Les protestataires posent des problèmes de la vie quotidienne, comme le chômage, le logement, le bitumage des routes, la distribution de l’eau.
Les mouvements de protestation continuent de rythmer le cours des jours en Kabylie, aussi bien à Béjaïa qu’à Tizi Ouzou et Bouira. Hier encore, des sièges d’APC, de daïra, de Such, des impôts, deux chemins de wilaya et une voie ferrée ont été fermés par des manifestants dans les communes d’Adekar et Semaoune pour le troisième jour consécutif. En effet, à Adekar, les habitants du village Mechnoua continuent à fermer les sièges de la mairie, de la daïra, de la subdivision de l’urbanisme et de l’habitat et de la recette des impôts de leur municipalité.
Les manifestants, pour rappel, réclament le bitumage des 3 km de la route de leur village et l’achèvement des projets de réalisation du stade et du foyer des jeunes, à la traîne depuis longtemps. Des doléances soulevées maintes fois auprès des pouvoirs publics, selon un membre du comité dudit village, mais en vain. Dans la commune de Semaoune, la tension des manifestants du village Boualoune est également montée, hier, d’un cran où les protestataires sont, en plus de la fermeture du siège de l’APC depuis lundi dernier, passés à la vitesse supérieure en fermant les deux chemins de wilaya, n°21 et n°22, menant vers Amizour et Timezrit, et la voie ferrée de leur localité. L’autorail de ce matin Béjaïa-Alger, apprend-on à la gare de Béjaïa, est resté d’ailleurs sur rail ainsi que les trains. Bitumage de la route de leur village, assainissement, éclairage public sont les revendications des manifestants de ce village.
Par ailleurs, le quatrième mouvement social a été initié par l’Unpef, un syndicat autonome de l’éducation, qui a appelé à deux journées de grève. Les actions sont parfois musclées. Et elles ne sont pas sans conséquence sur l’économie de la région, notamment lorsqu’il est question de fermer les routes nationales ou les chemins de wilaya. Parmi les nouveaux mouvements de rue, celui initié, mardi, par les habitants du village Tala-Haouniche, dans la commune de Kherrata. Dans leur appel aux autorités locales, adressé via les ondes de radio Soummam, ils ont fait état de problèmes de la route menant vers le marché hebdomadaire, l’inscription en urgence de l’opération de revêtement.
Ils exigent, en outre, des travaux d’assainissement et d’éclairage public. Le dernier mouvement social émane des corps communs et des ouvriers spécialisés de l’éducation, affiliés au syndicat autonome, l’Unpef. Ils réclament l’intégration de ce corps de métier dans le statut de l’éducation et une augmentation des salaires proportionnelle à celle dont avait bénéficié la grande famille de l’éducation. La wilaya de Tizi Ouzou n’a pas été épargnée par le mouvement de protestation.
Les habitants du lotissement Hamdad sis à M’Douha sont revenus à la charge hier en procédant à la fermeture de la route qui mène de leur quartier vers le centre-ville. Pour la énième fois, les riverains ont recouru à ce genre d’action afin de faire aboutir leurs doléances restées sans suite depuis 1996. Hier encore, dès la matinée, des pneus ont été brûlés, obstruant la voie publique située à la sortie est de la ville. Les protestataires dénoncent la détérioration du cadre de vie dans leur cité notamment, l’absence d’un aménagement urbain, l’écoulement à ciel ouvert des eaux usées émanant de la cité des jeunes filles de M’Douha, ainsi que de la promotion immobilière 70-Logts dite Kamel-Gana qui stagnent au rez-de-chaussée des immeubles. D’autres problèmes sont évoqués par les habitants, notamment l’absence de l’éclairage public et l’alimentation en eau potable et en gaz naturel. Sur des banderoles, l’on pouvait lire : “Vos enfants au chaud et les nôtres ?…”, “Cimetière des martyrs, cimetière des vivants”, “SOS, lotissement Hamdad marginalisé” ou encore “Où sont vos promesses ?”
Par le biais d’une lettre adressée à la presse, ces habitants ont tenu à “informer le wali de Tizi Ouzou des conditions précaires que nous vivons au quotidien notamment l’impraticabilité des voies d’accès, l’inexistence de gaz de ville, d’éclairage et des services de voirie, ce qui a engendré la naissance d’une décharge sauvage à quelques mètres de nos habitations et de la cité universitaire de M’Douha”. “Nous tenons à rappeler à M. le wali que nous avons fait des démarches auprès des services concernés, daïra et APC de Tizi Ouzou et les différents services de la wilaya, et ce, depuis plusieurs années et à maintes reprises mais malheureusement, nos démarches sont restées vaines.” Et aux protestataires de lancer un appel pressant au wali de Tizi Ouzou afin de mettre fin à leur calvaire.
À Bouira, les citoyens du chef-lieu de Dirah (50 km environ au au sud de la ville de Bouira) ont fermé la RN8 (reliant le Nord et le Sud) et ont observé une grève générale. Depuis deux jours, la ville de Dirah est décrétée ville morte. Tous les commerces, établissements publics (lycée, écoles primaires, collèges, mairie, poste…) sont restés fermés. Une protestation qui a mobilisé toute la population pour revendiquer un cadre de vie meilleur.
Les manifestants réclament le départ immédiat du président d’APC. “Il a passé 18 ans à la tête de l’APC sans aucun résultat. Durant ses trois mandats électifs, la commune est restée au stade d’un grand village sans aucun aménagement, ni projets structurants”, ont déclaré unanimement les protestataires. Malgré le programme des Hauts-Plateaux dont la commune avait bénéficié, la situation est restée la même. “Nous avons bénéficié d’un programme sur papier. Sur le terrain, nous sommes à l’ère coloniale”. Le problème foncier avancé à chaque fois est rejeté par une grande majorité des citoyens. “La commune dispose de quelques poches pour implanter ses projets. La wilaya a une part de responsabilité. Elle doit dégager une enveloppe financière pour acquérir des terrains chez les privés. Depuis 6 ans, aucun programme de logements n’est lancé. Donc, nous n’avons aucun espoir en matière de logement.” Le chômage revient avec insistance dans les propos, “des jeunes diplômés rasent les murs à longueur d’année. Aucun projet structurant pour absorber le chômage”, dénoncent-ils.
Le problème d’eau potable n’est pas des moindres. “Nous avons droit à 1 heure par semaine, soit 48h par année”, ironise un manifestant. Les citoyens rencontrés étaient déterminés à continuer leur mouvement de protestation jusqu’à satisfaction totale de leurs revendications. Ils réclament le premier responsable de la wilaya pour tout dialogue. ”Nous voulons le wali comme seul interlocuteur et qu’il puisse prendre des décisions”, renchérit la population.
A. DEBBACHE/L.OUBIRA/ M. Ouyougoute/K. Tighilt