Depuis maintenant quarante ans qu’elle a la charge du dossier du Sahara occidental, occupé par le Maroc, l’Organisation des Nations unies (ONU) peine à lui trouver une issue compatible avec le principe de l’autodétermination des peuples sous domination qu’elle a elle-même établi, il y a 55 ans.
Dernière colonie en Afrique, le Sahara occidental a été occupé puis annexé par le Maroc il y a presque 40 ans, en 1975, après le départ des troupes espagnoles, et reste à ce jour inscrit à l’Onu au chapitre des territoires à décoloniser selon les règles du droit international en la matière.
Malgré la résistance –armée et diplomatique– du représentant légitime du peuple sahraoui, le Front Polisario, une multitude d’actions internationales de solidarité et une longue série de résolutions onusiennes favorables à l’autodétermination de ce peuple, l’heure est au statu quo qui éloigne chaque jour davantage les perspectives d’un règlement politique de ce conflit opposant le Maroc au Polisario.
L’incapacité du système des Nations unies à sortir ce dossier de l’impasse s’est confirmée une nouvelle fois le 28 avril dernier, avec l’adoption au Conseil de sécurité d’une résolution de routine se contentant de renouveler le mandat annuel de la Mission de l’Onu au Sahara occidental (Minurso) et de réitérer les appels à des négociations directes entre les deux parties en conflit.
La résolution souhaite cependant que ces négociations, entre le Maroc et le Polisario, soient cette fois « plus intensives et plus substantielles », et ne perdent pas de vue la nécessité d’assurer l’autodétermination des populations sahraouies sur la base d’une solution juste, durable et négociée sous l’égide des Nations unies.
Pourtant, depuis l’inscription, en 1965 par l’Onu, du Sahara occidental sur la liste des « territoires non autonomes », c’est-à-dire à décoloniser selon le droit des populations qui l’habitent à choisir librement leur destin, le problème n’a jamais quitté la table des Nations unies.
Ceci était d’autant plus vrai à partir de 1975, lorsque la Cour internationale de justice (CIJ), sollicitée par l’Onu, a décrété sans ambiguïté « l’inexistence de lien de souveraineté territoriale » entre le Sahara occidental d’une part, le Maroc et la Mauritanie, d’autre part.
La sentence sans appel de la CIJ accordait de jure au peuple sahraoui son droit légitime à l’autodétermination, mais de résolution en résolution et en l’absence de mesures contraignantes contre la puissance occupante, l’Onu, à travers son conseil de sécurité dominé par les plus grands, a paradoxalement aidé à l’enlisement du problème dont la manifestation la plus douloureuse reste la précarité des conditions de vie des milliers de familles de réfugiés sahraouis installées dans le sud-ouest algérien, aux limites de leur pays occupé.
La « marche verte », un coup de force organisé en 1975 par le Maroc pour envahir le territoire et imposer le fait accompli, fut simplement « déplorée » par le conseil de sécurité de l’Onu qui a « demandé » au Maroc de retirer les centaines de milliers de personnes qu’il a engagées dans son entreprise.
Cette résolution inaugurait une longue série d’autres mais sans parvenir à résoudre le conflit, qui s’est vite transformé en guerre meurtrière de plus de dix ans entre les deux parties.
Le même sort sera réservé aux initiatives du SG de l’Onu Javier Perez de Cuellar, auteur des premières propositions de règlement, acceptées par les deux parties en 1988 (cessez le feu et organisation d’un référendum d’autodétermination) et confirmées par une résolution du conseil de sécurité de 1990, qui décida de créer la Mission des Nations unies pour l’organisation d’un référendum au Sahara occidental (Minurso) pour la mise en oeuvre de l’accord.
Des cinq principales missions dévolues à la Minurso jusqu’à l’organisation d’un référendum « libre, régulier et impartial », seule la première, qui consiste à surveiller le cessez le feu, a pu être menée à bien, mais celle-ci n’a pas de lien direct avec la préparation du référendum (comme l’identification du corps électoral) et traduit donc, jusqu’à présent, l’échec de cette initiative onusienne vieille de 25 ans.
Le plan de paix onusien est ainsi mis en place en 1991 et le cessez le feu respecté, avec en ligne de mire l’organisation, en 1992, d’un référendum d’autodétermination mais cette échéance capitale est, depuis, repoussée d’année en année au motif, invoqué par le Maroc, d’un absence d’accord entre les deux belligérants sur la liste électorale définitive.
La commission d’identification des votants dirigée par la Minurso et confrontée aux pires difficultés à l’instigation de l’occupant marocain et certains de ses alliés occidentaux, selon les accusations du Polisario ainsi que d’associations internationales, finit par être dissoute 12 ans après son installation, soit en 2014, et signe quasiment la fin d’un processus de paix laborieusement mis en place par l’Onu.
Vaine « diplomatie de la navette »
Dans un climat de blocage entretenu des tentatives de règlement politique, intervint ensuite la valse des « envoyés personnels » du SG de l’Onu, ou ce que d’aucuns appelleront « la diplomatie de la navette », dont les résultats mitigés sont diversement appréciés.
Le premier d’entre eux, James Baker envoyé de Kofi Annan, tentera d’emblée de remettre en cause le plan onusien et, avec lui, la tenue d’un référendum en proposant une « troisième voie », qui prévoit d’octroyer une « large autonomie » aux Sahraouis dans le cadre de la souveraineté marocaine.
L’échec de cette initiative sonna le gel de toute démarche sérieuse sur la voie d’une solution conduite par l’Onu. D’autres propositions marocaines d’autonomie rejetées par le Polisario, ainsi que des « entretiens informels » organisées entre les deux parties entre 2009 et 2012 n’ont pu aboutir au déblocage attendu.
A partir de là, relèvent des spécialistes de la question, l’Onu est passée subrepticement du rôle de « médiateur » à celui de « facilitateur » d’un processus où elle n’a plus véritablement l’initiative, celle-ci ayant été de fait transférée, supposent-ils, à certains Etats membres du Conseil de sécurité où a été créé un « groupe des amis du Sahara occidental » composé de cinq puissants pays (USA, Russie, GB, France, Espagne).
Ceux-ci sont chargés –s’il y a unanimité entre eux sur tel ou tel point– d’assister les envoyés du SG de l’Onu dans leurs discussions avec les parties au conflit. Dans ce schéma, ces derniers deviennent de « simples intermédiaires » face à la volonté d’Etats puissants, estiment des observateurs avertis.
Et les dernières difficultés à intégrer, dans les prérogatives de la Minurso, la surveillance du respect des droits humains au Sahara occidental occupé, en raison des blocages de la partie marocaine, ne semblent pas de nature à améliorer la marge de manoeuvre de l’Onu dans un conflit où les perspectives de règlement paraissent entravées aussi par les interférences de grandes puissances étrangères.
Résumant bien les enjeux dans un récent appel intitulé « 40 ans d’exil, les réfugiés sahraouis abandonnés par la communauté internationale », l’ONG Oxfam International a invité le Conseil de sécurité de l’Onu à faire montre d’une « volonté politique de parvenir à une solution durable conforme au droit international », tout en estimant que les actions de ses membres « doivent être guidées par les engagements pris envers le peuple sahraoui plutôt que par leurs intérêts nationaux ».
Pour sa part, le Front Polisario assure que « sa coopération a été et restera toujours et uniquement dans le cadre de l’engagement souscrit par les Nations unies, à savoir la tenue d’un référendum d’autodétermination pour le peuple du Sahara occidental », selon de récents propos du représentant du Front à l’ONU, Ahmed Boukhari.