Cette crainte de pénurie a contraint les citoyens à se précipiter vers les marchés pour s’approvisionner en quelques produits alimentaires.
La hantise de ville fantôme qui caractérise traditionnellement les lendemains de la fête de l’Aïd s’empare des esprits des Algériens à quatre jours de la fin du mois de Ramadhan. Le doute plane d’ores et déjà quant à la disponibilité, en quantité suffisante, des produits alimentaires durant les deux jours fériés.
En dépit des mesures prises par le ministère du Commerce, qui a instruit ses directions de wilayas pour établir des listes de permanence des commerçants, des perturbations ne sont pas à écarter sur le marché durant les 48 heures qui précéderont l’Aïd el-Fitr. Acheter du pain ou du lait pendant cette courte période ce ne sera pas une sinécure ! Le scénario de 2012 où les produits de large consommation, notamment l’eau minérale, n’étaient pas disponibles dans les principales villes du pays risque de se reproduire cette année.
Personne ne peut donner cher, en tout cas, de la réussite de cette opération de service minimum que doivent assurer les épiceries et les boulangeries… Des défaillances seront certainement constatées. Sinon, comment convaincre un employé résidant à l’intérieur du pays qui n’a pas revu sa famille depuis trois mois de rester travailler et passer l’Aïd loin des siens ? Ce ne sera pas une mince affaire lorsque l’on sait que plus de 70% des effectifs des boulangeries sont issus des localités de l’Algérie profonde. Ils ont rejoint les grandes villes dans le but d’exercer leur métier, ce métier même pour qui les habitants de ces vastes centres urbains expriment une certaine aversion.
Cette crainte de la pénurie a contraint les citoyens à se précipiter vers les marchés pour s’approvisionner en quelques produits alimentaires. Ils ont cédé à cette frénésie pour constituer de petits stocks avec lesquels ils pourront gérer cette courte phase d’incertitude et d’indisponibilité. Tout porte à croire que l’on va assister à des scènes où le consommateur va de quartier en quartier, de ville en ville, à la recherche d’une baguette de pain ou d’un sachet de lait les jours de la fête. Les raisons avancées pour arguer un tel constat sont multiples.
À commencer par la manière avec laquelle les listes des commerçants permanenciers désignés ont été établies. L’Union générale des commerçants et artisans algériens (Ugcaa) souhaite que les directions du commerce à l’échelle nationale associent les représentants de commerçants dans cette démarche. Car, explique le porte-parole de cette organisation, Hadj Tahar Boulenouar, l’administration ne connaît pas assez les gérants et les artisans de ces commerces. “Seuls les représentants des commerçants sont à même de désigner ceux qui peuvent assurer une permanence”, indique M. Boulenouar. Les commerçants et les citoyens doivent être également informés de ces listes au moins une semaine avant la fête.
Plus de 16 000 commerçants réquisitionnés
Ce délai permettra aux concernés de se préparer et de prendre leurs dispositions en terme d’approvisionnement en matières premières et de tenter de convaincre leurs employés à assurer la permanence. Les autorités doivent rasséréner les consommateurs quant à une offre suffisante sur le marché pour tous les produits de première nécessité. Des placards mentionnant les listes de permanenciers doivent être de ce fait affichés sur les murs, à l’entrée des cités, sur les espaces publicitaires… “Un rôle que doivent assumer les APC”, souligne M. Boulenouar.
Or, à quatre jours de l’Aïd, cela n’a, selon lui, pas été fait. L’autre souci, et non des moindres, qui hante les commerçants, a trait aux coupures d’électricité. Les boulangers les plus ciblés craignent que les pannes de courant entravent le bon déroulement de cette permanence. “Ils ont peur de se préparer pour le rendez-vous en mobilisant le personnel et le matériel nécessaires, et que l’électricité leur fasse défaut”, avoue le porte-parole de l’Ugcaa qui demande à Sonelgaz de rendre public un communiqué dans lequel elle se porte garante quant à une alimentation continue en électricité.
Chose que le groupe public, relève Tahar Boulenouar, n’a pas fait à ce jour. D’où, la réticence des boulangers à accepter la réquisition du ministère de tutelle. Une chose est certaine, plus de 16 000 commerçants sont concernés par cette permanence à travers le territoire national. Ainsi, la moyenne est évaluée à 10 marchands/commune. Sur les 21 000 boulangers recensés en activité dans le pays, plus de 9 100 sont mobilisés à cette occasion.
Afin de s’assurer du bon fonctionnement du dispositif et de l’application rigoureuse du programme de permanence, les directions du commerce vont mobiliser, tel que cela a été fait l’année écoulée, leurs agents pour vérifier sur le terrain la mise en œuvre de toutes ces mesures en procédant au contrôle des commerçants concernés et de constater de visu la disponibilité en quantité suffisante des produits essentiels durant la période des fêtes.
Les commerçants concernés en priorité sont les boulangers, les bouchers, l’alimentation générale et les pharmaciens. Par ailleurs, les contrevenants, qui n’assureront pas la permanence sans empêchement majeur, verront, conformément à la loi, leurs commerces fermés pour une durée d’un mois et leurs dossiers transférés à la justice pour décider du montant de l’amende qu’ils auront à payer, qui, faut-il le préciser, se situera entre 5 et 30 millions de centimes.