Saga judiciaire: Les responsables algériens étaient-ils tous corrompus ?

Saga judiciaire: Les responsables algériens étaient-ils tous corrompus ?

Z. Mehdaoui

La contestation populaire déclenchée le 22 février dernier, a réussi à tourner la longue page Abdelaziz Bouteflika, mais elle a également permis de libérer les langues, les personnes et des secteurs névralgiques, à l’instar de celui de la Justice.

La « Révolution du sourire » a réussi à traduire de nombreux « intouchables » devant la justice pour des faits de corruption. C’est inédit. Le pays vit, ces derniers jours, au rythme des scandales. La liste des présumés corrompus s’allonge, de jour en jour. A commencer par Ali Haddad, les frères Kouninef, l’ex-Premier ministre Ahmed Ouyahia, l’ex-ministre des Finances Mohamed Loukal, et bien d’autres qui ont été soit auditionnés, soit placés en détention. Il y a aussi, l’ex-DGSN Abdelghani Hamel et son fils convoqués par la justice, l’ex- wali de Tipaza et un ex-sénateur, cela sans parler d’une autre liste de personnes poursuivies pour avoir comploté contre l’Etat et la Nation et dont les noms ne sont pas toujours prononcés. Le scandale d’El Boucher, Sonatrach, El Khalifa, ou encore la BCIA, la Générale des concessions agricole, l’ENAPAL, la BEA, l’OREF … sont également des dossiers de corruption que la justice compte rouvrir. Même le football algérien est gangrené par la corruption. La justice compte même ouvrir les dossiers de certains oligarques de la presse qui ont bénéficié de la manne publicitaire (ANEP) sans aucune logique économique.

Guerre de clans ou réelle volonté de remettre de l’ordre dans un pays gangrené par la corruption du fait d’un système machiavélique, l’Algérie n’est plus la même après le 22 février 2019.

Les responsables qui nous ont gouverné depuis l’avènement de Bouteflika étaient-ils tous des corrompus ?

Selon certains spécialistes, la lutte des clans pour mettre la main sur le pétrole algérien ne date pas d’aujourd’hui. Cependant, elle s’est exacerbée les vingt dernières années avec l’arrivée de Bouteflika au pouvoir à l’aurore du nouveau millénaire où le prix du baril a connu son apogée.

D’autres estiment aujourd’hui, qu’à cause de la politique économique de ces vingt dernières années, de capitalisme sauvage profitant aux classes d’oligarques corrompus et corrupteurs, l’Algérie a perdu son économie et sa réputation. Le pays ne produit plus rien et importe tout ce qu’il consomme. Sa dépendance de la seule exportation des hydrocarbures est toujours totale. Même l’agriculture n’a pas échappé à cette politique gangrenée par la corruption. L’Algérie qui était ancienne exportatrice de blé, l’importe aujourd’hui à coups de milliards, mettant en danger la sécurité alimentaire de la population.

Selon Transparency internationale, si la corruption existe dans tous les pays du monde, comme en témoignent les scandales financiers révélés, pendant la crise mondiale, et s’il y a des corrompus il existe, forcément, des corrupteurs impliquant une moralisation des relations internationales mais elle est relativement faible en rapport à la richesse globale créée.

En Algérie elle s’est socialisée touchant toutes les sphères de la vie économique et sociale, remettant en cause la Sécurité nationale, devant aller vers le contrôle démocratique de deux segments stratégiques de la production de la rente des hydrocarbures (Sonatrach) et la distribution de la rente des hydrocarbures (tout le secteur financier) puisque l’ensemble des secteurs publics et privés sont irrigués par cette rente, selon Transparency internationale. « La position du peuple vient de ce qu’il a été corrompu par le pouvoir. Pour vous donner un exemple : je ne suis qu’un seul des 100.000 anciens cadres de l’État qui soient pensionnés. On a multiplié par 3 nos pensions en faisant comprendre que ce gouvernement est le seul pouvoir qui garantit les pensions », a déclaré Sid Ahmed Ghozali, dans un entretien accordé à un site électronique en 2018, ajoutant : « Les gens craignent par conséquent pour leur avenir et perdent tout jugement libre. Ils ne se rendent pas compte – ce dont je suis sûr – c’est que dans deux ou trois ans, le gouvernement ne pourra plus payer les pensions ». En fait, grâce à l’argent public, Bouteflika a réussi à corrompre des pans entiers de la population pour préserver la paix sociale et par la même, se maintenir au pouvoir durant deux décennies.

Les dizaines de responsables algériens traduits devant les procureurs et les juges, ces derniers jours est un indice révélateur sur l’ampleur de la corruption qui a gangrené l’Etat, du sommet jusqu’à sa base.

C’est un véritable chantier qui attend les futurs dirigeants de ce pays pour redorer le blason de toutes les institutions de l’Etat.