La délégation marocaine conduite par le ministre des Affaires étrangères Fassi Fihri et le chef de la diplomatie sahraouie, Salem Ould Salek, étaient loin de se douter qu’ils allaient se retrouver nez à nez, le 30 novembre, aux portes du Parlement européen où ils ont été invités l’un et l’autre à apporter leurs versions des faits sur l’assaut brutal lancé le 8 novembre contre le camp de toile de Gdeim Izik.
Le Marocain venait de contrarier ce programme et offrir aux nombreux journalistes sur place un fait anodin. Hélas, il n’y aura ni temps d’arrêt ni poignée de mains entre les deux hommes dont les regards se sont discrètement croisés. Au diplomatique «bonjour M. le ministre» de Ould Salek, Fihri répondit par un simple «bonjour». Pas de scoop.
Aucun progrès
C’est en résumé à ces formules de politesse que se résument les «progrès» enregistrés durant les quatre précédents rounds laborieux du processus de négociations directes entre les deux parties impliquées dans le conflit du Sahara occidental,
le Maroc et le Front Polisario. Le communiqué laconique sur la date de la tenue de ce nouveau round, prévu du 16 au 18 du mois courant, lu, samedi soir par le porte-parole des Nations unies, Martin Nesirky, en dit assez sur le peu d’espoir que l’on a aux Nations unies de voir ces négociations évoluer vers une solution de ce conflit qui dure depuis 35 ans.
«Les deux parties vont tenter de rapprocher leurs points de vue pour faire évoluer le dialogue», dira M. Nesirky, apparemment sans trop de conviction.
C’est que, jusqu’au jour d’aujourd’hui, les deux parties continuent de camper sur leurs positions. M. Fassi Fihri a certes parlé, hier devant le sénat marocain, d’une «nouvelle dynamique» dans ces négociations à travers une «méthodologie innovatrice». Pour les experts du dossier sahraoui, il s’agit d’une simple formule pompeuse lancée dans une situation d’urgence lorsqu’on n’a rien à proposer de nouveau.
Il est certain que le Maroc n’ira pas au-delà de la proposition de son plan d’autonomie pour le Sahara occidental comme unique base de travail. Le chef de la diplomatie marocaine l’a fait savoir devant les sénateurs lorsqu’il a qualifié d’ «inapplicable» le référendum d’autodétermination que réclame
le Front Polisario, position qui est également celle de la communauté internationale, moins la France, principal allié du royaume alaouite. Dans une formulation différente, le gouvernement Zapatero défend à peu près la même vision en laissant entendre qu’un référendum peut avoir lieu autour d’un «accord entre les deux parties». Entendre un référendum sur le plan marocain.
Seul un référendum
Dans sa récente lettre au roi Mohamed VI, le président Mohamed Abdelaziz a donc marqué son camp. «Il n’y a pas d’autre issue au conflit du Sahara occidental qui fasse l’impasse sur le droit du peuple sahraoui à disposer de son destin», dit-il. Ahmed Boukhari, le représentant sahraoui à New York, insistera sur ce principe incontournable
dans sa lettre au président du Comité de décolonisation de l’ONU en ne manquant pas de déplorer à la fois «le silence et l’inertie» de la communauté internationale sur le blocage par la puissance occupante du parachèvement de la décolonisation du territoire sahraoui». Dans une déclaration à l’agence espagnole EFE, il s’interroge en conséquence sur le sens de la «voie pacifique» de ce dialogue réclamée par les Nations unies dans une conjoncture faite de massacre à grande échelle au Sahara occidental.
Cette conjoncture est pourtant nettement défavorable à l’image du Maroc sur la scène internationale. Les organisations humanitaires, Amnesty International et Human Rights Watch, ont dénoncé, encore une fois, samedi, la politique de répression pratiquée par le Maroc depuis le démantèlement violent du camp de toile de Gdeim Izik.
Les parlementaires européens ont voté une résolution exigeant une enquête internationale sous l’égide des Nations unies pour faire la lumière sur ces massacres. Le Congrès des députés espagnols a voté une motion condamnant cette prise d’assaut, ce qui place les relations diplomatiques entre l’Espagne et le Maroc au bord d’une nouvelle crise diplomatique.
Demain à Bruxelles, selon toute vraisemblance, la question des violations des droits de l’homme au Sahara occidental sera mise sur la table de la réunion du Conseil d’association UE-Maroc par les pays du Nord comme la Suède et le Danemark. Le sommet UE-Maroc, qui s’est tenu sous la présidence espagnole en juin dernier à Grenade, avait tourné en réquisitoire contre la politique répressive marocaine dans l’ancienne colonie espagnole.
La résolution 1514
Les parlementaires eurodéputés, la société civile internationale, en Espagne notamment, demandent aux «27» de reconsidérer le traitement privilégié réservé à un régime politique totalitaire qui se distingue par les violations répétées des droits de l’homme dans un territoire non autonome qu’il occupe illégalement depuis 1975.
Ce nouveau round des négociations qui sera suivi d’un autre au début de l’année prochaine, intervient, date hautement symbolique, à la veille de la célébration du 50e anniversaire de l’adoption par l’Assemblée générale de l’ONU de la déclaration 1514 sur l’octroi de l’indépendance aux pays et aux peuples colonisés.
Toutes les ex-colonies du monde ont accédé depuis à leur indépendance, parmi lesquelles l’Algérie. Le Sahara occidental reste à ce jour la seule colonie dont le processus de décolonisation n’a pas été mené à son terme. Derrière ce blocage, le plus grand empire colonial de l’histoire : la France. C’est d’elle que dépend le règlement du conflit du Sahara occidental !