Il n’y a plus rien à comprendre
Il est parfois des choses qui vous sautent aux yeux. Et si vous ne voulez pas les voir, elles vous agrippent par les cheveux, vous écartent les paupières et vous forcent à regarder.
Depuis le temps que l’on prévoit et qu’on annule un Conseil des minis-tres, personne ne se souvient plus depuis quand on n’en a pas eu. La dernière fois où l’on en a entendu parler c’était lorsque le Premier ministre avait déclaré qu’il n’est plus besoin de tenir un Conseil des ministres et que la loi de finances complémentaire a été annulée.
Il y a quelques jours, Saâdani a été placé, à main levée et à yeux ouverts, à la tête d’un FLN qui n’en pouvait plus de ses propres querelles. Et hop, voilà que, à peine assis sur le fauteuil de chef à Hydra, il convoque la presse pour une conférence et laisse tomber la nouvelle bousculant Sellal avec un «pousse-toi que je m’y mette». En effet, et alors que le Premier ministre n’a pas soufflé mot, le tout nouveau secrétaire général du FLN vient d’annoncer la tenue d’un prochain Conseil des ministres au cours d’une conférence de presse. Changement de rôle? Lapsus? changement de mission? Ou bien est-ce qu’il aurait commis la maladresse de ne pas avoir pu tenir secret une information qu’il ne devait pas divulguer? En tout cas, il est difficile de croire que, dans un pays qui se respecte, le secrétaire général d’un parti donne une information qui n’est ni dans ses prérogatives ni dans son champ de compétence.

Saâdani n’est ni un Premier ministre ni même un ministre encore que, ministre, il n’aurait pas eu le droit d’informer à propos de la tenue d’un Conseil des ministres. Il est de coutume que c’est l’Etat qui, à travers ses institutions, annonce de telles réunions et pas les chefs de partis, dussent-ils être majoritaires. Il ne fait pas de doute qu’il ne s’agit pas d’une erreur de personnage, ni d’un lapsus ni encore moins, d’un changement de rôle, ou d’une maladresse. L’homme est trop rompu aux exercices du secret et de la discrétion pour commettre un tel impair. Cela devrait relever d’une opération bien calculée là où ces derniers jours les calculs ont réintégré le menu quotidien. Contre qui exhibe-t-on donc Saâdani? Pourquoi veut-on que les Algériens croient qu’il fait désormais partie du cercle des favoris? Les Algériens ont compris, depuis qu’il a réapparu à l’hôtel El Aurassi, qu’il a un rôle important à jouer dans la prochaine élection, faudrait-il qu’il annonce en plus la tenue d’un Conseil des ministres? A moins que nous nous trompions, il n’a jusque-là pas été nommé porte-parole du gouvernement ou porte-parole du Premier ministre. D’où tire-t-il donc cette «autorisation» à empiéter sur le domaine du Premier ministre?
Est-ce un message à ceux qui hésitent encore à rallier la cause d’un quatrième mandat ou bien sont-ce là des avantages que l’on fait miroiter au futur chef du RND?
Vers la fin des années soixante, il y eut une augmentation du prix des journaux (quelques centimes) et à quelqu’un qui demandait le pourquoi de cette augmentation, Hamma, le vendeur de journaux (Allah yarahmou), répondit, en philosophe, que la politique devenait trop chère. A ceux qui nous poseraient aujourd’hui la question pourquoi toutes ces choses que nous ne comprenons plus, que devrions nous répondre? Que la politique est devenue trop basse? Qu’elle est devenue trop compliquée? Que les limites de cette politique sont devenues trop confuses? Que les temps sont devenus trop mauvais? Que le sens de la politique a tout simplement changé? En tout cas, lui, Hamma aurait sans doute dit que c’est parce qu’il n’y a plus rien à comprendre!
Il en est de même de ces informations qui pleuvent sur les sites qui n’ont pourtant rien d’officiel et qui n’apparaissent jamais ou presque sur celui de l’APS qui, à ce que nous sachions, constitue l’organe officiel et le canal normal de la communication des instances de l’Etat.
Il n’est pas difficile de remarquer, en effet, que depuis quelque temps certaines informations de premier ordre empruntent les sentiers anormaux d’organes d’informations dont nul ne sait ni la provenance, ni la constituante ni encore moins la relation avec le pouvoir en place. Tout comme cela a été le cas (et continue de l’être) avec certains médias qui obtiennent et diffusent l’information officielle avant la télévision et la Radio nationale.
Comment expliquer tous ces changements? Veut-on quelque part contourner certaines voies traditionnelles pour, justement, exclure certaines parties? Ou bien est-on en train de constituer de nouvelles priorités communicationnelles qui imposent que soient empruntés ces nouveaux supports? Difficile là aussi de savoir, surtout que rien là encore n’est officiel. Ce qui est certain cependant, c’est que, chez nous, tant depuis la
maladie de Bouteflika que depuis son retour au pays, la politique et tout ce qui s’y rapporte ont pris toutes les couleurs et épousé toutes les formes possibles. Mais là non plus, il n’y a rien, plus rien à comprendre. Tout le monde sait que le coup de starter a été donné. Que les choses bougent. Que les rencontres succèdent aux rencontres. Que les programmes se tissent et que les objectifs se tracent. Et dans ces accélérations subites, il y a forcément des décalages qui peuvent être importants. Ainsi, parfois, on a le son qui nous arrive avant l’image et l’on appelle cela «rumeur», telles ces informations balancées sur des sites «étranges» et qui s’avèrent justes par la suite. Parfois, c’est l’inverse, c’est-à-dire que c’est l’image qui nous parvient avant même que le son n’ait fait un seul millimètre. Comme cette rencontre entre le FLN et TAJ et qu’aucun communiqué d’aucun des deux partis n’a précédé. D’abord, comment appelle-ton cela? de l’anticipation? Très possible! En tout cas, et encore une fois, il semble qu’il n’y ait plus rien à comprendre.