Le secrétaire général du FLN revendique l’héritage de Hocine Ait Ahmed. Fera-t-il de l’instauration d’un système démocratique effectif son cheval de bataille aujourd’hui?
Juste après l’annonce du décès du chef historique et leader du FFS, Hocine Ait Ahmed, le secrétaire général du FLN, Amar Saâdani, a reconnu, dans une émission TV, que son parti et le régime algérien ont été ingrats et injustes envers lui. «Nous avons été injustes avec lui, il faut le reconnaître.
Les autres pays ont reconnu sa valeur et le prenaient en considération, pas nous. Soyons humbles, c’était un héros, nous n’avons pas été justes avec lui», a-t-il dit en versant quelques larmes bien «nationalistes». Mais pas seulement. En effet, contre tout attente, Amar Saâdani a revendiqué mordicus l’héritage politique de Hocine Ait Ahmed tout en promettant, presque convaincu, d’être fidèle à ses idées. «Nous sommes en train de réaliser les idées pour lesquelles a milité Hocine Ait Ahmed sa vie durant. Ce n’est pas un discours creux», a-t-il fait savoir.
D’aucuns voient dans ce discours, qui intervient dans une atmosphère fort tendue, une tentative de récupération par l’ex-parti unique de la mémoire du leader du FFS pour redorer son blason fort terni compte tenu notamment de son électorat qui rétrécit comme une peau de chagrin.
Mais Amar Saâdani s’en défend et considère que son parti est la plus grande force politique dans le pays et qu’il est le seul à être présent dans toutes les communes et à l’étranger, ce qui laisse entendre que le secrétaire général du l’ex-parti unique ne vise pas une récupération politicienne de Hocine Ait Ahmed même si un rapprochement politique avec lui renforce, d’une façon ou d’une autre, la cote populaire du FLN. «Nous sommes sincères», a-t-il dit. Pour preuve, c’est l’idée d’un «Etat civil» que le FFS a longtemps défendue qui a été brandie.
En effet, à peine élu à la tête du FLN en 2013, Amar Saâdani a adressé une lettre à Hocine Ait Ahmed dans laquelle il lui exprime «sa reconnaissance», «son admiration» et où il le présente comme étant «un héros national». «J’en appelle, en mon nom personnel et au nom des militants du FLN, à ce sens du devoir qui a toujours fondé votre action, pour rester avec nous et vous joindre à la dynamique politique qui anime le pays dans le but de rassembler et de renforcer les rangs de ceux qui aiment la patrie, servent le bien commun et agissent dans l’intérêt national dans les domaines politique, économique et social, et protéger le pays des dangers multiformes qui le guettent», a-t-il écrit entre autres. Et depuis, le jargon «ait-ahmedien» inhérent à «l’Etat civil», «au rôle des services secrets», «au rôle de l’armée», à «la police politique», etc, n’a pas quitté la bouche du secrétaire général du FLN.
En effet, l’Histoire retiendra que le premier homme politique algérien à s’attaquer frontalement au chef du DRS et lui faire porter la responsabilité des drames qu’a vécus le pays, c’est Amar Saâdani. De tous les chefs de file qu’a connus le FLN, c’est lui qui aura le plus assumé son discours en faveur du «retour de l’armée dans les casernes» et de «la restructuration du DRS».
C’est le seul aussi à avoir revendiqué solennellement «l’officialisation de tamazight». Toutes ses revendications, jusqu’à 2013, représentaient une négation absolue de la philosophie même du FLN. La lettre d’Amar Saâdani à Ait Ahmed a, donc, constitué un sérieux tournant dans l’orientation politique de ce parti.
Mais si le FLN a changé de discours ces deux dernières années en s’appropriant certaines des revendications phares de l’opposition, cela ne veut pas forcément dire qu’il est devenu un allié de celle-ci. Car, à maintes reprises, ce parti s’est montré peu cohérent dans sa démarche.
En effet, tout en partageant la même vision et les mêmes objectifs que le FFS, le FLN a d’abord donné son accord pour participer à la Conférence sur la reconstruction du consensus national avant de tourner casaque à la dernière minute. Si le FLN partage les mêmes objectifs que le FFS de Hocine Ait Ahmed, comme ne cesse de le ressasser Amar Saâdani, pourquoi a-t-il abandonné le plus vieux parti d’opposition en cours de route?
Objectivement, le FLN a changé de discours et ce que son secrétaire général réclame se fait progressivement: restructuration du DRS, gouvernement politiquement responsable, généralisation et officialisation de tamazight, etc. Depuis quelque temps, il n’arrête pas de promettre une grande démocratie algérienne dans le cadre de la révision prochaine de la Constitution. «Nous sommes en train de réaliser les idées pour lesquelles a milité Hocine Ait Ahmed», dit-il.
Cette démocratie promise et maintes fois ajournée verra-t-elle enfin le jour? Naturellement, le meilleur hommage à rendre à Hocine Ait Ahmed, comme l’a souligné un de ses compagnons, Mohand-Arezki Ferrad, c’est d’instaurer un système démocratique.
Le cas échéant, les hommages qui fusent de toutes parts, notamment du côté de ceux qui ont été, durant plus de 50 ans, ses adversaires, voire ses ennemis, ne sont que vilaines tentatives de récupération d’un homme que l’Histoire a élu comme symbole indélébile du combat des Algériennes et des Algériens pour la démocratie.