«Tout le monde sait que le deuxième gardien de but est meilleur que le numéro un
Deux heures seulement après la qualification des Verts au Mondial, Rabah Saâdane a accordé une interview assez longue à la chaîne sportive Dhubai sport. Le coach parlera de son palmarès, donc de ses quatre participations en Coupe du monde, si l’on rajoute celle de 79 avec les juniors. Il a passé en revue toutes les étapes par lesquelles est passée notre Equipe nationale.
Il ne manquera pas d’évoquer les professionnels en ces termes : «Le premier critère retenu, c’est l’amour du pays. C’était aux professionnels d’exprimer le désir de porter les couleurs du pays. De ce point de vue, on a un écho très favorable. De plus, on n’a pas trouvé le souci de faire l’amalgame entre locaux et professionnels. Tout s’est très bien passé et la symbiose s’est installée depuis le début de l’aventure.»
Il est vrai que les déclarations de Rabah Saâdane sont appuyées par celles d’Antar Yahia. Ce dernier déclarait à notre consœur de Canal Algérie, entouré d’une meute de supporters alors qu’il n’avait sans doute pas encore rejoint le vestiaire, qu’il dédiait la victoire face à l’Egypte au million et demi de Martyrs tombés au champ d’honneur lors de la Révolution algérienne. Quelle est belle cette déclaration d’un émigré de issu de troisième génération à l’adresse des Ali la Pointe, Ben M’hidi et tant d’autres anonymes ! Un moment riche en émotion. Cette génération de professionnels a forcément quelque chose de différent par rapport à son aînée.
«Les blindés autour du bus, on se serait crus en Afghanistan»
Le coach Saâdane était de l’épopée de 1986, mais celle de 2009 n’a rien de similaire par rapport aux deux dernières participations des Fennecs au Mondial, tellement le contexte est totalement différent. Aussi bien en 82 qu’en 86, les seules fois où l’Equipe nationale était qualifiée au Mondial, elle était pratiquement qualifiée avant même le match retour. Respectivement face au Nigeria et la Tunisie. A chacun de ses matchs, les Verts avaient réussi à faire la différence au match aller en disposant des Nigérians 2 à 0 à Lagos et en battant la Tunisie 4 à 1 à Tunis. Cette fois, l’enjeu était le même, mais ce que les Fennecs et les supporters algériens qui se sont déplacés au Caire ont enduré a dépassé tout entendement.
L’intolérable est arrivé en Egypte, et cela avec un silence d’autant plus intolérable de sieur Blatter, dont la Fédération, paraît-il, préparerait des sanctions sévères, le 3 décembre prochain, contre l’Egypte, selon une chaîne de télévision arabe. Toz ! Voilà notre réaction à toutes les décisions que ces messieurs de la plus haute instance du football envisageraient. «On est au Mondial» pour reprendre une expression d’Ameur Bouazza au micro de Canal Algérie.
Ecoutons plutôt Saâdane parler au journaliste de la chaine sportive de ce voyage en enfer qu’ont effectué les Verts : «Un joueur comme Matmour qui évolue en Allemagne n’a jamais connu une telle atmosphère dans sa carrière. Je l’ai fait jouer, mais je me suis rendu compte très vite que Matmour n’était plus dans le match.
Il était blême. J’avais songé après 20 minutes de jeu seulement à le faire sortir et le remplacer. On a dit que les Algériens ont inventé toutes ces histoires d’agressions. Comment se peut-il que les chaînes de télévisions égyptiennes, que cela soit dit en passant, qui sont responsables de tous les débordements, puissent nous accuser de fomenter une mascarade ? Est-il imaginable que nos joueurs se soient provoqués des blessures profondes sur le crâne pour Lemmouchia et sur le front pour Halliche ? Comment peut réagir un jeune joueur quand il voit le bus entouré de blindés ? On se serait crus en Afghanistan. Le lendemain de notre défaite au Caire et au moment où le bus nous transportait vers l’aéroport, j’ai remarqué un changement sur les visages de mes joueurs. Soudain, j’avais comme l’impression qu’ils avaient laissé derrière eux cette angoisse du stade du Caire.»
«Comment retrouver les sensations de gagner, tout a été basé sur le psychologique»
Dans quel état d’esprit les Verts allaient se retrouver au Soudan, une fois la page du Cairo-Stadium tournée ? Il fallait avoir assez de ressources et de volonté pour se transposer d’un état psychologique à un autre en l’espace de trois ou quatre jours. C’est ce que le journaliste a tenté de comprendre auprès de Rabah Saâdane.
«On a vite fait de quitter Le Caire, c’était la meilleure chose à envisager. Par la suite, toutes les séances d’entraînement que nous avions effectuées sur le gazon du stade de Khartoum étaient basées essentiellement sur le volet psychologique. On avait bénéficié de trois séances avant le match. J’avais remarqué une nette amélioration dans ce domaine. Le groupe avait oublié tout ce qu’il avait vécu au Caire.»
«Au Soudan, c’était le djihad sportif»
Saâdane parlera ensuite du Soudan et de la gentillesse de ses habitants et, surtout, de l’impartialité des hôtes des deux concurrents au ticket d’accès au Mondial. Il joint le geste à la parole : «Les Soudanais étaient droits et justes. On s’est sentis à l’aise. Les joueurs savaient ce qui leur restait à faire. Le match produit était un djihad sportif, selon les règles de la FIFA. Ils avaient torts les Egyptiens de nous provoquer et de nous agresser parce que l’Algérien n’aime pas la hogra. Ce qui est arrivé en Egypte est déjà arrivé dans le passé. Je me souviens qu’en 1978, il s’est passé des incidents à Alger entre l’équipe de Libye et celle d’Egypte.
Je me trouvais dans les tribunes. (C’était lors des Jeux africains de 1978 organisés par l’Algérie, ndlr). Par la suite, la presse égyptienne avait amplifié l’incident et accusé les Algériens d’avoir frappé les Egyptiens. Pourtant la police était intervenue sur le terrain pour séparer les belligérants. En 2001, leur presse s’était très mal comportée envers l’Algérie. On leur avait barré la route du Mondial en les accrochant 1-1 dans notre pays. L’Algérien a du tempérament, on ne peut rien lui soutirer avec force et méchanceté.» L’Algérie ne pouvait lever le pied au détriment du Sénégal qui attendait le résultat du match Algérie-Egypte. Notre pays n’a-t-il pas été victime d’une combine sombre entre l’Autriche et l’Allemagne en 82 ? Il ne pouvait pas combiner contre un autre pays.
«Tout le monde sait que le deuxième gardien de but est meilleur que le numéro un»
Gaouaoui, absent pour cause de suspension, tout le monde attendait la prestation de son remplaçant Chaouchi. Le coach comme pour répondre à la presse égyptienne qui a tenté de nuire à Chaouchi tout au long des 4 jours qui nous séparaient de la rencontre et sans doute sous l’effet de l’euphorie lâche : «On s’attendait à une telle prestation de Chaouchi. On a un deuxième gardien de but qui est sans doute plus fort que le numéro un.
Et cela tout le monde en parle.» Il est clair que sans citer de noms, chacun sait qui était jusque-là le numéro un et qui est le numéro deux des gardiens de but des Verts. Nonobstant le fait que c’est Gaouaoui qui a mené la campagne des qualifications jusque-là. Le portier de Chlef et de l’EN a eu des arrêts décisifs et a été souvent crédité de rencontres honorables.
«Un grand chantier attend Raouraoua et tous les techniciens»
Le journaliste de la chaîne de télévision du pays du Golfe attendait une explication sur les raisons qui font que l’Algérie ne présente qu’un nombre infime de joueurs locaux. Saâdane brosse un tableau à son interlocuteur et revient sur la période faste, il faut le reconnaître, grâce à la loi sur la reforme sportive de 1977.
Les entreprises nationales prenaient en charge les clubs de la Division 1. «A partir du moment que les entreprises de l’Etat avaient arrêté leurs subventions, on s’était pratiquement retrouvés comme à l’indépendance. Les clubs étaient dépourvus de toutes les subventions. Ce changement de cap a sans nul doute nui aux clubs et, par voie de conséquence, à l’équipe nationale.
Il n’y a pas eu une autre forme de soutien aux clubs capables de permettre l’éclosion de talents. C’est ce qui explique en partie l’absence d’une ossature de l’EN composée de joueurs issus du championnat local. Aujourd’hui, un grand chantier attend le président de la FAF. On est tous conscients de la tâche. La relance du football à l’échelle locale est plus que nécessaire, avec tout ce que cela sous-entend comme construction de centres de formation. Mais il y avait cette qualification qui nous tendait la main. On ne pouvait pas laisser passer cette chance de revenir dans le gotha du footbal mondiall.»
Synthèse Mouloud B.