, conjoint, se sont réunis les 28 et 29 avril dernier à Bamako.
Il ne s’agit plus de combattre Al Qaîda au Maghreb et le crime organisé, mais de se concerter en vue d’élaborer une politique commune face aux visées non déclarées de certaines puissances occidentales qui, assurent nos sources, envisagent une intervention militaire terrestre en Libye.L’objectif serait d’installer le chaos et le désordre dans une région déjà rongée par une insécurité chronique et reconquérir, militairement s’il le faut, des territoires faisant partie des anciennes colonies africaines. Dans son allocution à Bamako, le chef d’état-major de l’ANP, le général-major Gaïd Salah, a usé d’un langage ferme en employant l’expression «faire face aux différents dangers potentiels».
Ce qui laisse croire que les dangers sont multiples, d’où la nécessité d’une perception commune et globale face à ces «dangers potentiels». Le chef d’état-major a, par ailleurs, souligné, faisant allusion à ces énormes risques «…Nous croyons fermement, pour ce qui nous concerne, que pour atteindre ces objectifs, la convergence des efforts s’impose, tout d’abord dans la perception commune des menaces et doit se traduire par une lutte ferme et coordonnée contre le terrorisme et le crime organisé.» Et d’ajouter: «Je suis en effet persuadé que vous partagez avec nous cette même conviction, à savoir qu’aucun de nos pays ne peut faire cavalier seul, car la stabilité de notre sous-région est intimement liée à une coopération régionale pour contrer tous les dangers d’où qu’ils proviennent.» Selon nos sources, les déclarations du général-major Gaïd Salah sont d’une extrême importance et peuvent se traduire par le fait que l’Algérie serait également visée, mais avant de l’atteindre, confirment nos sources, il faut avoir la mainmise sur le Sud de la Libye et sous prétexte de chasser Al Qaîda de cette zone, mettre en application une stratégie dévastatrice pour planifier, et pourquoi pas, occuper une partie du Sud algérien.
Pour le chef d’état-major,
«l’heure est donc à la coopération, à l’entraide et aux actions concertées pour combattre le terrorisme et juguler tout risque et facteurs de subversion et d’instabilité afin d’épargner à nos pays les conséquences néfastes qui en découlent (…) Ce n’est qu’à la faveur d’une prise de conscience collective du destin commun et de l’intérêt régional que l’on peut asseoir les bases d’une stabilité durable et réduire les germes des conflits qui couvent dans notre sous région». Concernant la lutte antiterroriste le général-major Gaïd Salah a mis l’accent sur la mise en oeuvre d’un ensemble d’actions d’urgence par chacun des pays membres, rappelant: «Pour ce qui nous concerne, nous restons toujours animés de la même conviction et de la même détermination à combattre le terrorisme et à coordonner nos efforts avec nos voisins et nous continuerons à appeler à la prise de conscience collective, à la volonté commune et au respect des engagements, car nous sommes convaincus que c’est la seule et unique voie possible pour triompher du fléau dévastateur du terrorisme». La situation sécuritaire s’est nettement dégradée depuis les évènements survenus en Libye et notamment après l’intervention militaire étrangère dans la région.
Un fait qui inquiète au plus haut point les responsables militaires de l’Algérie, du Mali, du Niger et de la Mauritanie.
Une source militaire malienne proche de la rencontre a confié à l’AFP, en soulignant s’appuyer sur un rapport sécuritaire de l’un des pays participants:«Nous sommes tous en alerte et nous nous tenons informés les uns les autres, il n’y a aujourd’hui aucun doute, plusieurs combattants d’Al Qaîda participent aux combats en Libye, il s’agit d’islamistes libyens libérés par le gouvernement quelques semaines avant le déclenchement du conflit mi-février, des combattants libyens qui reviennent d’Afghanistan et d’autres qui viennent du Sahel où ils ont combattu dans les rangs d’Al Qaîda au Maghreb islamique». Des précisions qui ont été rapportées dans nos précédentes éditions. Désormais au Sahel, l’heure n’est plus aux tergiversations.
Ikram GHIOUA